Avocat de profession, Abderrahim Zouari a débuté très jeune son expérience politique. Maire à 25 ans de la ville de Dahmani, dans le Nord-ouest et gouverneur à 30 ans, il est «le plus jeune maire et gouverneur de tous les temps», comme il aime à le rappeler lui-même. Membre du Parti socialiste destourien, PSD, à l’époque de Bourguiba, puis du Rassemblement constitutionnel destourien, RCD, sous Ben Ali, il a gravi les échelons au sein du parti, dont il fut le Secrétaire général en 1999, et au sein du gouvernement, puisqu’il a été ambassadeur et plusieurs fois ministre.
Abderrahim Zouari, arrêté le 13 avril 2011, a été blanchi et libéré un peu plus de deux ans après, à savoir le 10 juillet 2013. Le 16 août 2014, il est le candidat du Mouvement destourien à l’élection présidentielle.
Aujourd’hui, Abderrahim Zouari souligne qu’il est l’homme dont la Tunisie a besoin. S’il s’est présenté, c’est « pour répondre à l’appel de la patrie », mais aussi parce qu’il est nourri par l’ambition toujours intacte et poussé par l’inquiétude. Nous lui donnons la parole : «Il ne s’agit pas de décision prise à la hâte, mais le résultat d’une mûre réflexion et d’une conjoncture et le résultat d’un appel de la Tunisie. Il s’agit aussi pour moi d’un sujet de fierté ; je suis fier de pouvoir participer à l’édification de ce processus démocratique que vit la Tunisie et c’est une manière de montrer mon adhésion et ma conviction personnelle de faire réussir ce processus pour la Tunisie, son développement futur et de ce processus irréversible. Le deuxième sujet de fierté est la Constitution. Nous sommes des destouriens et la Constitution a une connotation qui rappelle le 9 avril et les manifestations ayant eu lieu réclamant un Parlement tunisien. La nouvelle Constitution a apporté le plus au niveau de la démocratie, des libertés fondamentales, du modernisme de l’État. Le troisième élément de fierté est la spécificité tunisienne et le rôle joué par les organisations nationales dans le cadre du dialogue national et de son aboutissement qui a sauvé la Tunisie.
L’inquiétude est aussi l’une de mes motivations, tout comme les autres Tunisiens. Inquiétude sur le plan politique, au niveau de la dégradation du sens de l’État, des institutions, avec toutefois les félicitations et salutations des forces de l’armée et de la sécurité pour les sacrifices et le rôle déterminant pour la sécurité et contre le terrorisme. L’inquiétude est aussi face à la situation économique et sociale. Tous les indicateurs sont dans le rouge, jamais la Tunisie n’a atteint ce degré sur le plan économique et financier. Tous les chiffres convergent, démontrant le déficit budgétaire, l’inflation, le déséquilibre, le taux de chômage élevé, la dégradation de la situation sociale d’une façon générale, la référence est devenue l’année 2010 et l’on parle de vouloir atteindre le même niveau de cette année. Au niveau des relations étrangères, la situation a aussi changé. La Tunisie était arbitre dans les conflits régionaux, elle était le recours, les conférences étaient présidées par notre pays ou faites en Tunisie grâce à une diplomatie, instaurée depuis Bourguiba, de non-ingérence dans les affaires internes des autres pays. La Tunisie faisait un effort continu de rapprochement des points de vue. Maintenant, on est devenu partie prenante dans certains conflits. Notre priorité est l’Afrique, la Méditerranée et le Maghreb avec une orientation européenne. Le troisième élément motivant ma candidature est l’espoir de contribuer à emmener une solution pour sauver le pays et dans ce cadre-là, la seule garantie et le grand espoir résident dans une réconciliation nationale englobant les générations, les régions et les catégories sociales. C’est la condition sine qua non pour relever les défis et les menaces qui guettent le pays. Ce n’est pas une réconciliation concernant une seule catégorie, mais plus profonde et plus large qui nécessite la mobilisation de tous les Tunisiens pour relever les défis et l’histoire a démontré que les Tunisiens ont relevé le défi à chaque fois que le pays était en danger. Les Tunisiens ont aujourd’hui besoin de restaurer l’autorité de l’État, d’un homme qui croit en la démocratie, qui a l’expérience des dossiers, du terrain, des régions et qui soit opérationnel immédiatement, car la situation en Tunisie ne peut plus supporter un report de la solution et c’est pourquoi l’expérience est déterminante. Je voudrais rappeler que j’ai commencé mon itinéraire politique comme maire à Dahmani, alors âgé de 25 ans et qu’à 30 j’étais gouverneur, le plus jeune maire et gouverneur de tous les temps» !
Abderrahim Zouari dit vouloir participer à l’édification d’un régime démocratique en Tunisie, pourtant, son itinéraire politique s’est fait dans l’ombre du despotisme. Comment peut-il concilier cela ou l’expliquer ?
«Je peux vous affirmer qu’il y avait deux tendances au sein du parti RCD et de l’ancien régime, un courant libéral et progressiste qui a marqué les premières années de l’ancien régime (à partir de 87) prévalant et prenant de l’élan jusqu’à la moitié des années 90. Il faut rappeler que durant cette période le régime exerçait l’ouverture et le dialogue avec tous les partis, l’ouverture existait aussi dans les universités et avec la société civile. Dès le départ, l’élément du dialogue était présent. Malheureusement durant la deuxième période (2000 – 2004) la tendance conservatrice a commencé à prendre le dessus. Concernant ma propre expérience, la première initiative que j’ai menée à chaque fois que je passais par un ministère était une consultation nationale. Au ministère de la Jeunesse, elle a touché 100.000 jeunes. La même approche a été répétée au ministère de l’Éducation nationale, sous le slogan de «l’école de demain». On a essayé d’impliquer les professionnels de l’enseignement sur la qualité et de donner plus de valeur à la formation pour répondre aux besoins de l’emploi et de l’économie et pour assurer une formation nationale aux jeunes diplômés.
Au ministère du Tourisme, la consultation aussi impliquait les professionnels. J’ai toujours utilisé une approche participative. Le pays a évolué et les destouriens ont toujours été «néo» comme le disait Bourguiba et donc ouverts sur le changement et je serai fier de participer à la réussite du processus démocratique.»
Les Tunisiens ont aujourd’hui besoin selon lui de décisions pratiques et immédiates, il en a déjà élaboré plusieurs et à titre d’exemple, il nous cite le ministère du Tourisme. «Aujourd’hui, dans le secteur du tourisme, par exemple, la solution doit passer par le secteur, il faut reprendre les consultations nationales et les études de la Banque mondiale et en faire une synthèse. Il faut aussi restructurer le ministère du Tourisme sur trois départements ; sauvegarder l’autorité du ministère, instaurer une agence de communication dont le rôle est de promouvoir l’image de la Tunisie et du tourisme à l’étranger et la formation qui est nécessaire. Il faut aussi arrêter les constructions des hôtels, restructurer l’image qui ne doit plus être basée sur les prix les moins chers, mais sur la qualité des services et trouver une solution pour l’endettement. Il faut créer la société dont on parle aujourd’hui (société de gestion d’actifs, NDLR), mais avec une autre approche tuniso-tunisienne qui reprend les hôtels qui ont vieilli et les transforme en d’autres projets ou les revendre au secteur lui-même. La société dont on parle est nécessaire, mais avec la possibilité de recours et de donner la priorité aux hôteliers.»
Hajer Ajroudi