À la croisée des chemins

Par Mohamed Ali Ben Sghaïer

La décision ferme du ministère de l’Intérieur d’exiger une demande d’autorisation préalable pour tout groupe de personnes désirant organiser une manifestation ou un rassemblement, ne semble pas être prise au sérieux, ni respectée par la mouvance salafiste. Cette dernière accepte mal la réaction des autorités qui est carrément considérée comme une “déclaration de guerre” contre les “vrais islamistes pieux” et un retour aux anciennes pratiques policières et tortionnaires de l’ancien régime.

D’ailleurs, l’appel lancé par Abou Yadh à ses adeptes leur intimant de ne pas céder et de ne jamais reculer, car d’après lui «le simple fait de penser à reculer est une défaite», est clairement un signe alarmant et dangereux.

En fuite depuis des mois, Abou Yadh a adressé un message très fort aux autorités à travers un communiqué sur la page officielle d’Ansar Acharia. En les qualifiant de tawaghits, il menace de faire appel à tous les moujahidines tunisiens en Afghanistan, en Somalie, en Syrie et partout dans le monde “pour donner leur vie à Kairouan”. D’après lui : «Nos vies ne seront pas cher payées si notre religion est bafouée et si notre prédication est gênée.» 

Il faut le reconnaître. Il y a péril en la demeure. Il s’agit d’un danger réel qui risque de mettre le pays à feu et à sang. Les affrontements entre salafistes et forces de l’ordre qui ont eu lieu dernièrement à Sijoumi risquent d’ouvrir la porte à un nouvel épisode de confrontation sanglante, entre un courant ayant subi de longues années de répression et de torture et qui croit dur comme fer avoir raison et des autorités pensant être de jour en jour dans le viseur de certains groupes intégristes. 

Les évènements de Chaâmbi, dont le compteur de dégâts et de pertes en vie humaine dans les  rangs des forces de l’ordre et de l’Armée ne s’arrêtera pas de sitôt, ont impulsé un phénomène destructeur qui mettra en jeu la stabilité et la paix sociale dans notre pays. Le “printemps du terrorisme” est à nos portes.

Nous sommes tous coupables.

Les gouvernements qui se sont succédé ont commis des fautes irréparables en adoptant la politique du laisser-faire. Les agressions restées impunies perpétrées par des salafistes, contre le drapeau national à la Manouba et Avenue Bourguiba ainsi que l’affaire du drapeau brûlé à Bizerte représentent un échec manifeste quant à l’application de la loi. La conquête des mosquées, de la part des groupes fondamentalistes dans l’objectif de les utiliser comme bases arrières pour leur prochain combat contre les “ennemis de Dieu”, démontre clairement l’absence d’une volonté réelle de mettre fin aux débordements, voire une complicité.

Pis encore, des membres du Conseil de la Choura d’Ennahdha, parti au pouvoir, ainsi que des députés de la Constituante censés veiller au respect de la loi, défendent bec et ongles ces gens qui ne se croient soumis qu’à la loi de Dieu. Les qualifiant aujourd’hui, d’écervelés, le président du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, ne les a-t-il pas considérés, à un moment donné, comme ses enfants lui rappellant sa jeunesse ? 

De tels comportements irresponsables sont à l’origine de ce dérapage dangereux. Non seulement le prestige de l’État est aujourd’hui au point mort, mais la notion même d’État est elle aussi menacée.

Leurs appels à la désobéissance, lancés sur les plateaux de télévision aux agents de police et l’injonction qui leur est faite de rejoindre leur “éveil islamique”, risquent de semer la discorde et de perturber l’institution sécuritaire. Les adeptes de l’idéologie djihadiste d’Oussama Ben Laden, le fondateur d’Al-Qaïda, veulent  scinder le corps sécuritaire après avoir réussi à diviser la société.

Le gouvernement doit tirer les leçons des évènements de Chaambi. C’est l’occasion ou jamais pour que l’institution sécuritaire puisse faire régner l’ordre et la sécurité parmi toutes les composantes de la société. Notre pays est à la croisée des chemins. Il est temps de prendre des mesures de veille sécuritaire en faisant preuve de bonne volonté pour éviter le pire. Que Dieu protège notre pays !

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