A qui profite le statu quo ?

Alors que l’on croyait que son sort a été  définitivement scellé, Youssef chahed s’est extirpé finalement de son mutisme, jouant in extremis une carte qui a brouillé les calculs de ses adversaires les plus acharnés. Son atout maître a été  la confusion qui règne dans son propre camp, guidé par Hafedh Caïd Essebsi, qui ne jure que par son départ, mais qui n’a fait, en réalité, que faire couler Nidaa Tounes, devenu l’ombre de lui-même. Une formation politique moribonde qui ne brille que par les débâcles qu’elle essuie et l’exode continu de ses figures les plus emblématiques.
En prenant tout le monde au dépourvu, à travers l’attaque frontale qu’il a dirigée contre Hafedh Caïd Essebsi, taxé d’être la source de tous les maux dont souffre le parti dont il est le Directeur exécutif, ainsi que de sa profonde désorganisation, Youssef Chahed pense pouvoir changer la donne et inverser le cours des événements. Dans la situation d’imbroglio politique que vit actuellement la Tunisie, l’essai fait par le Chef du gouvernement s’est transformé en gain de points, comme le montrent bien l’étau qui s’est desserré autour de lui et la marge de manœuvre dont il dispose, ne serait-ce que provisoirement. Pour combien de temps ?  Au regard de  l’expectative dans laquelle se trouvent  confinées  les parties qui ont échoué, après deux mois de tractations infructueuses, à parvenir à un compromis, il est improbable de voir tous ces protagonistes, qui ne semblent pas encore avoir bien digéré cette déconvenue, se réunir de nouveau autour d’une même table et accepter de revoir leur copie et leurs priorités.  C’est sur ce front que Youssef Chahed pourrait encore engranger d’autres points, puisque le facteur temps joue en sa faveur, cela, outre la grande déconfiture dans laquelle se trouve la  classe politique dont les récentes élections municipales ont  révélé toute la fragilité et tout le décalage.
Dans la situation d’attentisme pesant qui règne, Youssef chahed, qui a surpris tout le monde,  semble être le seul à tirer son épingle du jeu, paraissant à la fois, imperturbable, serein et résolu et ce, contrairement à son prédécesseur, Habib Essid, qui avait vite jeté l’éponge en tombant  dans le piège qu’on lui avait soigneusement tendu. La preuve est fournie par sa propension à poursuivre les réformes essentielles, constamment bloquées par l’UGTT qui le taxe d’incompétent, la porte qu’il a laissée entrouverte au dialogue, son jugement positif des 63 points figurant dans la feuille de route de Carthage 2, son appel à l’unité de la famille démocratique et sa détermination à poursuivre sa guerre contre la corruption.
Youssef Chahed ne s’est pas privé au passage de défendre le bilan de son gouvernement qui a, à son actif, malgré tout, la restauration de la sécurité et actuellement la reprise de la croissance et l’entame des grandes réformes.
Au moment où tout le monde parle de crise politique au sommet de l’Etat, on décèle une impuissance, voire une résignation, à opter pour de nouvelles pistes de sortie de crise. Avec le flou qui persiste un peu partout de Carthage à la Kasbah, il est difficile de préjuger de l’épilogue d’un processus qui a connu une fin en queue de poisson, en raison de son caractère biaisé, ni des réactions qui proviendraient du Directeur exécutif de Nidaa Tounes ou de la Centrale syndicale. Dans ce faux calme qui prévaut, la situation se trouve plus que jamais compliquée, faute de données transparentes et surtout de position claire de la présidence de la République qui continue à observer un grand mutisme.
On a l’impression que  tout le monde attend les signaux de la présidence de la République avant de trancher, mais peut-on réellement s’attendre à la voir se hasarder de nouveau dans ce jeu périlleux qui a été pour Béji Caïd Essebsi une source d’embarras, lui qui a été accusé d’enfreindre la Constitution du pays et de fausser le jeu des institutions républicaines par le biais d’un dialogue dont les protagonistes cherchent plus à régler leurs comptes politiques qu’à concevoir des solutions pour épargner au pays les affres d’une crise multidimensionnelle? Béji Caïd Essebsi  laissera-t-il pourrir davantage la situation afin d’acculer tout le monde à se résigner à l’évidence ?
Il est certain qu’aujourd’hui, Nidaa Tounes, et malgré les déclarations trompeuses sur l’unité de ses rangs, se trouve  pris dans la tourmente du doute et du risque d’approfondissement de ses dissensions. Alors que ses dirigeants croyaient mener le bal, ils sont confrontés à une position inconfortable de gestion d’une crise intérieure, ne sachant pas où donner de la tête ou plutôt comment reprendre l’initiative à leur profit.
De son côté,  l’UGTT, qui a mené à fond sa guerre contre Youssef Chahed, préfère malgré les déclarations de va-t-en guerre de son Secrétaire général,  attendre  et pourquoi pas revoir une  stratégie qui n’a pas porté ses fruits.
En attendant, Youssef Chahed impose le statu quo et poursuit paisiblement son travail comme si de rien n’était. Après avoir fait exploser une bombe, il se contente de suivre ses effets collatéraux sur son propre camp et ailleurs !

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