Abdelfatah Mourou: le départ inévitable

 

«Le constant et le variable dans le mouvement Ennahdha», un sujet évoqué lors d’un séminaire donné par Abdelfatah Mourou à la Fondation Temimi pour la recherche scientifique. Aujourd’hui, le parti islamiste au pouvoir est beaucoup critiqué. À une période où bloque le dialogue national qui a comme revendication la démission du gouvernement, Abdelfatah Mourou martèle lors du séminaire «je conseille à Ennahdha de quitter le pouvoir»…

 

Le cofondateur du mouvement est revenu sur les origines de la naissance d’Ennahdha, déclarant que l’esprit de réforme n’y a été introduit que dans les années 80. Il a relaté les erreurs du parti en 91 lorsqu’il est entré en confrontation avec le régime en place, insistant sur le fait que l’opposition n’avait pas le droit de porter les armes et que la prétention de faire chuter le régime revenait au peuple. Abdelfatah Mourou a également évoqué les erreurs d’Ennahdha, aujourd’hui au pouvoir, les imputant à une secousse survenue quand le mouvement s’est trouvé au pouvoir et n’a pas su le gérer.

«En étant au pouvoir, je suis obligé de protéger la danseuse, le barman, le penseur (…) je dois protéger tous les citoyens et toutes les institutions et cela n’a pas eu lieu.»

Le parti manque-t-il de volonté politique ou alors de fermeté dans son rôle de protecteur de l’État ? Abdelfatah Mourou souligne l’importance de la fermeté dans la gestion des affaires de l’État après une Révolution et le parti n’a pas su en faire preuve.  Il souligne en outre être vice-président sans pouvoir au sein du parti et exprime son ressentiment et son malaise, car «il ne peut changer les choses.»

À défaut de décider et de changer la réalité des choses, Abdelfatah Mourou continue de critiquer son parti et en outre le décrit comme «un mouvement chargé d’influences et de capacités intellectuelles, mais isolé. Les mêmes dirigeants des années 90 continuent à gérer le parti. Ennahdha doit s’adapter à la réalité tunisienne variable, il a évolué dans son adaptation à la réalité, mais n’a pas su traiter avec.»

L’une des erreurs citées par le cofondateur du parti est le manque de soutien de la part de l’élite. Le pouvoir ne pouvant être acquis sans le soutien des hommes d’affaires, des penseurs et des médias, Ennahdha devrait alors leur faire des concessions et instaurer un dialogue avec eux. Le parti au pouvoir devrait protéger la liberté de culte selon Abdelfatah Mourou, car la seule issue possible pour la transition démocratique est de protéger la différence. Il conseille alors aux dirigeants du parti de partir et souhaite qu’Ennahdha quitte le pouvoir, il précise « Le monde, aujourd’hui, n’accepte plus le modèle idéologique, mais le modèle construit sur l’intérêt.»

Abdelfatah Mourou a souligné l’importance des lois, de l’État central et de la formation d’une sécurité générale obéissant aux lois. Il a prédit «la mort de la marginalisation en Tunisie» expliquant que les laïcs devraient normaliser leurs relations avec les islamistes.

Ainsi Ennahdha aura à changer son héritage culturel pour s’adapter à la réalité tunisienne, y introduire une volonté réformatrice et accepter les différences. Mais propulsé sans y être préparé au pouvoir, le parti n’aurait pas pu traiter avec ses propres variables ni répondre aux attentes sociales des Tunisiens. Faut-il un nouveau souffle au parti islamiste avec une montée des jeunes adhérents et le départ des dirigeants historiques ? Serait-ce suffisant pour inspirer confiance et s’attirer le soutien de l’élite ?

En attendant des transformations de fond, le parti semble, plus que jamais, dans l’obligation de quitter le pouvoir et de travailler un programme garant des aspirations des Tunisiens…

Par Hajer Ajroudi

 

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