A la mémoire de Fanon

La Faculté du 9 avril a organisé, le 11 octobre, un Colloque sur les tribulations de la sociologie en Tunisie. L’apport novateur provint du propos tenu sur la réhabilitation de Franz Fanon. Salah Mesbah, universitaire, éclaire l’itinéraire du psychiatre dont le souvenir demeure vivant surtout parmi les psychologues, les sociologues et bien d’autres individus qui l’ont connu. La contribution de Moshab, lumineuse, rencontre l’écho le plus intense de l’assistance d’où émane, à maintes reprises et avec insistance, une revendication afférente à l’installation d’une salle dédiée à Franz Fanon… Ici, à la Faculté, seul Salah Garmadi bénéficia, jusqu’ici, d’une telle distinction. A travers les rues et les avenues du pays, les plaques mentionnent plutôt les politiciens au détriment des académiciens. Du psychiatre véridique, l’orateur dépeint l’itinéraire scientifique et politique. L’exposé, applaudi, suscite l’écho de l’assistance d’où émane une revendication. Aménager, à la Faculté, un espace dénommé « Salle Franz Fanon », à l’instar de la « salle Salah Garmadi ». L’orateur aborde, ensuite, l’affiliation de Fanon à l’«Ecole de Lyon » d’où il retire et peaufine la nouvelle approche psycho-pathologique. Elle rompt avec la façon dénoncée par Michel Foucault dans son écrit sur l’histoire de la folie.
Car l’asile, institution répressive, enfonce le malade, cloîtré, dans son délire et le trouble empire. Par opposition à ces pratiques mises en œuvre à l’âge classique, Fanon prescrit l’hospitalisation de jour en psychiatrie. Autrement dit, le patient, tantôt à l’hôpital et tantôt réinséré au sein de son milieu social, récupère, mieux, l’équilibre de ses facultés mentales. Fanon avait, auparavant, expérimenté, avec succès, la méthode, à l’hôpital algérien de Blida. Puis, il exerce, en Tunisie, à l’hôpital Charles Nicolle, du nom du bactériologiste et directeur de l’Institut Pasteur. Fanon milite au FLN contre le colonialisme français. L’orateur cite la critique de Baurdieu adressée au soi-disant «fanonisme » et met en relation cette « bourdieuserie » avec la prise de position de Fanon contre la colonisation. Parfois, les intellectuels, même de renom, peinent à surplomber leur système d’appartenance nationale même si tel n’est pas toujours le cas. En effet, des Français luttèrent, en Algérie, contre le colonialisme français. Pour l’orateur, le black-out imposé par les réactionnaires occidentaux à Fanon, rétroagit au combat qu’il mena contre l’occupation.
Lorsque son collègue découvre chez lui, une tumeur cancéreuse au cerveau, Fanon, loin de paniquer, dicte à son assistante le dernier de ses trois ouvrages.
En guise de souvenir, les organisateurs du colloque retiennent la proposition d’une salle dite Franz Fanon.
De l’assistance fuse un autre son de cloche nimbé de reproche. Il incrimine les sociologues porteurs d’une double casquette académique et politique.
Cette posture, ambivalente, peu reluisante, peine à concilier la science et le prince. Parmi les autres contributions remarquées figure celle de Nabila Hamza intitulée « Les femmes comme sujets et auteurs de la sociologie en Tunisie : une exploration des pionnières ».
Nabila vitupère le machisme affronté par les femmes sociologues exposées aux dégâts du patriarcat. Elle attribue à Sophie Ferchiou l’introduction de l’anthropologie en Tunisie. Cela est inexact, car l’anthropologie signifie la connaissance de l’homme par l’homme. Ainsi les Anglo-Saxons ne dressent aucune cloison séparatrice de l’anthropologie et de la sociologie. Nabila fait partie de mes enseignés. Ils ont beau professer, maintenant, même brillamment, mes étudiants demeurent mes étudiants ad vitam.

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