Pourquoi voulez-vous qu’il y ait des investissements chinois et turcs significatifs en Tunisie si les importations légales et clandestines en provenance de ces pays, inondent nos marchés, sans qu’il y ait en guise de contrepartie, des exportations de nature à équilibrer les échanges et compenser les hémorragies en devises conséquentes ?
Certes il y a eu dans le passé des tentatives infructueuses, mais il faut croire de nouveau, suite à la décision d’implantation de 200 entreprises chinoises au Maroc (cible Afrique subsaharienne) tout près du port de Tanger, une autre approche tout à fait différente du marché tunisien par les entreprises chinoises depuis le Forum de l’investissement “Tunisia 2020”, différente mais intéressante à envisager. Ce qui est désopilant pour les investisseurs étrangers qui veulent implanter des projets industriels en Tunisie et qui font le déplacement, c’est la multiplicité des intervenants et des interlocuteurs à contacter, mais également des démarches à accomplir et des autorisations à briguer auprès des autorités tunisiennes. Alors que pour les investisseurs qui sont des pragmatiques, le temps est compté, ils sont donc vite déçus par la complexité des procédures administratives.
En effet, c’est l’AFI qui vend les lots de terrains à usage industriel, tandis que c’est la mairie qui accorde les permis de bâtir. C’est l’APII qui reçoit les dossiers relatifs aux intentions d’investissement mais c’est la FIPA qui s’occupe des étrangers. La BCT qui veille sur les opérations de change, tandis que c’est la douane qui veille à l’application des régimes d’exportation… cela n’en finit pas, d’autant plus que d’une structure à l’autre, les sons de cloche divergent parfois, lors qu’il s’agit d’interpréter les textes.
Pour ce qui est de la Chine, celle-ci nourrit vis-à-vis de la Tunisie des intentions multiples en matière économique et financière. Une distinction s’impose entre l’Etat et les investisseurs privés.
Les pouvoirs publics chinois voudraient à travers les entreprises étatiques remporter des appels d’offres relatifs aux grands projets d’infrastructures : de quoi empocher des recettes consistantes en devises, faire travailler leurs entreprises pendant des années, mais aussi créer des emplois pour des milliers de travailleurs chinois : construction de ports, de barrages, de ponts, d’autoroutes, de voies ferrées, de stations de production d’énergie solaire,…
Tandis que les industriels privés chinois sont intéressés d’exporter leurs produits mais aussi d’implanter des usines en Tunisie, en vue d’exporter vers les marchés maghrébins et les pays de l’Union européenne.
Ça c’est la stratégie globale. Concrètement, investisseurs chinois et turcs avaient des intentions réelles d’investir en Tunisie de façon massive et durable, même avant janvier 2011, mais les tentatives n’ont pas abouti, pourquoi ? Parce qu’il y avait des conditions préalables et draconiennes qui n’ont pas été acceptées et parce qu’il n’y avait pas à l’époque de “véritable prise en charge des dossiers” de façon volontaire et engagée de la part des autorités tunisiennes, pour bouleverser tous les obstacles : réglementations surannées complications administratives, mauvaise foi et mauvaise volonté des uns et des autres, manque de transparence.
Les investisseurs extérieurs exigent la prise en charge par l’Etat des infrastructures de base : routes, amenée de l’eau potable, de l’électricité, des télécoms et de l’assainissement ainsi que la vente de terrains industriels à des prix symboliques.
Comme il s’agissait pour les Turcs d’une zone industrielle de 100 ha sise dans le gouvernorat de l’Ariana (aux portes de la capitale pratiquement) pour favoriser l’implantation par étapes de 200 entreprises turques et pour les Chinois, d’une zone industrielle de 50 ha destinée à accueillir dans la région d’Enfidha une centaine d’entreprises chinoises en deux étapes. L’effort financier a été jugé considérable, à juste titre.
Il y avait aussi des revendications relatives aux exonérations fiscales à accorder à très long terme, un autre sacrifice jugé prohibitif avec l’autorisation de commercialiser une partie des produits en Tunisie. “La cerise sur le gâteau” c’était que les Chinois surtout, mais à un moindre degré les Turcs, exigeaient d’importer et de recruter le personnel parmi leurs propres citoyens en majorité pour diverses raisons : qualification, productivité,… Il y a de quoi se demander pourquoi favorise-t-on les investissements extérieurs si ce n’est pas pour réduire le chômage et promouvoir l’emploi des Tunisiens ? Les Chinois s’intéressent de très près à notre pays de façon différente depuis le Forum sur l’investissement Tunisia 2020 de fin novembre 2016 en tirant profit de la nouvelle législation sur l’investissement. Il y a les opportunités relatives aux projets de partenariats entre acteurs économiques chinois et tunisiens dans l’énergie solaire et la construction navale.
A titre d’exemple, il y a la récente visite des responsables de la plus grande banque chinoise aux usines du Groupe Poulina dans l’intention éventuelle de financer les futurs projets du Holding tunisien. Il y a des lobbies qui se créent et d’autres signaux du côté de la société civile.
L’ouverture du premier bureau de SICO (en Afrique) à Tunis constitue un jalon remarquable : une ONG chinoise avec siège à Valence ayant pour objet de rapprocher les pays concernés à la Chine à travers l’histoire par la route de la soie sur le plan économique et culturel à la fois (Silk Road international cultural and économic coopération organisation).
D’autant plus que c’est le président du groupe, Tahar Bayahi et PDG de Magasin Général, qui a été nommé président exécutif de SICO Tunisie. C’est au cours du récent Forum économique sino-tunisien organisé à l’UITCA que fut créé le conseil d’affaires composé par des acteurs économiques de premier plan dans les deux pays. L’objectif consiste à mieux équilibrer les échanges commerciaux entre les deux pays, mais aussi identifier les projets d’investissement chinois à réaliser en Tunisie.
Durant les débats du Forum, ont été évoqués à plusieurs reprises l’urgence de rationaliser les importations tunisiennes de produits chinois, la promotion des exportations de produits tunisiens ainsi que la facilitation des investissements chinois en Tunisie. Il y a là tous les signes avant-coureurs d’une “invasion chinoise” en Tunisie.
Il reste à résoudre l’énigme-équation de la promotion du tourisme chinois en Tunisie.