Chaque année, en pareille période, c’est le même scénario qui se répète. Les critiques, les réactions, parfois très violentes, les manifestations de colère et de dépit de certaines parties, les recommandations pressantes de certains spécialistes rencontrent un silence lourd. Comme on a pris le pli de gérer au plus pressé, de passer outre les avis divergents, de n’accorder que très peu d’intérêt au débat public sérieux, le gouvernement semble très peu perméable au changement de ses méthodes de travail, s’agissant notamment de l’élaboration du projet de la loi de Finances et du Budget de l’Etat.
Le branle-bas de combat provoqué ces deux dernières semaines sur une copie de surcroît non définitive de ce projet en dit long sur l’improvisation et les approximations qui ont accompagné l’élaboration de ce document dont les dispositions ont suscité des réactions de rejet en cascade, des appréhensions et des fortes résistances. Décrié comme un texte qui pourrait provoquer une implosion sociale, au regard des mesures fiscales problématiques et pénalisantes qu’il contient, le gouvernement est resté de marbre, essayant à travers des ballons d’essai qu’il n’a cessé de lancer de mesurer les réactions au sujet d’une copie dont personne n’en veut.
La question qui interpelle a trait à l’intérêt que trouve le gouvernement à l’occasion de l’élaboration, chaque année, de la loi de Finances de créer une tension parfois insoutenable et de susciter les rumeurs les plus fantaisistes ? Ce projet qui intéresse tous les Tunisiens ne mérite-t-il pas un meilleur traitement à l’amont comme à l’aval ? Un débat sérieux pour lui conférer une plus forte adhésion et a fortiori un discours direct qui permet aux Tunisiens de mieux appréhender les enjeux, les défis et de consentir volontairement des sacrifices afin de remettre l’économie du pays sur les bons rails. A l’aval, une communication intelligente qui aurait pu épargner le gouvernement de critiques parfois injustifiées et de réactions de rejet épidermiques.
Dans le cas d’espèce, la communication gouvernementale a été, une fois de plus, aux abonnés absents, défaillante. Peu ou point d’informations sur le contenu de ce projet, excepté les communiqués écrits à la hâte pour faire une mise au point ou infirmer une information. Rarement on prend la peine d’anticiper, de prendre les devants pour informer et présenter solennellement un projet qui concerne au plus près tous les Tunisiens.
Il faut dire que le brouhaha provoqué par les informations qui ont filtré sur ce document n’étonne guère. Lorsque l’ordre de priorités est inversé et l’attention se focalise sur l’infiniment superflu au détriment de ce qui est essentiel, l’on ne peut s’attendre à un meilleur résultat. Lorsqu’on passe plus de quatre mois pour remanier l’équipe gouvernementale et on déstabilise, pour des desseins inavoués, le ministre des Finances par intérim alors qu’il était en pleine préparation de ce projet, il est quasiment difficile d’obtenir une copie de qualité bénéficiant d’un large consensus.
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En matière de Compétitivité globale de l’économie, la Tunisie ne cesse de poursuivre sa dégringolade notamment dans le classement annuel du Forum économique mondial. En l’espace de sept ans la Tunisie a chuté de 63 places et la majorité des piliers qui conditionnent la compétitivité de son système productif restent en panne. Ce qui surprend, ce n’est pas tant ce constat amer, mais plutôt cette résignation qui semble accabler les pouvoirs publics qui ne semblent prendre la pleine mesure des facteurs qui ont conduit à cette débâcle et cette incapacité manifeste à définir les mesures adéquates pour stopper cette chute annonciatrice de tous les dangers. Dès lors, comment expliquer le manque de réactivité du gouvernement à l’occasion de la publication de ce classement mondial que presque tous les pays du monde l’attendent fébrilement, le prennent au sérieux en tirant les enseignements pour améliorer leur environnement des affaires? Hormis la conférence de presse traditionnelle qu’organise, pour la circonstance l’Institut arabe des chefs d’entreprises, on ne relève qu’insouciance et très peu de commentaires à ce sujet. Pourtant le diagnostic qui est reflété à travers ce classement est grave et montre que dans certains facteurs clefs, la Tunisie occupe les derniers rangs.
Les clignotants rouges ne cessent de se multiplier s’agissant d’une bureaucratie étouffante, d’une corruption endémique, d’un marché de l’emploi rigide, d’un environnement macroéconomique défavorable, d’infrastructures en dégradation continue, d’une innovation faible, d’équilibres budgétaires fortement altérés ou d’une dette publique inquiétante ; Depuis sept ans, on n’a pas réussi à mettre en place les stratégies qui permettent de trouver des solutions efficaces à des dysfonctionnements structurels. La raison est évidente, on continue à perdre beaucoup de temps dans les querelles politiciennes, dans les règlements de compte, tout en sacrifiant les valeurs de performance de travail.