Il est quand même surprenant que les pouvoirs publics n’aient créé aucune ville nouvelle depuis l’indépendance, alors que la pression démographique est sensible, que l’extension urbaine anarchique est démesurée, que l’exorde rural est envahissant, que nos villes vieillissent, étouffent et se dégradent, entourées de banlieues-dortoirs mornes, sans âme et sans création d’emplois sur place.
Le Maroc vit une expérience réussie en la matière avec une forte connotation écologique.
Une ville nouvelle est un espace planifié à l’avance où il fait bon vivre, où il y a une répartition rationnelle des activités économiques, des logements et des services socio-collectifs avec des voies de circulation bien ordonnées, des espaces verts, sportifs et de loisirs. La principale nouveauté c’est la protection de l’environnement et la prise en charge du facteur écologique dont le recyclage des déchets et la promotion des énergies renouvelables.
Pour cela, il importe que l’Etat, pour éviter toute spéculation foncière, ménage là où il peut, de vastes réserves dites “d’aménagement différé” à prélever sur des terres agricoles en vue d’implanter de nouvelles villes qui comportent la création massive d’emplois productifs. Cela permet d’éviter toute spéculation foncière par des prédateurs privés.
Avons-nous une stratégie d’aménagement du territoire rationnelle et cohérente conçue et appliquée pour veiller sur une répartition équilibrée des activités économiques et des établissements humains ?
Peut-être, encore faut-il qu’elle soit connue et acceptée par tous les acteurs économiques et partenaires sociaux.
Toujours est-il qu’il y a beaucoup d’incohérences et de dysfonctionnements dans ce domaine, imputables aux pouvoirs publics.
Par exemple dans la capitale il y a un éloignement flagrant des zones industrielles, des zones d’activités économiques et des bureaux vis-à-vis des logements, sans qu’il y ait des moyens de transport de masse et des voies de circulation directes.
L’absence d’une armature urbaine solide et bien équipée ainsi que le manque de décentralisation dans l’Est et le Sud du pays ont engendré une concentration économique et démographique dans le Grand Tunis, paralysante pour la croissance économique globale.
L’inexistence d’autoroutes transversales pour desservir l’Est et le Sud du pays a toujours été un obstacle au développement des régions continentales et accru les disparités entre le littoral et l’intérieur du pays.
La crise du bassin minier de Gafsa qui persiste encore larvée, qui a failli emporter à jamais la prestigieuse compagnie des phosphates et priver notre pays d’une richesse inégalable et d’un potentiel d’emplois directs et indirects de l’ordre de 30.000, pourrait être imputée à une erreur stratégie d’aménagement du territoire.
En effet implanter à Gabès, Sfax et la Skhira, les usines du Groupe chimique, qui transforment et valorisent la matière première phosphatière en produit semi-fini destiné à l’exportation a engendré plusieurs inconvénients et désavantages.
D’abord, priver la région de production d’une implantation d’usines sur place, un facteur primordial de développement régional.
Cet investissement sur place dans la région de Gafsa aurait permis la création massive d’emplois, donc l’animation économique de la région dans les secteurs secondaire et tertiaire : services, transport, commerce,…
Cela aurait permis d’économiser sur les coûts de transport du phosphate brut qui pèsent lourd sur le prix de revient, cela aurait aussi évité la pollution du golfe de Gabès par le dépôt du phosphogypse qui s’est répercuté de façon catastrophique sur la pêche.
Dans notre pays, on implante des zones industrielles là où l’AFI trouve de vastes terrains bon marché, c’est-à-dire plus ou moins au hasard, donc n’importe où et non pas où il y a un besoin et donc une forte demande. Le résultat c’est que parfois ces zones, à l’intérieur du pays, restent désertes ou peu occupées. Des investissements lourds qui aboutissent à un gachis.
Par exemple la zone industrielle d’Utique qui a été implantée au milieu de nulle part, c’est à dire parmi les champs, loin de toute agglomération et de toute habitation, dépourvue de transports publics, ce qui fait que les ouvriers ont des difficultés quotidiennes pour rejoindre leur lieu de travail et pour rentrer chez eux._
En outre, ces zones sont souvent dépourvues de services socio-collectifs : banque, poste, restaurant, station-service, transports en commun de voyageurs, taxis, supermarché,…
Sinon au bout de quelques années c’est l’abandon, la désaffection et la dégradation des infrastructures faute de maintenance.
Les zones industrielles doivent être implantées à proximité des villes et villages, sinon jumelées avec des lotissements d’habitats ouvriers.L’aménagement du territoire doit être confié à un comité multisectoriel pour être efficace.
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