L’affaire de la banque franco-tunisienne ne finit pas de susciter des interrogations. En effet, la BFT est au centre d’une bataille judiciaire entre un actionnaire étranger qui se dit lésé, la société ABCI investments et l’Etat Tunisien.
Il faut rappeler que ce contentieux a été porté devant un tribunal arbitral de la banque mondiale, le CIRDI, et est, selon certaines sources proche d’un dénouement. Au profit de qui ? C’est la question que tout le monde se pose surtout que la Tunisie a déjà perdu deux manches décisives en 2011 et en 2014. Résultat, l’Etat Tunisien risque de se voir infliger une très forte amende qui pourrait frôler plus d’un milliard de dinars.
De nouveaux éléments sont à prendre, désormais en considération pour avoir une idée précise sur cette affaire.
En septembre 2016, Mabrouk Korchid, secrétaire d’Etat chargé des domaines de l’Etat et des affaires foncières a réactivé une procédure pénale engagée au temps du gouvernement de la Troïka, à travers Slim Ben Hmidane, alors à la tête de ce département en tant que ministre.
Korchid convaincra le gouvernement qu’il avait trouvé le moyen de contrer la décision du Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) concernant la responsabilité de l’Etat tunisien dans ce dossier.
Pour ce faire, un montage est fait de manière à ce que la Tunisie ne fait aucune réclamation devant le CIRDI mais préfère présenter l’affaire devant ses propres juridictions pénales, prétendant que la Tunisie a subi un préjudice et qu’elle demandait réparation qu’elle obtiendrait de ses propres juridictions.
Fort de cette décision, l’Etat tunisien pourrait s’opposer à toute décision du CIRDI.
Le secrétaire d’Etat est allé jusqu’à faire prévaloir l’idée que la Tunisie subirait un préjudice en conséquence d’un règlement à l’amiable signé précédemment le 31 aout 2012 qui accordait des droits à la société ABCI alors que Mabrouk Korchid, quant à lui, pense qu’elle n’a aucun droit.
Plus encore, il a avancé que le CIRDI allait fonder sa décision sur ce protocole d’accord qui condamne la Tunisie et par conséquent, subirait un préjudice du fait de ce même protocole.
Le secrétaire d’Etat chargé des domaines de l’Etat pensait dur comme fer que grâce à ce montage il pouvait contrer toute décision du CIRDI et a même convaincu le gouvernement et Youssef Chahed à sa tête, de cette option. Mauvais calcul.
Le 19 avril 2017, le tribunal arbitral de la banque mondiale a sorti une décision qui contredisait le secrétaire d’Etat et son montage.
Le CIRDI a notifié aux deux parties, la société ABCI et l’Etat tunisien, que le protocole d’accord et toutes les correspondances échangées pendant la période des négociations amiables ont déjà été exclues, depuis 2013, du dossier du tribunal arbitral du fait que ces négociations n’avaient pas abouti à une solution entre les deux parties.
Le tribunal réaffirme ainsi, en 2017, sa position constante que ce protocole d’accord ne sera jamais pris en considération dans sa décision sur la responsabilité de l’Etat.
Par conséquent, la Tunisie ne peut subir aucun préjudice du fait même de ce protocole et la poursuite pénale engagée par la Tunisie et soutenue par Mabrouk Korchid, sous prétexte de préjudice n’a plus de fondement matériel ou juridique.
La stratégie de Mabrouk Korchid a bel et bien échoué si elle n’a pas induit en erreur le chef du gouvernement.
Cet échec a un prix et très coûteux du fait qu’il va alourdir les indemnisations que l’Etat devra payer et a empêché une solution amiable qui était sur la table du gouvernement et était dans l’intérêt de la Tunisie.
Selon des informations qui nous sont parvenues, Lazhar Jouili, chef du contentieux de l’Etat, qui vient d’être limogé, aurait proposé à Mabrouk Korchid de notifier la décision du CIRDI au juge d’instruction tunisien et de retirer la plainte de l’Etat et sa constitution de partie civile pour défaut de fondement. Et selon certaines sources, dans une fuite en avant, le chef du contentieux a été limogé.
Aujourd’hui, c’est encore une fois au chef du gouvernement, Youssef Chahed de prendre les choses en main. Il doit prendre ce dossier à bras le corps et de tenter de rattraper la proposition amiable, dans l’intérêt du pays en cette période de vache maigre.
Encore une fois Youssef Chahed est amené à jouer les pompiers pour éteindre un feu qui risque de bouffer une part importante de nos finances publiques déjà au rouge.
Le temps presse et il ne faut pas attendre la décision du tribunal arbitral. Sa décision sera irrévocable et aucun recours ne sera plus possible.
Il faut laisser la raison l’emporter sur l’improvisation.
L.R