À Tunis, du 24 au 26 juin 2025, se tient un atelier régional de grande envergure organisé par l’Union arabe des engrais, en partenariat avec le complexe chimique tunisien. L’événement réunit des experts venus de tout le monde arabe pour réfléchir aux mutations profondes que connaît le secteur, à l’heure où l’alimentation, l’eau, l’énergie et l’environnement deviennent des enjeux globaux de survie.
Six défis, une vision commune
Face à l’accélération des crises mondiales, l’Union arabe des engrais trace une feuille de route ambitieuse fondée sur six axes majeurs. En tête de ces priorités figure la sécurité alimentaire. Dans un monde où près d’un milliard de personnes souffrent de la faim, les pays arabes jouent un rôle de premier plan, avec une contribution estimée à plus de 33 % de l’offre mondiale d’engrais. L’objectif à long terme est clair : bâtir d’ici 2050 un modèle agricole durable, capable de réduire la faim tout en assurant un usage plus intelligent des ressources.
L’accès à l’eau, de plus en plus menacée par la sécheresse, constitue un autre chantier urgent. L’Union plaide pour une gestion rigoureuse de cette ressource, notamment dans l’industrie, en favorisant la rationalisation des usages. Le troisième défi touche à l’énergie : dans un contexte de flambée des prix et de transition écologique, il s’agit de concilier la nécessité de produire tout en réduisant la dépendance aux énergies fossiles. L’Union appelle à développer massivement les énergies renouvelables sans renier, pour l’heure, l’apport encore crucial du pétrole et du gaz.
Le climat, lui aussi, figure au cœur des discussions. La valorisation des gaz industriels à travers des procédés de recyclage pourrait permettre de limiter leur impact sur l’environnement. Mais l’innovation ne s’arrête pas là : l’Union a également mis en place un groupe de travail composé de 23 entreprises arabes spécialisées en intelligence artificielle, afin d’explorer comment les technologies numériques peuvent transformer la production d’engrais et renforcer la performance logistique des entreprises du secteur.
Enfin, la durabilité est pensée comme une démarche transversale, à intégrer dans tous les niveaux de la chaîne : de l’extraction à la distribution, en passant par la recherche et le développement.
La Tunisie, moteur discret mais essentiel
Si Tunis a été choisie pour accueillir cette rencontre, ce n’est pas un hasard. Avec des réserves de phosphate parmi les plus importantes du monde arabe et un complexe chimique en pleine expansion, la Tunisie s’impose comme un acteur stratégique. Le pays a su bâtir une expertise reconnue, notamment grâce à ses compétences scientifiques et à ses efforts d’innovation.
La ministre de l’Industrie, Fatma Thabet Chiboub, a salué le rôle central de la Tunisie dans cette dynamique. Membre fondateur de l’Union arabe des engrais depuis 1976, le pays a toujours misé sur l’excellence de ses chercheurs et sur la valorisation de ses ressources. Plusieurs brevets développés par le complexe chimique tunisien sont aujourd’hui utilisés jusqu’en Inde ou en Chine, témoignant d’une reconnaissance internationale.
La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, Fatma Thabet Chiboub
Penser ensemble l’avenir de l’industrie arabe
Au-delà des débats techniques, l’atelier ambitionne de renforcer la coopération entre les pays arabes. Il s’agit notamment de dessiner une carte logistique régionale, capable de fluidifier les flux commerciaux, de moderniser les systèmes bancaires liés aux crédits documentaires, et d’élargir l’accès des produits arabes aux marchés mondiaux dans un contexte géopolitique tendu.
Cet événement marque ainsi une étape clé dans la refondation du secteur des engrais au sein du monde arabe. La Tunisie, à travers ses ressources, ses compétences et sa volonté de coopération, y trouve une place de choix. L’union d’expertises, de visions et de savoir-faire pourrait bien tracer un nouvel horizon pour une industrie appelée à jouer un rôle de plus en plus déterminant dans la sécurité du monde de demain.