Actualité nationale : Au pas de course

La croissance, l’inflation, le déficit budgétaire, le chômage sont autant de défis que la Tunisie s’attelle à relever mais pas avec les moyens qui s’imposent. Grâce à une discipline budgétaire qui a recours à l’endettement intérieur et la réduction des importations, le pire est, pour le moment, évité. Le chef de l’Etat et son Chef du gouvernement sont sur le pied de guerre sur plusieurs fronts et le gouvernement Madouri a passé la vitesse supérieure, par rapport aux gouvernements précédents. Les changements sont perceptibles mais les résultats se font attendre.

 L’actualité nationale avance au pas de course et se bouscule depuis le début du deuxième mandat de Kaïs Saïed. Outre les débats sur le budget 2025 sous l’hémicycle de l’ARP, il ne se passe pas un jour sans que plusieurs lourds dossiers relevant de divers secteurs, beaucoup étant déterrés après plusieurs années d’abandon, ne soient examinés le même jour par Carthage ou par la Kasbah.
µLes directives du Président Kaïs Saïed sont désormais entendues, elles sont claires pour le nouveau Chef du gouvernement, Kamel Madouri, et passent comme une lettre à la poste. Le courant passe entre les deux hommes, cela se voit à la rapidité avec laquelle les consignes sont suivies d’exécution, comme celle qui exhorte les ministres et les autres responsables régionaux, gouverneurs et délégués, à ne pas se confiner dans leurs bureaux, à aller au contact direct avec les citoyens et à examiner de visu les problèmes qui bloquent la remise en marche du secteur public et la relance économique.
La guerre contre la corruption lancée par Kaïs Saïed a donné à voir l’ampleur des abus. Aucun secteur public (agriculture, santé, transport, entreprises…) n’a été épargné par la corruption qui a sévi durant des décennies et autant d’atouts socioéconomiques dilapidés et de points de croissance perdus pour le pays. La machine de la reddition des comptes a été mise en branle et rien ne semble pouvoir l’arrêter malgré des résistances invisibles mais agissantes.
A la Une des médias étrangers, les titres évoquent la guerre lancée par la Tunisie contre la corruption et les noms de personnalités célèbres du monde des affaires convoqués par la justice ou sous mandat de dépôt. Une conjoncture nationale inédite dans laquelle l’ambition affichée est que tous les citoyens soient égaux devant la justice et que la classe des intouchables soit éradiquée, sinon moins importante.
Le favoritisme et le clientélisme sont légion même dans les plus grandes démocraties et ne sont pas exclusifs aux pays en voie de développement. Le président américain sortant, Joe Biden, vient de gracier son propre fils Hunter poursuivi par la justice américaine dans des affaires notamment de fraude fiscale. Les institutions de l’Etat et la justice doivent toutefois fonctionner normalement pour préserver la cohésion sociale et les intérêts économiques du pays.

