L’affaire de Barraket Essahel revient encore sur le devant de la scène. Les militaires, injustement torturés par Ben Ali, en 1991, n’ont toujours pas bénéficié de la totalité de leurs droits. C’est ce qui a poussé l’Association INSAF pour les anciens militaires à organiser une conférence de presse le 15 novembre dernier.
Plus de deux ans depuis la réouverture du dossier des militaires de Barraket Essahel, en mars 2011, suite à une plainte judicaire de leur part contre certains de leurs bourreaux, les 244 officiers et sous-officiers n’ont toujours pas obtenu une réhabilitation totale. On a beau leur promettre une résolution rapide de leur situation, notamment pour ceux d’entre eux qui vivent dans la précarité, mais rien ne se passe.
Ahmed Ghiloufi, vice-président de l’association, a d’ailleurs procédé à un rappel de toutes ces promesses. En Octobre 2001, le ministère de la Défense a reconnu que ces militaires ont été incarcérés et torturés injustement après avoir été accusés de préparer un complot contre le régime Ben Ali. Le Général Ammar, ex-chef d’état-major, a promis de régler leurs situations. Or, le commandement en place s’est contenté de leur octroyer des cartes de soins et de donner certaines compensations aux cas sociaux les plus urgents. Ensuite, le ministère de la Défense a œuvré pour inscrire le rétablissement des droits des militaires de Barraket Essahel dans le cadre de la loi sur l’amnistie générale, retardant ainsi une régulation administrative rapide. Mais cette loi ne concerne que 93 personnes de la totalité des 244 officiers et sous officiers, essentiellement ceux qui ont été inculpés dans des procès. «En outre, ce décret-loi ne concerne que les opposants et les prisonniers politiques. Or, nous ne le sommes pas», affirme le commandant, Hédi Kolsi. La loi ne garantit pas non plus aux victimes de Barraket Essahel la réintégration dans les rangs de l’Armée, à l’instar des civils, en raison de l’existence d’une loi spécifique, datant de 2004 et interdisant le retour à l’Armée malgré les décisions du tribunal administratif allant dans ce sens.
Des promesses, rien que des promesses…
Il est vrai qu’il y a eu des initiatives positives à l’égard de ces victimes. En effet, ils ont reçu les excuses officielles de l’État tunisien, présentées le 23 juin 2012 par le Président de la République chef suprême des forces armées, Moncef Marzouki. Ce dernier a aussi organisé en leur honneur une cérémonie officielle le 10 décembre 2012, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale des Droits de l’Homme. À cette occasion, ils ont été décorés par les insignes de l’Ordre de la République, en présence de leurs familles.
Mais le plus important reste à faire. Les militaires réclament une solution administrative qui inclura : l’annulation des décisions de révocation abusives prises en 1992 à l’encontre des victimes ; la promulgation de nouvelles décisions concernant la reconstitution des carrières individuelles en prenant en compte une promotion de trois grades, et ce, à l’instar des dispositions de la loi sur l’amnistie générale ; la mise à la retraite «complète» des anciens militaires de Barraket Essahel avec le dernier grade assimilé ou une bonification à ceux n’ayant pas encore atteint l’âge légal de la retraite ou encore le détachement.
Ils voudraient aussi obtenir des réparations morales et matérielles pour les préjudices qu’ils ont subis durant deux décennies, sans oublier une réhabilitation des victimes en uniforme au sein d’une enceinte militaire, avec le grade requis, et ce, à l’occasion du 3e anniversaire de la Révolution.
La régulation de la situation des ces militaires est devenue d’autant plus urgente que certains d’entre eux, vivant dans la précarité, ont été approchés par des groupes terroristes, à travers les lettres anonymes qui les appellent à rejoindre leurs rangs, comme l’explique Me Omar Saâdaoui, avocat de l’Association INSAF. Cette association, qui souhaiterait être présente dans l’élaboration d’une solution globale dans l’affaire de Barraket, dit avoir reçu des promesses par les milieux proches de la présidence que sa dernière réclamation sera probablement satisfaite (rétablissement en tenue militaire.)
Attendons voir…
Hanène Zbiss