Administration: Obstacle à la croissance ou facteur de développement ?

L’Administration tunisienne a toujours bénéficié d’un prestige certain en raison de la compétence de ses cadres et de son rôle volontariste et efficace en matière de gestion des grands projets d’infrastructures de base et des programmes publics de développement dans les régions, même si souvent, il y a eu des retards dans les délais d’exécution et des dérapages pour ce qui est des coûts définitifs par rapport aux budgets prévus.

Nous fermerons les yeux provisoirement sur les défaillances relatives aux lenteurs administratives et complications de la paperasse, sans oublier les dysfonctionnements relatifs au taux élevé d’absentéisme, à la ponctualité chancelante et au rendement erratique,…

Parmi les retombées postrévolutionnaires dont la perte d’autorité de l’Etat, la succession rapide des gouvernements et des ministres a engendré dans l’Administration, aussi bien au niveau central que régional, la perte des repères, une certaine démobilisation, sinon une profonde démotivation.

La mobilité des hauts fonctionnaires durant ces quatre années, la valse des PDG à la tête des entreprises publiques, les promotions rapides et la nomination de nouveaux venus dans des postes de responsabilités dans l’Administration ont engendré certes des perturbations parmi les fonctionnaires.

Il faut dire que les effectifs de la fonction publique sont devenus pléthoriques, notamment après le déclenchement de la Révolution du 14 janvier 2011, avec des recrutements massifs dans l’Administration, suite à la déclaration de l’amnistie générale en 2011 et 2012.

Le chiffre officiel est de l’ordre de 750.000 fonctionnaires, ce qui implique de vastes locaux administratifs, des frais de fonctionnement très élevés et par suite, l’éparpillement des services d’une même Administration entre plusieurs sites. A cela, il faut ajouter un immense parc-auto qui compte au moins 200.000 véhicules dont la gestion coûte très cher.

La caractère stratégique sinon vital du rôle de l’Etat dans l’économie et la société n’est pas étranger à l’hypertrophie des effectifs de fonctionnaires qui dépasse les fonctions traditionnelles d’éducation, de santé publique, de sécurité et de fourniture d’énergie pour prendre en charge certains services publics comme le transport, l’exploitation des ressources du sous-sol, la poste, les télécoms ainsi que des industries lourdes comme la sidérurgie par exemple. C’est de là que vient l’explosion du nombre d’entreprises publiques et donc la montée en puissance du nombre de salariés des sociétés nationales.

Le coût de l’Administration et le nombre de fonctionnaires sont donc à rapprocher avec le rôle de l’Etat, son caractère stratégique et le degré de son intervention dans le processus du développement du pays.

Il faut dire que certaines administrations manquent d’effectifs de fonctionnaires pour mener leur mission dans les meilleures conditions. C’est ainsi qu’il manque des enseignants dans certains établissements scolaires dans les zones défavorisées. Il en est de même pour le personnel médical et para-médical dans les hôpitaux régionaux pour ce qui est des services spécialisés.

Il manque également des milliers de contrôleurs de prix et des inspecteurs d’impôts pour veiller au respect de la réglementation sur les prix et lutter contre la fraude fiscale.

Alors qu’il y a des sureffectifs considérables dans les administrations centrales et régionales.

Le ministre des Affaires sociales qui s’exprimait lors des débats de l’IACE en décembre 2014 affirmait que le dégraissage de l’Administration pouvait concerner 33% des effectifs de fonctionnaires sans gêner outre mesure le rendement de l’Administration publique.

Parmi les dysfonctionnements constatés dans l’Administration tunisienne, c’est que au fur et à mesure que le nombre de secteurs soumis à agréments diminue, remplacés par des cahiers des charges, les effectifs de fonctionnaires augmentent.

Certes, depuis 2011 il n’a pas été constaté, sauf cas exceptionnels de ruptures graves dans le fonctionnement des services publics vitaux comme l’alimentation en eau, l’électricité, l’énergie, le transport. Des services minimums si l’on peut dire.

Mais il y a lieu de constater que plus de 50% des projets de développement dans les régions n’ont pas été réalisés depuis quatre ans bien que les crédits budgétaires soient disponibles.

L’Administration tunisienne est encore dans un état de léthargie et d’irresponsabilité vis-à-vis de son rôle dans l’impulsion du développement.

Elle a besoin d’être motivée, mobilisée et responsabilisée. Malheureusement, on constate que les fonctionnaires n’ont pas d’autres ambitions que celles des avantages matériels.

Il y a un besoin urgent de restructuration dans l’Administration pour lui donner la dose d’efficacité qui lui manque.

Un veut de modernisation doit souffler sur nos ministères.

Le plus important, c’est d’avoir un sens patriotique et nationaliste : assumer un rôle positif dans le processus du développement du pays. Il y a un sursaut à provoquer pour assurer la continuité de l’Etat et de son rôle dans la poursuite de sa mission, entre autres, rémunérer les fonctionnaires en fonction de leur rendement, les promouvoir par des concours sur épreuves, sanctionner les absences sans motifs…

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