Quelques 5 jours après son limogeage, Khaled Kaddour ex-ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, sort à nouveau de son silence pour s’expliquer et expliquer à l’opinion publique les raisons de son limogeage sans réellement aller au fond des choses.
Intervenant ce mardi 4 septembre 2018 dans Expresso sur les ondes d’Express Fm, Khaled Kaddour est revenu sur les dessous de l’affaire du champ pétrolier de « Halk El Menzel », à l’origine de son limogeage et, surtout, de la liquidation de tout un ministère aussi sensible que startégique.
L’ancien ministre a souligné que « cette affaire a pris beaucoup d’ampleur alors qu’elle ne méritait pas, selon lui autant de bruit, et ce, tout simplement, par ce que depuis sa création, le ministère de l’Energie conduisait essentiellement les négociations et les signatures de contrats qui soulèvent toujours, bien évidemment, des divergences de points de vues, des problèmes autour de certains contrats et des écueils pour leur signature.
Chaque champ pétrolier soulève des problèmes, concernant la période de son exploitation, sa production, et ses prévisions. Seuls les spécialistes, qui ont pleinement le droit de discuter de tout cela« .
« C’est un domaine assez enchevêtré, techniquement difficile, compte tenu de la complexité de sa technologie. Quand on parle de l’énergie, on parle de l’électricité, du pétrole, du gaz et de leur exploitation, des contrats relatifs à ces domaines, que seuls les spécialistes peuvent expliquer. Or, depuis quelques années, tout le monde s’en mêle, ce qui embrouille en quelque sorte les citoyens. La signature des contrats entre l’Etat tunisien et les sociétés pétrolières, tunisiennes ou étrangères, est toujours un sujet de tergiversations,« a-t-il insisté.
Lors de son intervention, Kaddour s’est attardé sur l’affaire du champ pétrolier « Halk El Menzel » qui se trouvant au large de Monastir et qui a fait couler beaucoup d’encre, faisant savoir que l’affaire remonte à 1979, date de la découverte de ce champ.
» Je salue tous les ministres qui ont tenu les rênes de ce secteur depuis 2009. Ils sont au nombre de 8 et ils ont tous accompli leur mission comme il se doit. Il y a des entreprises pétrolières internationales comme Shell, ELF Aquitaine et OMV qui avaient un contrat avec l’Etat tunisien pour exploiter ce champ. En 2006, un investisseur tunisien l’avait acheté d’OMV. Ce champ n’a pas été développé depuis 1979 d’abord en raison de sa faible production, de la médiocrité de la qualité de son pétrole en comparaison au champ pétrolier d’El Borma, outre le coût élevé de son extraction. Ce qui a poussé les entreprises pétrolières étrangères à l’abandonner sans l’exploiter« , a-t-il précisé, insistant sur le fait « qu’aucune goutte de pétrole n’a été pompée de ce champ. » Par ces propos, Kaddour dément les informations selon lesquelles, l’Etat aurait subi de lourdes pertes, soulignant que l’argent dépensé était bel et bien celui de l’investisseur.
« En 2000, le code des hydrocarbures a été publié et offrait le choix à ces entreprises soit de continuer à être régis par les conventions conclues avec l’Etat tunisien et qui leur permettaient d’exploiter les champs pour une période de 50 années, soit d’être soumises au code des hydrocarbures, qui limite la période d’exploitation des champs à trente années seulement. L’entreprise en question a finalement opté pour le code.
La deuxième convention conclue après la publication du code stipule également une exploitation d’une durée de trente ans. Et c’est à partir de là que les points de vue sont devenus éparses.
Depuis 2007, plusieurs correspondances ont été échangées avec la présidence du gouvernement ou précédemment les premiers ministères. A l’issue de la consultation des différents avis juridiques et techniques il a été conclu que l’entreprise avait le droit d’exploiter ce champ sur une période de 50 ans. Ce qui a été approuvé d’ailleurs par l’administration.
