Affaire BFT : Ce que Chahed peut faire

Au moment où l’on s’y attendait le moins, le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, remet l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) au devant de la scène, suscitant par là même moult questions et faisant sortir des bois certains, parmi ceux qui étaient à l’origine du fiasco qu’a connu cette affaire, ou sont directement liés aux blocages ayant empêché tout règlement qui aurait pu être moins lourd pour l’Etat tunisien et surtout pour les finances publiques, actuellement au rouge.
En effet, Youssef Chahed vient de remettre cette question au centre d’un débat public, assoiffé de polémiques sans donner aucune précision ni aucun nom, laissant libre cours aux supputations et interprétations de tout genre et ouvrant la voie à des règlements de comptes jusque-là occultes.
L’affaire de la Banque franco-tunisienne est la plus grande affaire de corruption de l’histoire de la Tunisie”, a affirmé Chahed dans l’interview accordée le 25 février à Watanya 1. Nous n’avons pas cessé de le rappeler, et à plusieurs reprises, sur ces mêmes colonnes à qui voulait nous entendre, sans résultat.
Que le Chef du gouvernement le reconnaisse aujourd’hui, c’est une avancée remarquable, surtout qu’il affirme sur un ton assez dur que l’Etat va réagir dans les mois à venir. Tout cela est bon, mais il ne faut pas oublier que le temps ne joue pas en faveur de la Tunisie en ce sens que le calendrier fixé par le tribunal arbitral international prend fin le 31 décembre 2018, sans possibilité aucune de prolongement.
Ce qui tout de même reste surprenant, c’est pourquoi on ne trouve pas le courage de dévoiler les dessous de cette affaire qui constitue, justement, une grosse affaire de corruption, sinon la plus grande que la Tunisie ait jamais connue. Retour sur une affaire à nulle autre pareille et sur les raisons à l’origine de la condamnation de la Tunisie. Rien que pour rappel.
La déclaration du Chef du gouvernement nous renvoie à ce que nous avions appelé dans  le N° 1664 de « Réalités magazine », « les trois violations fatidiques » ayant mené à la condamnation.
En effet, si l’Etat tunisien avait bien géré, depuis le déclenchement de cette affaire, la BFT, il aurait été en mesure, aujourd’hui, de la restituer à ABCI dans une situation saine. Or, la banque est aujourd’hui en quasi faillite, et Youssef Chahed l’a reconnu, en affirmant que tous ceux qui étaient à l’origine de cette faillite seront poursuivis. Et ce qui complique encore la situation, c’est que l’Etat, selon le droit international, doit la restituer dans la situation où elle se trouvait lors de son expropriation avec les gains et profits qu’elle aurait pu réaliser en 37 ans.Au moment où l’on s’y attendait le moins, le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, remet l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT) au devant de la scène, suscitant par là même moult questions et faisant sortir des bois certains, parmi ceux qui étaient à l’origine du fiasco qu’a connu cette affaire, ou sont directement liés aux blocages ayant empêché tout règlement qui aurait pu être moins lourd pour l’Etat tunisien et surtout pour les finances publiques, actuellement au rouge.
En effet, Youssef Chahed vient de remettre cette question au centre d’un débat public, assoiffé de polémiques sans donner aucune précision ni aucun nom, laissant libre cours aux supputations et interprétations de tout genre et ouvrant la voie à des règlements de comptes jusque-là occultes.
L’affaire de la Banque franco-tunisienne est la plus grande affaire de corruption de l’histoire de la Tunisie”, a affirmé Chahed dans l’interview accordée le 25 février à Watanya 1. Nous n’avons pas cessé de le rappeler, et à plusieurs reprises, sur ces mêmes colonnes à qui voulait nous entendre, sans résultat.
Que le Chef du gouvernement le reconnaisse aujourd’hui, c’est une avancée remarquable, surtout qu’il affirme sur un ton assez dur que l’Etat va réagir dans les mois à venir. Tout cela est bon, mais il ne faut pas oublier que le temps ne joue pas en faveur de la Tunisie en ce sens que le calendrier fixé par le tribunal arbitral international prend fin le 31 décembre 2018, sans possibilité aucune de prolongement.
Ce qui tout de même reste surprenant, c’est pourquoi on ne trouve pas le courage de dévoiler les dessous de cette affaire qui constitue, justement, une grosse affaire de corruption, sinon la plus grande que la Tunisie ait jamais connue. Retour sur une affaire à nulle autre pareille et sur les raisons à l’origine de la condamnation de la Tunisie. Rien que pour rappel.
La déclaration du Chef du gouvernement nous renvoie à ce que nous avions appelé dans  le N° 1664 de « Réalités magazine », « les trois violations fatidiques » ayant mené à la condamnation.
Il faut rappeler que la BFT en 1982 était de la même taille que la BIAT, Amen Bank (anciennement CFCT) et l’ATB (anciennement Arab Bank).
La différence de sa situation actuelle avec celle où elle devait  se trouver sans les différentes violations va définir le montant de la réparation due au titre de l’expropriation illicite, une des trois violations fatidiques dont on avait déjà traité.
Reconnu responsable  de la réparation de ce préjudice par le tribunal arbitral international, CIRDI, l’Etat doit payer cela de son budget.

