
Habiba Louati, ancienne directrice générale de la fiscalité au sein du ministère des Finances et actuelle responsable du pôle fiscalité au sein de Solidar Tunisie.
Ancienne directrice générale de la fiscalité au sein du ministère des Finances, Habiba Louati est intervenue ce mercredi 20 septembre 2017 dans Expresso sous sa casquette de responsable du pôle fiscalité au sein de Solidar Tunisie, pour revenir sur l’aspect financier du code des collectivités locales, le projet de loi de finances 2018 et la police fiscale.
Code des collectivités locales : risque de dépendance financière vis-à-vis de l’État
Que ce soit sur la forme ou sur le fond, le code des collectivités locales présente des lacunes, selon Habiba Louati. Ses articles sont nombreux, ce qui peut rendre leur application difficile. « L’appellation n’est pas conforme à la Constitution. On devrait l’appeler Code des autorités locales », dit-elle. Sur le plan budgétaire, la responsable du pôle fiscalité souligne certaines contradictions entre le code et le projet de loi de finances 2018, pouvant affecter l’indépendance des futures autorités locales.
« Le financement des collectivités locales, selon le code des collectivités locales, se fait par le biais des primes et des transferts d’argent de l’État à la collectivité en question, en vue de réaliser un projet bien défini. Or, ce point ne figure pas dans le projet de loi de finances 2018. Il doit donc être traité dans l’immédiat », explique-t-elle. Les collectivités locales, selon Habiba Louati, doivent assurer leur indépendance financière, vu que l’État a d’ores et déjà du mal à traiter la question du déficit du budget 2018 et qu’il fait face à la crise des caisses sociales. « L’argent vient de l’État, ce qui est contraire au principe de l’indépendance des collectivités. Il faut trouver le moyen d’assurer les ressources financières nécessaires », ajoute-t-elle.
Budget 2018 : une hausse d’impôt contreproductive
Commentant le projet de loi de finances 2018, Habiba Louati souligne qu’il ne correspond pas aux attentes des citoyens, compte tenu des hausses d’impôts qu’il va comporter. « On aurait pu faire mieux en matière de réforme fiscale. L’objectif, au départ, était d’alléger le poids des impôts pour le contribuable et les sociétés en élargissant la base. Or, avec la pression budgétaire, le gouvernement a été contraint d’augmenter les impôts », affirme l’ancienne directrice générale de la fiscalité.
Dans ce contexte, rappelle-t-elle, une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sera au programme – de l’ordre de 1 point -. Elle évoque également la hausse de la valeur du timbre fiscal pour la téléphonie mobile et Internet, au même titre que les tarifs de l’engagement d’une procédure judiciaire à travers l’imposition d’un timbre fiscal. Autre mesure : la hausse du barème fiscal d’un point, dont les recettes seront redistribuées au profit des caisses sociales. Tant d’éléments qui, pour Habiba Louati, font de ce projet de loi loin des attentes du peuple.
« Les salariés subiront le poids des hausses des impôts »
Les objectifs escomptés seront-ils atteints ? Réagissant à cette question, elle estime que la mission s’annonce difficile, si l’on prend en compte la conjoncture économique actuelle. « On n’arrivera pas à atteindre nos objectifs, quelle que soit la hausse d’impôt pratiquée. Il faut plutôt stimuler la croissance économique pour créer de la richesse et de la valeur », note-t-elle. Elle critique, également, l’instabilité du système fiscal en Tunisie, dans le sens où il risque de changer depuis l’adoption de la loi sur l’investissement en avril 2017. Cela constituera, selon Habiba Louati, un frein pour les investisseurs étrangers et nationaux.
L’autre casse-tête du projet de loi de finances 2018, selon la responsable fiscalité de Solidar Tunisie, est la caisse de compensation qui devrait elle aussi faire l’objet d’une réforme. Cette dernière impliquera automatiquement, selon elle, une hausse des prix. Tout le poids de toutes ces hausses sera subi par les salariés. De ce fait, Habiba Louati recommande d’élargir la base des contribuables. Elle suggère, également, que l’État récupère ses dettes, estimées à 7 milliards de dinars rien qu’au niveau des recettes de finances. « Il faut lancer une opération de ratissage financier pour que l’État récupère son dû et mettre en place les mécanismes nécessaires pour ce faire », déclare-t-elle.
Police fiscale : un appui à la lutte contre l’évasion fiscale
Dernier volet abordé par l’ancienne directrice générale de la fiscalité : la police fiscale, qui va entrer en fonction dès janvier 2018. Habiba Louati rappelle que ce nouveau corps de métier épaulera le procureur de la République. Seulement, la loi de finances 2017 stipulait qu’il devait œuvrer sur tout le territoire national. Or, la police fiscale va, dans un premier temps, œuvrer sur le Grand Tunis.
« La police fiscale contribuera à améliorer les contrôles fiscaux. Avec l’aide de la Garde Nationale et des agents de la douane, elle contribuera au contrôle, à titre d’exemple, des camions et des dépôts. Si une infraction est constatée, elle sera directement reportée au procureur de la République », déclare-t-elle encore.