Par Ridha Lahmar
Notre modèle de développement, les budgets massifs de l’État, ainsi que notre système fiscal sont dominés par des déséquilibres, des contradictions et des paradoxes flagrants.
En effet, notre modèle de développement qui devrait en toute logique être tiré par l’investissement et les exportations est au contraire et surtout depuis trois ans, impulsé par les importations et la consommation.
C’est pourquoi les impacts négatifs en cascade ne manquent pas : détérioration de la parité du dinar, creusement du déficit commercial courant et baisse des réserves en devises, sans oublier l’inflation galopante.
Le budget de l’État a été depuis toujours financé au tiers par des ressources d’emprunts, surtout extérieurs, alors que nos compatriotes les plus riches sont ceux qui paient le moins d’impôts.
Les salaires dans la fonction publique ont progressé de 41% en trois ans, tandis que le montant des subventions consacrées à la compensation a plus que triplé en trois ans passant de 1,4 MD à 5,2 MD ! 20% de nos entreprises paient 80% des ressources fiscales du budget de l’État, tandis que 390.000 forfaitaires, dont la moitié brassant des sommes considérables chaque année, ne contribuent que pour 0,02% aux recettes fiscales programmées. Ce que l’on appelle “le scandale des forfaitaires” est un statut de contribuable privilégié, institué par la législation fiscale en vigueur et qui semble avoir la vie très longue, au profit des professions qui, en principe, ne dépassent pas 100.000 D de chiffre d’affaires par an.
En faisant entière confiance à leurs propres déclarations, ce statut leur permet de payer des sommes dérisoires une fois par an sans être tenus de justifier cela outre mesure par une comptabilité réelle avec factures, quittances et autres pièces comptables.
Il n’y a même pas de vérifications relatives au train de vie ou encore au patrimoine des personnes concernées.
Restaurateurs, pâtissiers, instituts de beauté, salons de thé, divers commerces et professions libérales lucratives bénéficient de ce statut.
L’équité fiscale veut que chacun de nous contribue à l’impôt, selon ses revenus, alors que ce sont les salariés, grâce à la retenue à la source, qui sont la vache à lait de l’État. Certes, l’ancien ministre des Finances, Elyes Fakhfakh, a engagé des travaux de commissions pour la réforme fiscale, mais on en attend les résultats concrets.
Nous avons bon espoir qu’avec le gouvernement de Mehdi Jomâa les choses vont changer, ne serait-ce que progressivement, afin que le devoir fiscal soit admis de bon cœur, que la fraude fiscale soit réduite et que l’on se rapproche quelque peu de la justice sociale et de l’égalité devant l’impôt.
Cela nous amène à constater que pour le budget de l’État relatif à 2014, il manque entre 13 et 14 milliards dinars de ressources sur un budget de 28 milliards de dinars : la moitié du budget manque de ressources financières.
La situation est gravissime, au point que l’État se trouve obligé d’emprunter aux citoyens 500 millions de dinars, alors que si les forfaitaires payaient leurs impôts selon le système réel, cela rapporterait 4 à 5 milliards de dinars par an.
Nous sommes déjà au mois de mars et une partie de nos ressources financières n’est pas encore identifiée et encore moins approuvée par le gouvernement et l’ANC.
Pour boucler le budget 2014, 5 milliards de dinars de ressources ne sont pas encore identifiés à ce jour. Ce qui est irrationnel, c’est que les subventions de la Caisse de compensation dépassent le budget d’investissement et de développement, nous empruntons à l’étranger non pour investir et créer de la richesse et de l’emploi, mais pour consommer, ce qui est lourd de conséquences.
Notre pays a atteint un taux d’endettement souverain extérieur équivalent à 50% du PIB en accumulant au cours des trois dernières années 10% de plus.
Ce taux ne serait pas alarmant en lui-même s’il était destiné à l’investissement et au développement, mais en fait il est destiné à la consommation et aux salaires. Ce qui est inadmissible.
Ce qui n’a pas été dit, c’est que l’État, les entreprises et les citoyens doivent pendant quelques années adopter un régime d’austérité pour arriver à joindre les deux bouts. L’État, qui mène un train de vie fastueux, doit donner l’exemple et faire la chasse aux sources de gaspillage, les autres suivront.