Enfin, après de longues et âpres négociations, les Etats-Unis et les autres pays, ou ce qu’on appelle les P5 (à savoir les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne), sont finalement parvenus à un accord à Vienne le 14 juillet sur le nucléaire iranien. Un accord considéré par les deux principaux protagonistes comme historique. Ainsi, les négociateurs iraniens ont été accueillis triomphalement à leur retour à Téhéran. Et, aux Etats-Unis, c’est le Président Obama, en personne, qui a annoncé triomphalement l’accord.
Il faut dire que le nucléaire iranien a été au centre d’importantes tensions dans les relations internationales depuis plusieurs années. Ces tensions se sont exacerbées lorsque certains responsables israéliens ont annoncé leur intention de mettre fin à cette question à leur manière en bombardant les sites incriminés. Une décision qui aura certainement embrasé non seulement le Moyen-Orient, mais le monde entier. Par ailleurs, le Premier ministre israélien n’a pas hésité à aller faire campagne contre un accord avec l’Iran aux Etats-Unis et devant les élus américains. Une démarche qu’aucun responsable étranger n’avait jamais tentée par le passé.
C’est dire que les négociations avaient été difficiles et à chaque fois qu’on annonçait l’imminence d’un accord, les forces opposées entraient dans la danse pour tenter de le faire échouer. J’avais suivi depuis des années l’évolution de ces négociations car il s’agissaitt d’un cas d’école pour éviter que les interférences externes n’aient d’effets négatifs sur le déroulement des négociations elles-mêmes. Ainsi, par exemple, la porte-parole de la délégation américaine a adopté une ligne de communication mettant l’accent sur les difficultés des négociations et leur probable échec : un moyen pour la délégation américaine de rassurer ceux qui étaient opposés à un accord. Et cette ligne a été tenue jusqu’au jour où la porte-parole de la délégation a annoncé la conclusion d’un accord. Par ailleurs, certaines sources avaient indiqué que la délégation américaine s’était aperçue de certaines fuites sur le contenu des négociations. L’enquête menée avait montré qu’elles provenaient des transmissions des échanges entre la Maison Blanche et le Secrétaire d’Etat Kerry. Du coup, ces transmissions ont été annulées et le Secrétaire d’Etat a pris la responsabilité des négociations d’où sa présence longue et personnelle sur les lieux de négociations. Autant de signes et d’indices qui montrent la difficulté de cette négociation et la volonté de discrétion des négociateurs afin d’éviter ces interférences négatives qui pourraient remettre en cause le processus.
Riche d’une centaine de pages, l’accord porte sur cinq axes essentiels. Le premier concerne la limitation de l’enrichissement de l’uranium de la part des autorités iraniennes. Il s’agit de l’objectif principal de tous les pays qui cherchent à bloquer la volonté de l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Cette partie vise à la mise en place de restrictions importantes pour empêcher ce que les spécialistes appellent le break-out ou le temps nécessaire pour produire les quantités nécessaires d’uranium enrichi pour fabriquer une arme atomique. Le second axe de cet accord concerne la limitation de la production de plutonium qui est la matière fissile nécessaire à la fabrication d’une bombe atomique. Cet accord indique que le réacteur de la centrale à eau lourde d’Arak doit être changé afin qu’il ne puisse pas produire du plutonium militaire.
Le troisième axe de cet accord concerne le renforcement des inspections qui seront conduites par l’Agence internationale de l’énergie atomique. L’agence onusienne va inspecter pendant vingt ans les centrifugeuses et pendant vingt-cinq ans la production de plutonium. Le quatrième axe de cet accord qui intéresse au plus haut point les autorités iraniennes concerne la levée des sanctions de l’ONU, des Etats-Unis et de l’Europe qui ont pesé sur le développement du pays. L’Iran va bénéficier d’une levée progressive de ces sanctions à partir du début de l’année 2016 et sur des secteurs aussi importants que la finance, l’énergie et le transport. Cette levée interviendra dès la remise du rapport de l’Agence atomique sur l’application de ces engagements par l’Iran.
Le dernier axe de cet accord concerne le maintien de l’embargo sur les armes. En effet, les sanctions internationales sur l’importation d’armes offensives et les missiles balistiques seront maintenus. Par ailleurs, l’embargo sur les importations de matériel qui permettaient à l’Iran de développer ses capacités de production balistique sera également maintenu.
Cet accord a soulevé un grand nombre de critiques de la part de nombreux pays notamment d’Israël dont les dirigeants sont persuadés que cet accord et les restrictions n’empêcheront pas l’Iran de se doter de l’arme nucléaire ce qui constituera une véritable menace pour son existence. De leur côté, les pays du Golfe y sont également opposés car ils considèrent que la levée des sanctions et le retour de l’Iran dans la communauté internationale vont renforcer son hégémonie dans la région qui pourrait déstabiliser la région du Golfe.
Mais en dépit de ces critiques, il est évident que cet accord constitue un développement majeur qui va éteindre un champ de tension dans le Moyen-Orient. Une étape importante vu l’embrasement sans précédent de la région depuis les printemps arabes.