Abdelhamid Gannouni : « l’ombrière photovoltaïque est l’avenir de la voiture électrique voire la voiture tout court »

Dans un contexte de changement climatique, la voiture électrique semble être une des solutions pour freiner l’hémorragie de l’effondrement de l’environnement et ce qui est désormais connu sous l’appellation de la « revanche de la nature ». Dans cette perspective, nous sommes allés à l’Agence nationale pour la maitrise de l’énergie (ANME) puisqu’elle a des éléments de réponse quant à cette problématique de changement climatique et aussi qui entreprend plusieurs projets sous la grande bannière de la « mobilité électrique ». Derrière cette bannière, c’est tout un nouveau monde industriel qui se profile à l’horizon de 2035 financé par le programme des Nations-unies pour le développement industriel et d’autres acteurs internationaux. Ce projet, si on combine l’apport des Nations-unies plus les industriels privés nationaux, est de l’ordre de 13 millions de dollars. Plus particulièrement, nous sommes allés à la rencontre du sous-directeur Abdelhamid Gannouni chargé de la direction de l’efficacité énergétique dans le transport à l’ANME pour savoir ce qui se profile derrière l’arrivée de la voiture électrique et comprendre mieux les enjeux de la mutation industrielle en ce domaine.

 Pourquoi la sensibilisation à la voiture électrique ?
La voiture électrique est une tendance mondiale. Elle fait partie d’un ensemble qui s’intitule la mobilité électrique qui vise peu à peu à remplacer la voiture conventionnelle. Notre pays est malheureusement un pays de consommateurs c’est-à-dire nous consommons des voitures produites ailleurs. La voiture électrique vient pour résoudre les problématiques de la voiture thermique et aussi à ce que celle-ci engendre comme pollution pour l’environnement, notamment en période d’embouteillage. De plus en plus, l’électricité elle-même vient de ressources renouvelables.

 Concrètement, quel avenir pour la voiture électrique dans un marché qui ne montre pas encore un grand enthousiasme pour ce phénomène mondial ?
Notre pays progresse peu à peu sur cette question. Je suis optimiste quant à ce projet. Nous avons essayé de mettre des objectifs sur le court terme, notamment pour l’année 2025 où il y aura un encouragement de l’usage de la voiture électrique. L’ANME a une stratégie énergétique qui se focalise principalement sur le transport. Notre principal objectif est de réduire au maximum la dépendance du transport public et des différents types de transport quant à l’énergie fossile qui est une énergie polluante. Nous envisageons cette stratégie avec les départements publics concernées et la chambre des concessionnaires et des constructeurs d’automobiles. Plus particulièrement, nous espérons travailler avec des constructeurs d’automobiles tunisiens.  Cette stratégie a commencé à se concrétiser peu à peu avec la construction d’une ombrière photovoltaïque avant-gardiste et faite en Tunisie. Dans notre pays, il existe plusieurs stations de recharges. Actuellement, nous disposons de plus que 60 bornes de recharge. Celles-ci sont principalement dans les stations-services et elles sont réparties sur tout le territoire de notre pays même dans certains hôtels ou Mall. Aujourd’hui, l’ANME a mis en place une borne de recharge unique en son genre car elle est raccordée à l’énergie solaire. Celle-ci incarne donc un projet pilote que nous avons inauguré le 8 septembre 2023 au siège de l’ANME. L’invention consiste dans le fait que cette station contient une solution off-grid c’est-à-dire qui n’est pas raccordée au réseau de la STEG. En d’autres termes, c’est une station de recharge individualisable qui est raccordée à des batteries de recharge. De cette façon, le consommateur final qui fera usage de ce prototype pourra produire de l’énergie à partir du solaire. En effet, cette ombrière photovoltaïque produit de l’énergie à partir du solaire et le stock dans des batteries de stockages. Actuellement, l’ANME a installé un chargeur fonctionnant à 22 kilowatts.

 Au-delà de l’aspect purement technique de cette invention, quel est l’impact de ce projet d’ombrière solaire photovoltaïque sur notre société de manière générale d’autant plus qu’il y a toujours des résistances au changement à l’égard de l’innovation ?
Tout d’abord, la raison d’être de l’ANME est de tester des solutions. Bien sûr, quand cela marche, l’institution est amenée à communiquer sur cette solution comme c’est le cas maintenant. L’ANME, à travers tous ses leviers et ses bras à la fois techniques et financiers, a la possibilité d’accompagner tous les établissements privés ou publics pour mettre en place des solutions innovantes qui peuvent suivre les mutations sociales futures comme c’est le cas désormais pour la voiture électrique. En ce sens, si l’invention devient innovation, l’ANME passe à la phase de duplication c’est à dire d’industrialisation. Aussi, prépare-t-on toujours des propositions budgétaires pour les lois de finances qui se font chaque année. L’idée est de mettre noir sur blanc l’encouragement des citoyens à travers l’initiative de l’État. Depuis 2018, pour inciter à l’usage de la voiture électrique, nous avons obtenu l’exonération totale de la douane sur l’importation d’une voiture électrique que ce soit pour les concessionnaires ou les particuliers. Pour l’année 2023, la loi des finances prévoit une réduction de 43% à 10% d’impôts pour les bornes de recharges électriques. À la même année, nous avons obtenu une baisse de la TVA de 19 à 7% pour ces mêmes bornes. Aussi, il y a des textes spécifiques pour le véhicule électrique qui sont en cours et valables également pour la mobilité électrique d’une façon générale. C’est par un cadre juridique propice à l’usage de la voiture électrique que nous comptons donc introduire peu à peu ce changement de comportement escompté des usagers particuliers mais aussi du transport de manière générale dans le pays.

 D’où vient cette ombrière solaire photovoltaïque et quelle place de la voiture électrique dans nos usages quotidiens futurs ?
L’ombrière installée à l’ANME a été réalisée dans le cadre d’un projet de fin d’étude PFE effectué à la faculté des Sciences de Tunis au sein du Campus El Manar. Selon nos prévisions pour l’année 2035, nous estimons qu’il y aura 125 milles usagers de la voiture électrique et ils bénéficieront de bornes électriques qu’ils peuvent installer même chez eux ou sur leurs lieux de travail. L’ANME est très réaliste quant à ce chiffre : nous estimons qu’on peut le dépasser facilement à cet horizon. Cette ambition va être donc de l’ordre de 6% de part de marché des véhicules disponibles à l’heure où nous parlons. Il faut rappeler que nous sommes actuellement à 2,2 millions de véhicules qui circulent sur nos routes. Selon les tendances actuelles d’adoption de l’intelligence artificielle et de la course derrière les nouvelles technologies et les nouvelles innovations en matière de mobilité nous pouvons aller jusqu’à plus de 10% de part de marché. Certes, le coût actuel d’une voiture électrique est 40% plus cher que celui d’une voiture thermique mais sur le long terme le véhicule électrique est très rentable et ceci c’est une vérité et non pas du marketing et c’est une vraie solution pour l’environnement. Il n’y a pas vraiment de doute sur le photovoltaïque par rapport à la voiture électrique, soyez sûr que c’est l’avenir du monde industriel et c’est déjà à l’œuvre dans les pays industrialisés à travers le monde. Nous vivons dans un monde dans lequel la technologie arrive très vite à l’âge de maturité. Les usagers ne prennent plus autant de temps qu’avant pour adopter une nouvelle façon de consommer propre et moins, notamment dans le domaine du transport. Tous nos concitoyens veulent aujourd’hui être au courant de tout et surtout à la page et à la pointe de l’innovation mobile.

 Propos recueillis par Mohamed Ali Elhaou

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