Six long mois se sont écoulés depuis les élections municipales qui ont permis à de nouveaux visages, pleins d’initiatives, de dynamisme et de bonne volonté, de transformer notre cadre de vie, améliorer les conditions d’hygiène, de circulation, de logement, d’approvisionnement et autres. En un mot, être au service d’une population qui souffre depuis huit ans de plusieurs maux.
Or, à l’unanimité et sauf de rares exceptions comme à l’Ariana, à la Marsa et ailleurs, non seulement la situation ne s’est pas améliorée, mais les “choses” ont empiré. Il y a de quoi se demander ce que font les maires, grassement rémunérés depuis six mois, entourés par une pléiade de conseillers municipaux et assistés par des dizaines de techniciens, cadres et agents administratifs.
On ne voit pas ce qui a changé dans une grande ville comme la Capitale par exemple qui ne manque pas de logistiques ou de moyens financiers ni de ressources humaines. Quelques scènes frappent l’imagination, même si elles sont là, figées, en permanence, tous les jours.
Le parc du Belvédère et le square Jeanne d’Arc rebaptisé Mohamed Brahmi, sont dans un état de dégradation avancée, ils sont devenus des dépôts d’ordures ménagères. Cela est devenu indécent, mais aussi une source de maladies.
Les marchés municipaux sont en train de dépérir à petit feu que ce soit le marché central ou celui de Lafayette. Et pour cause, il y a un problème d’hygiène qui vous accueille à la porte d’entrée avec deux bennes d’ordures débordantes, outre le fait que et les étalages de poisson ne seraient pas réfrigérés, hiver comme été.
La voirie est dans un état de délabrement avancé : chaussées parsemées de nids de poule et trottoirs défoncés sans aucun entretien depuis dix ans. Jusqu’à quand ?
A l’exception de deux ou trois abattoirs, tous les abattoirs du pays qui dépendent des mairies ne sont pas conformes aux normes d’hygiène selon le conseil de l’Ordre des vétérinaires, d’où la prolifération des maladies. Il y a là un grave problème de santé publique. Nous n’avons pas encore vu des équipes d’ouvriers en train de réaliser des travaux de réparation sur la voie publique, ni une évacuation systématique des déchets ménagers.
Nous n’avons pas encore entendu parler de plan d’investissement municipal, sauf pour l’Ariana. A quoi servent les conseils municipaux une fois la campagne électorale achevée ?
Il y a manifestement un déficit d’action et un mutisme inquiétant, sauf lorsqu’il s’agit du maire de Sfax intéressé par l’achat d’une voiture de luxe, coûteuse (200.000 D) pour conforter son standing, ou de la maire de la Capitale, préoccupée par le statut de secrétaire d’Etat et intéressée par l’acquisition d’une distinction internationale honorifique de meilleure maire !
Certes, les mairies manquent souvent de moyens matériels et humains par rapport aux responsabilités et tâches qui leur incombent, surtout si l’on prend en considération l’explosion de l’habitat anarchique (40% des logements construits) l’extension vertigineuse du territoire urbain, ainsi que la densification de la population.
Il faut dire que l’absence de l’autorité de l’Etat depuis 2011 a affaibli le pouvoir des autorités municipales, d’autant plus qu’il y a eu durant près de sept ans une instabilité et une précarité des délégations spéciales chargées de gérer les mairies dans toutes les circonscriptions du pays.
Les défaillances des collectivités locales étendues récemment à tout le territoire national impliquent des solutions structurelles.
Une grande réforme s’impose. Encore une réforme en panne ?
Il y a lieu de se demander où en est le projet de réformes des municipalités promu par le ministère de l’Intérieur avec l’appui technique et le soutien financier de la Banque mondiale prévu sur cinq ans, 2014-2019, avec un crédit de 1,2 milliard de dollars.
En effet, ledit ministère avait conçu en 2016 un vaste plan d’investissement municipal avec acquisition de centaines de bennes-tasseuses, de tracteurs, de gros engins de travaux publics et de camions spécialement équipés pour les travaux d’entretien routier, d’arrosage et de nettoyage. Consultée pour accorder un crédit, la Banque mondiale a donné son accord mais a proposé d’approfondir et d’élargir la vision dans deux directions stratégiques essentielles : la montée en puissance de la dimension développement local et urbain, mais aussi une participation active de la population à la définition des priorités et à la gestion des affaires de la commune.
Or, si le crédit a été accordé et les gros engins ont été importés et distribués gracieusement aux mairies pour les aider à assumer leurs tâches basiques, le volet de la coopération technique de la BM dans le sens de la promotion du projet de développement local et de la participation active de la population à la gestion des projets municipaux, ne semble pas avoir été réalisé.
En effet, il y a d’autres responsabilités à assumer, outre les missions classiques de la mairie : propreté, marchés, abattoirs, espaces sportifs et culturels, voirie, espaces verts, contrôle des constructions…
Les mairies disposent de grandes réserves foncières et sont autorisées par la loi à entreprendre des projets économiques générateurs de recettes et de bénéfices mais aussi créateurs d’emploi et permettant de dynamiser la vie économique locale.
Par exemple, créer une zone d’activités économiques ou un centre commercial, à vendre ou à louer à des privés, investir dans une usine d’incinération des ordures ménagères pour produire de l’énergie, lotir des terrains pour les vendre aux promoteurs immobiliers à des fins de construction de logements sociaux.
Tout cela est de nature à favoriser l’amélioration des recettes municipales afin de tempérer la modicité des recettes fiscales et faire face à l’impératif d’amélioration du cadre de vie des habitants.
Un nouveau contrat social devrait être conclu entre les conseils municipaux, la société civile et les habitants, basé sur le comportement civique, le devoir d’écoute et de concertation des conseils municipaux et le droit à la participation active des citoyens à la gestion des affaires de leur ville.
L’objectif ultime demeure l’amélioration du standard de qualité des prestations municipales et du cadre de vie quotidienne.