Khaled Kaddour s’interrogera, non sans ironie, s’il était normal qu’on achète un projet en 2006 pour l’abandonner en 2009! « On a prétendu que le contrat a expiré depuis 2009 alors que l’investisseur continue d’exploiter le champ,« a-t-il ajouté. Kaddour a rappelé que son département a été contacté par la présidence du gouvernement pour l’organisation d’une éventuelle visite du chef du gouvernement au champ pétrolier de Halk EL Menzel. « On nous a demandé une fiche technique. Nous avons envoyé cette fiche. J’ai signalé au chef du cabinet du chef du gouvernement qu’il vaudrait mieux qu’il ne s’y rende pas pour préserver le prestige de l’Etat au cas où on n’arrive pas à extraire du pétrole. Je lui ai dit que ce serait mieux qu’il effectue cette visite au démarrage de la production effective tout mettant l’accent sur les polémiques juridiques autour de ce champ. La présidence du gouvernement nous a demandé une note qui, il faut le dire, manquait de précision et de clarté, étant donné qu’on avait oublié d’y mentionner qu’en 2015, l’administration avait opté pour une exploitation s’étendant sur 50 ans,« a-t-il reconnu.
L’ancien ministre a indiqué que « L’ETAP n’est pas entrée dans ce projet en raison de sa faible rentabilité outre qu’elle n’était pas encore créée lorsque le projet avait été lancé, précisant que « l’ETAP s’implique obligatoirement dans les nouvelles découvertes autour de ce champ ».
« Il ne faut pas confondre production et réserves. Les réserves du champ sont de près de 8 millions de barils, alors que dans d’autres pays on produit 10 millions de barils par jour et les réserves d’El Borma s’élèvent à 800 millions de barils. On aurait pu transférer ce dossier au tribunal administratif au lieu de supprimer tout un ministère, de cette façon. Les accusations de corruption m’ont affecté, ainsi que ma famille et plein de cadres qui ont vu leur réputation salie. Quel message envoyons-nous aux investisseurs. L’administration a été touchée! comment va-t-elle travailler dorénavant. Dans cette société, il y a la banque mondiale et deux banques étatiques! est ce que toutes ces parties ont fait une mauvaise étude juridique!« , a-t-il conclu.
Iyed Dahmani : qui a parlé de corruption?
« Je connais de près Khaled Kaddour. C’est un homme compétent et probe. Dans une démocratie, quand il y a un dysfonctionnement, le chef du gouvernement prend logiquement des décisions politiques et des mesures administratives, » a-t-il déclaré. Dahmani a également donné sa version des faits, faisant savoir « qu’un investisseur tunisien a invité la présidence du gouvernement pour l’inauguration d’un champ pétrolier à Monastir qui produira 15 000 barils par jour. « Nous avons donc contacté le ministère de l’Energie pour avoir plus de données sur ce projet. Le ministère nous a envoyé une note avec un argumentaire juridique mais qui manquait un point important relatif à la validité du contrat d’exploitation de ce champ. Ce n’est pas la présidence du gouvernement qui a mal interprété la note du ministère mais c’est ce dernier qui nous a informé que le contrat est expiré depuis le 31 décembre 2009. S’il s’avère que cet investisseur a eu un passe-droit de bonne foi, ça montre qu’il y a eu un dysfonctionnement au niveau de l’administration. Quant à ceux qui regrettent la suppression du ministère, il faut leur rappeler qu’il y a à peine 5 ans que l’énergie a bénéficié d’un département indépendant car elle a toujours été rattachée au ministère de l’Industrie, sachant que ceci ne va pas influer sur le fonctionnement des structures ce ministère. D’ailleurs, le ministère du Commerce notamment était rattaché également au ministère de l’Industrie. Il n’y a également aucun message négatif aux investisseurs. Au contraire, ces derniers se rendront compte de la transparence et de la bonne gouvernance de l’Etat. »a-t-il expliqué.
Ameur lâarayedh : le dossier n’est pas parvenu à l’ARP
De son côté, Ameur Lâarayadh, président de la commission de l’Energie à l’ARP, a fait savoir qu’il a demandé au chef du gouvernement de transférer un dossier détaillé sur cette affaire au parlement.
Le chef du gouvernement s’est engagé à le faire. « A la rentrée parlementaire, une plénière se tiendra pour discuter de ce sujet. Il faut également faire la différence entre des infractions ou des erreurs administratives et des dossiers de corruption. D’ailleurs, le porte-parole de la présidence du gouvernement a bel et bien parlé d’infraction administrative et nullement de corruption. Il y a eu un amalgame dans cette affaire. Nous insistons que la production n’a pas encore commencé« .