« La politique, disait Mitterrand, c’est de l’arithmétique dominée par de l’irrationnel «. En ces temps de populisme triomphant dans notre scène politique, la déraison semble plus que jamais gouverner les esprits. D’où la foire aux bêtises, qui bat son plein. Chacun descend avec sa « tribu « ! Les gens de gauche contre les réformes, l’austérité, les menaces sur le service public ou sur le modèle social et l’État providence ; les destouriens contre l’insécurité, l’exclusion, le terrorisme ; les islamistes contre les libertés individuelles, l’émancipation de la femme et la laïcité. Si chaque partie joue la vierge effarouchée, c’est plutôt parce qu’elle a trouvé une arme extrêmement efficace pour faire tomber ses adversaires. A cet égard, nous sommes dans la « logique « des mécontents de tout poil, le désarroi des Tunisiens en colère, qu’ils soient salariés, indépendants, chômeurs, retraités ou précaires. Cette théâtralisation révèle une névrose collective. Nous la vérifions chaque jour depuis plus de neuf ans. Poudrière, pétaudière, crise aiguë… les qualificatifs décrivant l’atmosphère dans le pays n’ont rien de rassurant. Et pour cause, depuis presque une décennie, les conflits y surgissent comme des champignons après la pluie. C’est là où le bât blesse, car presque rien dans l’état actuel ne va dans le sens voulu par les citoyens. Quel peuple aura connu, en moins d’une décennie, une telle saignée !? En acceptant de former un nouveau gouvernement, Hichem Mechichi a hérité d’un pays en péril, qui fait eau de toutes parts. Les derniers rapports des institutions internationales le confirment, qui tirent la sonnette d’alarme, une fois de plus, sur la dérive des finances publiques. Prudent, discret, précautionneux, le chargé de former le gouvernement fait penser à un dromadaire qui n’avance jamais la patte que pour tâter le sable bouillant du Sahara en pleine canicule ! Ses débuts furent si prometteurs qu’on était en droit de s’attendre à une nouvelle donne pour le pays. Après tout, au milieu des ruines d’une décennie catastrophique subsistaient de beaux restes ; il existait un petit chemin très étroit, dont il pouvait devenir le sauveteur. La carte méritait d’être jouée, et Michichi a su un temps, laisser penser qu’il pouvait écarter les murs. Or, en plusieurs circonstances, et l’affaire Walid Zidi proposé pour le ministère de la Culture en est une démonstration de plus, il est apparu évident que l’espace de respiration s’était refermé. Le président de la République a repris la main sur la formation du gouvernement. Las ! Après avoir joué magistralement la carte de la complicité fructueuse avec Kaïs Saïed et tenu la dragée haute à Rached Ghannouchi, Hichem Mechichi doit déchanter. Dans cette épreuve, qu’il affronte bien seul, il se heurte à la dure réalité d’une scène politique sombrant dans le délire le plus dramatique. Certes, disait Clémenceau, «tout le monde peut faire des erreurs et les imputer à autrui : c’est faire de la politique «. Mais il y a des erreurs impardonnables. Mechichi n’a certainement pas lu le grand classique d’Ibn Abi Dhiaf «Ithaf Ahl al- zaman bi Akhbar Tounes Wa’ Ahd el – Aman (Présent aux hommes de notre temps. Chroniques des rois de Tunis et du pacte fondamental), qui montre qu’on précipite la perte du pouvoir à force de reculade ! En plus, la politique est un métier qui s’apprend. Plus un politicien est expérimenté, meilleur il sera. C’est une vieille règle historique. Sinon, le bleu fera son stage aux frais du contribuable en tombant dans tous les pièges dressés sous ses pas. Surtout, il se laissera griser par les feux du pouvoir. Malheureusement, Hichem Mechichi n’a pas respecté cette règle en proposant plusieurs bleus pour son gouvernement ! « On ne joue pas du violon sans l’avoir appris. Qu’on ne prétende plus tirer du plaisir d’une femme neuve sans avoir appris à en jouer «, avertissait Léon Blum !