Le mois de Ramadan, mois du jeûne et de la piété, est à nos portes. C’est aussi la période où la Tunisie connaît un élan de solidarité, d’entraide et de générosité. Tables de rupture du jeûne, manifestations caritatives et autres dons caractérisent, ce mois saint. Les associations, civiles et religieuses en profitent pour organiser toutes sortes de manifestations et se montrent très actives au cours de cette période. Des actions louables, sauf que depuis la découverte d’un certain nombre d’associations aux sources de financement louches et suspectées d’avoir d’éventuels liens avec des groupes terroristes, toutes sortes de questions se posent sur la nature exacte de leurs activités religieuses au niveau du contenu et des programmes destinés au public. Désormais la vigilance s’impose.
L’article 3 de la loi n°88- 2011 relative aux associations stipule que les associations doivent respecter la loi, les principes de la démocratie et de la pluralité, la transparence, l’équité et les Droits de l’Homme.
Quant à l’article 4 de la même loi, il interdit, entre autres, à l’association de s’appuyer dans ses statuts ou communiqués ou programmes ou activités, sur l’incitation à la violence, la haine, l’intolérance et la discrimination fondées sur la religion, le sexe ou la région. Il lui est interdit aussi d’exercer des activités commerciales en vue de distribuer des fonds au profit de ses membres dans leur intérêt personnel ou d’être utilisés dans le but d’évasion fiscale.
Et pourtant, l’Etat tunisien s’est retrouvé, depuis 2011, face à un discours appelant à la haine ou à l’effondrement de l’Etat, voire rejetant la notion de l’Etat moderne. L’association Ansar Al Charia, aujourd’hui classée organisation terroriste, a justement débuté ses activités dans le travail caritatif : organisation de caravanes de solidarité dans les zones recluses, distribution de denrées alimentaires aux familles démunies et incitation à la solidarité et à l’entraide entre musulmans.
Or, le profil philanthropique n’était qu’un moyen pour cacher les véritables visées de cette association notamment l’édification d’un Etat islamique et l’instauration de la chariaa. Il faut rappeler qu’Ansar Al Charia n’avait pas caché longtemps son jeu et avait déclenché une vaste opération de recrutement d’adeptes au nom de leur vision de l’Islam, sans avoir à cacher son animosité envers l’Etat, appelant à la haine, incitant au meurtre et accusant d’apostasie tous ses adversaires. Des actes de violences ont, même, été accomplis par les « adeptes » de cette association dont l’attaque contre l’ambassade américaine. Et pourtant tout a été engagé sous le couvert de la charité.
Les écoles coraniques ont aussi été un lieu d’embrigadement des enfants… plusieurs associations coraniques ont, par ailleurs, été fermées à Sidi Bouzid., à l’Ariana, à Nabeul et ailleurs… La cause en est la non conformité aux lois et l’opacité des financements et des programmes d’activité.
Des femmes ont été séduites par l’idée de rejoindre les combattants djihadistes et « de nouveaux convertis » ont été envoyés via ces organisations et ces associations dans les camps d’entraînement en Libye ou encore en Syrie et en Irak. Aujourd’hui, nombre de ces djihadistes se cachent dans les régions montagneuses à l’ouest du pays où ils se font ravitailler par les réseaux de contrebande et contre lesquels les forces de sécurité et l’armée tunisiennes mènent une guerre sans merci.
D’importantes mesures ont été prises, dans ce cadre, pour contrer l’expansion du danger extrémiste et terroriste et des dizaines d’associations religieuses ont été suspendues. Mais des interrogations persistent. Est-on certain que d’autres associations ne prendront pas leur relève ? Le danger terroriste n’est pas encore éradiqué et des Tunisiens, hommes ou femmes, continuent à être embrigadés et recrutés par les organisations terroristes.
Sous couvert de dons, ces associations peuvent continuer à constituer d’excellents vecteurs de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
Si le contrôle de l’Etat est exercé, certes tout au long de l’année sur les activités de ces associations dites religieuses ou coraniques, des dispositions spécifiques devraient être prises au cours du mois de Ramadan où l’action associative permet de toucher un plus grand nombre de Tunisiens. Il va de soi que ce contrôle ne doit ni opprimer ni entraver les activités relevant du caritatif symbole de la vivacité de la société civile.