« Abdelaziz Thaalbi, naissance du mouvement national » : Hommage à un esprit libre !

Une biographie d’Abdelaziz Thaalbi, chef de fil du mouvement national tunisien, vient d’être publiée par les “éditions Cartaginoiseries”. Pour beaucoup de gens, Thaalbi est le père spirituel d’Habib Bourguiba, bien qu’il soit souvent oublié. Il a créé le parti du Destour en 1920 – le parti politique duquel émergeait le Néo-Destour du futur président de la République tunisienne.

 

Ce livre est le témoignage de Moncef Dellagi, né en 1930, un historien qui était en outre directeur des archives nationales tunisiennes. Le manuscrit de l’ouvrage faisait partie d’un dossier volumineux contenant des photos d’époque, des coupures de journaux, des tracts et des correspondances. Après la mort de Dellagi en 2010, sa famille ainsi que l’éditrice Mika Ben Miled ont décidé de publier ce manuscrit inédit. Contenant 335 pages illustrées, le livre présente la vie d’Abdelaziz Thaalbi, fils d’une famille d’origine algérienne, qui a grandi à la fin du 19e siècle, sous le traumatisme de la conquête de l’Algérie et de la Tunisie par la France.

Le livre illustre la formation intellectuelle d’Abdelaziz Thaalbi, ainsi que son parcours politique au début du XXe siècle. Moncef Dellagi divise l’engagement de Thaalbi en trois périodes : au début, ce dernier avait fortement critiqué la pratique de l’Islam tunisien en publiant le livre « L’Esprit libéral du Coran » (1905). Dans la deuxième période, c’était la pensée politique libérale, constitutionnaliste-nationaliste qui a dominé son action militante. Une pensée qu’il a exprimée dans son ouvrage « La Tunisie martyre » (1920). Dans la troisième période, de 1923 à 1937, Abdelaziz Thaalbi était préoccupé spécialement par les problèmes généraux du monde islamique. « Cette période fut caractérisée par une production hagiographique islamique d’auto-défense, elle exprime un activisme idéologique anti-européen », affirme l’auteur. En effet, il analyse ces différentes étapes en 15 chapitres chronologiques, tout en revenant sur le contexte historique et religieux en Afrique et en Europe.

 

Accusation de blasphème

La fascination de Moncef Dellagi pour Abdelaziz Thaalbi  est très visible. Il relate, d’une façon détaillée, la contrainte d’Abdelaziz Thaalbi à quitter la Tunisie à plusieurs reprises à cause de ses critiques à l’égard des prédicateurs de l’Islam et à l’égard de la politique de certains pays par rapport à la religion. L’auteur raconte un épisode plutôt oublié : Abdelaziz Thaalbi était accusé en 1904 de blasphème. Il fallait l’aide du Résident général et du Secrétaire général du gouvernement tunisien ainsi que du baron d’Anthouard (Ministre Plénipotentiaire à l’époque coloniale) et du directeur des Affaires judiciaires Guyot, pour retirer l’affaire du Tribunal charaïque  et la transférer au Tribunal de la Driba (organisation judicaire séculière), qui était une juridiction tunisienne. Ainsi, Abdelaziz Thaalbi a pu éviter la peine de mort. Il a été seulement condamné à deux mois de prison avec imputation de la période préventive.

Avec un style captivant, Moncef Dellagi décrit la vie de Thaalbi. Dans le préambule,Kmar Bendana, chercheuse et professeure universitaire d’histoire contemporaine, emploie une phrase signifiante : « Moncef Dellagi donne à lire une histoire où jouent les filiations et où se tissent des conflits qui permettent de comprendre les pertes, profits et ruptures que des générations politiques ont vécus et traduits par des actes, souvent à l’insu des héritiers. »

 

Sarah Kanning

* Moncef Dellagi: « Abdelaziz Thaalbi, naissance du mouvement national tunisien », Edition cartaginoiseries, 2013, 336 p.

 

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