Lignes rouges
Cette période se caractérise également par une dynamisation de la diplomatie. Il est clair que la Tunisie a choisi de diversifier ses partenaires internationaux et de s’ouvrir sur de nouveaux horizons d’échange et de collaboration tout en préservant ses partenaires traditionnels, notamment européens. Sur le plan économique, le virage s’est fait essentiellement vers la Russie et la Chine avec lesquelles des accords bilatéraux ont été signés, sans oublier le franc rapprochement avec les deux voisins de l’Ouest et du Sud, matérialisé à travers la création de l’Alliance tripartite Tunisie-Algérie-Libye. Cette structure avait initialement l’ambition de donner de l’impulsion aux capacités de développement socioéconomique des trois pays et particulièrement des zones frontalières. La date du prochain sommet des trois présidents prévu en Libye devait être fixée en novembre dernier par le président du Conseil présidentiel libyen, Younès El Menfi. Il n’en fut rien, sans doute en raison des tensions qui sont apparues récemment autour de questions territoriales entre la Tunisie et la Libye dont on peut s’interroger sur l’inopportunité du timing.
En effet, pourquoi maintenant ? Il est connu que cette nouvelle structure maghrébine a suscité beaucoup de gêne et de critiques, ce qui pourrait induire des interférences inamicales. Mais l’événement diplomatique qui a marqué les esprits, tout récemment, est la visite fin novembre dernier au Parlement tunisien d’une importante délégation parlementaire iranienne dirigée par le président de la commission de sécurité nationale et de politique étrangère, Ibrahim Azizi. La délégation iranienne a été reçue par le président de l’ARP, Brahim Bouderbala, et par le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, qui a souligné, selon un communiqué du ministère, le rôle important de la diplomatie parlementaire dans la consultation, le dialogue et le rapprochement des deux pays. Un fait anodin qui a suscité des interrogations quant à son timing, considérant la situation de guerre au Proche-Orient dans laquelle l’Iran joue un rôle important en soutenant la résistance sunnite palestinienne et la résistance chiite libanaise et ses rapports tendus, proches du conflit militaire, avec l’entité sioniste. Le soutien de la Tunisie à la cause palestinienne est constant et indéfectible et toute coopération en vue de renforcer la position des Palestiniens dans le concert des nations devient naturelle, voire indispensable. Ce qu’a admis le chef de la délégation iranienne qui a salué les positions du Président Kaïs Saïed sur les questions régionales, notamment pour ce qui concerne la cause palestinienne.
Ibrahim Azizi a formulé, à l’occasion, le souhait de renforcer les relations bilatérales de coopération dans l’intérêt mutuel des deux pays. Les parlementaires iraniens venaient d’une visite en Algérie, ce qui laisse penser à une initiative iranienne de concertation autour des questions régionales et internationales d’intérêt commun. Ce qui a suscité la crainte de ceux qui redoutent un changement de cap de la Tunisie. Dans une première pour un chef d’Etat tunisien depuis le leader Bourguiba en 1965, Kaïs Saïed s’est, en effet, déplacé en Iran en mai dernier pour assister aux funérailles du président Raïssi mort lors du crash de son avion. Il y a rencontré de hauts responsables iraniens et même le chef spirituel, l’ayatollah Khamenei. Une crainte injustifiée par le fait que Kaïs Saïed a eu l’occasion de démontrer et de prouver que la souveraineté de la Tunisie et l’indépendance de sa décision souveraine représentent des lignes rouges. Elargir son champ d’action et celui de ses alliés est donc une opportunité pour la Tunisie de se frayer une place plus grande dans le concert des nations. 

Révolution législative
L’actualité nationale évolue au pas de course mais pas à grande vitesse, les résultats tardent et les objectifs vont exiger du temps avant d’être atteints. Et pour cause : tout, quasiment tout, est à refaire. Une révolution législative est indispensable pour faire sauter les verrous et sortir des carcans afin de libérer l’initiative économique et les talents.  Cette révolution, Kaïs Saïed en personne l’a revendiquée mais la réponse reste à la traîne. Les compétences tunisiennes qui quittent le pays et celles qui partent à la retraite constituent des dossiers tellement brûlants qu’il urge de les traiter avec l’efficacité et la célérité souhaitées. Il faudra en former d’autres et surtout leur garantir les conditions d’épanouissement professionnel qui les empêcheront de quitter leur pays. Il s’agit de parvenir, contre vents et marées, à relever les défis, si nombreux. La conjoncture internationale est des plus inquiétantes avec la succession de guerres sanglantes qui menacent d’embraser le monde arabe et l’Europe.
La Tunisie est condamnée à sortir du marasme économique avec les moyens propres dont elle dispose et avec l’aide des quelques amis proches et lointains qui ont montré une disposition à investir en Tunisie, comme l’Arabie saoudite et le Koweit. Les Tunisiens devront, quant à eux, faire encore preuve de patience et opérer une révolution des mentalités en vue de remplacer l’assistanat par le travail, le labeur et le mérite.

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