Alors que l’économie du pays s’enfonce chaque semaine un peu plus dans une crise économique et financière aiguë, pouvoirs exécutif et législatif réunis poursuivent leur fuite en avant moyennant tergiversations et atermoiements à propos des réformes majeures nécessaires pour une sortie de tunnel.
Pourquoi donc et dans quel but ?
Parce qu’il n’y pas de consensus en ce qui concerne la vision à adopter, la stratégie à conduire et les objectifs à cibler à moyen et long termes.
Alors, on fait “durer le plaisir”, on pratique le statu quo, on se complaît dans l’exercice du pouvoir, en attendant de voir venir… la catastrophe ou la délivrance.
En fait, on perd un temps très précieux sur le chemin abrupt du redressement du pays. On organise alors une campagne de communication grand public “nous voulons avancer”. Mieux, une conférence nationale organisée le 11 avril pour débattre tous ensemble : députés, gouvernement, partis politiques et organisations nationales. L’UGTT, pour se démarquer à tort, s’absente pour manifester sa désapprobation, prétextant une invitation tardive.
On choisit sur les sept réformes majeures projetées, les quatre thèmes susceptibles de faire l’objet d’une sorte de consensus entre les principales composantes de la conférence pour “discourir”, à savoir caisses sociales, entreprises publiques, réforme de l’administration et caisse générale de compensation.
Les caisses sociales sont au bord de la faillite, la couverture sociale est nettement insuffisante, tandis que les retraites déjà écornées, sont menacées.
En 2018, le déficit structurel de la CNRPS et de la CNSS a atteint 1500 millions de dinars. La contribution de 1% du budget 2018 ne permettra pas de couvrir le déficit.
Deux mesures s’imposent d’urgence : le relèvement de 2 à 5 ans de l’âge de la retraite ainsi que la révision à la hausse des contributions des employeurs et des salariés. Les intéressés ne sont pas d’accord et doivent encore négocier.
Les entreprises publiques sont certes un thème de polémique avec l’UGTT qui rejette par principe et à tort toute tentative de privatisation, alors qu’elles sont devenues un lourd fardeau pour le budget de l’Etat : cumul des déficits, sureffectifs de personnel, endettement bancaire lourd auprès des banques publiques, subventions budgétaires conséquentes, protestations sociales.
Outre le fait que la qualité des prestations de service de ces entreprises a connu une dégradation sensible depuis sept ans.
En réalité, c’est le qualificatif de stratégique ou non de ces entreprises qui fera la part des choses. Une restructuration drastique s’impose de toute façon.
La caisse de compensation pèse lourdement sur le budget de l’Etat, elle est appelée avec le poids croissant des subventions énergétiques à être révisée. Le coût prévu est de 3000 MD (trois milliards de D.T.) en 2018 d’autant plus que les catégories sociales qui en ont le plus besoin en bénéficient le moins, ce qui est un paradoxe. Il doit être révisé. Le prix du baril prévu, au budget 2018 est de 54 dollars, or il est de 65 dollars aujourd’hui avec tendance vers la hausse jusqu’à 74 dollars en 2018.
Le volet le plus délicat et le plus symbolique est celui des produits alimentaires de base comme le pain, le couscous, les pâtes…
Les importations des céréales et des produits énergétiques se faisant en devises, pèsent lourd sur la balance des paiements. Comment faire ?
L’administration tunisienne souffre de plusieurs maux : lourdeurs administratives, inefficacité, sureffectifs, charge salariale trop lourde pour le budget, corruption…
L’administration représente 15,% du budget, soit 18,5 MD, un record mondial et une aberration.
Il faut absolument dégraisser au profit des projets de développement qui doivent doubler pour les consacrer à l’investissement.
On évite d’évoquer sinon d’approfondir les problèmes qui fâchent, comme celui de la fiscalité. En effet, la réforme fiscale qui a fait l’objet d’un accord tacite entre experts et administration fiscale depuis 2014, n’a pas été mise en application à ce jour : les forfaitaires ne paient que des montants symboliques alors qu’ils brassent beaucoup d’argent. La contrebande et le commerce parallèle échappent à l’impôt encore en 2018. Il y a là une grande évasion fiscale et une inégalité flagrante des citoyens devant l’impôt.
Les deux problèmes brûlants de l’heure sont soigneusement occultés : la réforme du système éducatif et le redressement de l’édifice chancelant de la santé publique.
Nos jeunes médecins par centaines partent exercer à l’étranger et nos stocks de médicaments sont volés dans les entrepôts tandis que le ministre responsable affiche l’autosatisfaction la plus désarmante.