Une lourde facture pour le contribuable
Au vu des derniers développements, la Tunisie risque de payer une lourde facture de quelque 1.000 millions de dinars, voire davantage, de dédommagement à ABCI et à son ancien président, Majid Bouden.
Le gouvernement vient de déclarer  par la bouche de son chef, qu’il y a eu corruption en son sein, ce qui ne dégage nullement la responsabilité de l’Etat vis-à-vis d’ABCI du fait qu’il est responsable des actes de la BFT, de la STB, de la BCT et  du ministère des Finances, dont l’octroi des crédits et leur non recouvrement.
Sur le plan interne, l’Etat tunisien est en droit de se retourner contre tous ceux qui ont distribué ces crédits et tous ceux qui en ont profité et les obliger à combler le passif de la Banque et à le renflouer, ce qui soulagerait dans une grande mesure le budget de l’Etat et éviterait au contribuable de rembourser cet argent à la place de ceux qui en ont profité. Il s’agit là de l’application du principe de la restitution de l’indu au budget de l’Etat, pour pouvoir payer les réparations, ce qui constituerait une opération quasi blanche pour l’Etat.
Le système organisé, tel que défini par le Chef du gouvernement, de non remboursement des crédits, a provoqué la faillite de la BFT.
Le gouvernement a, aujourd’hui, deux possibilités pour récupérer son dû auprès des débiteurs solvables.
D’abord la solution la plus classique et la plus formelle, celle d’engager des procédures qui peuvent durer des dizaines d’années mais, entre-temps, l’Etat est obligé de dédommager ABCI à ses frais. Cette méthode de circuit classique est préjudiciable à l’Etat à tous points de vue.
La seconde serait d’engager des procédures par citation directe sur le fondement de l’organisation de la faillite provoquée au détriment de l’Etat et de la BFT aux fins de ne pas rembourser les crédits et de l’interférence dans le fonctionnement des institutions et d’avoir causé les préjudices en conséquence à l’Etat.
Ces procédures peuvent aller vite et permettront à l’Etat de faire face à ses engagements internationaux, ce qui est un motif légitime lui permettant d’obtenir réparation en interne avant de payer les réparations dues à ABCI au plan international. C’est le concept de la guerre-éclair contre la corruption déclenchée par Youssef Chahed.
Cette opération peut se réaliser en quelques semaines en tenant compte de tous les recours en quelques mois.
Dans cette bataille, Chahed doit savoir qu’il ne peut y avoir de match nul : soit le gouvernement tergiverse et suit les voies classiques et il sera vaincu par l’usure,  soit il fait montre d’une forte détermination avec un calendrier serré légitime et il mettra fin à l’impunité qui dure depuis 37 années et  à « la plus grande affaire de corruption que la Tunisie ait connue »(Sic). Toutes les conditions sont, aujourd’hui, réunies, avec l’accord des hautes autorités de l’Etat, pour gagner cette bataille contre la corruption. Pour ce faire, le Chef du gouvernement bénéficie, d’ores et déjà, de l’appui du président de la République, Béji Caïd Essebsi. Il reste, toutefois, à Chahed de nettoyer ses écuries et de voir à quel niveau, que ce soit celui de ses conseillers ou des ministres concernés par cette affaire (Domaines de l’Etat, Finances et Justice) pour débloquer le processus.

Retour  sur un système organisé de faillite
L’organisation systémique de la mise en faillite programmée de la BFT s’étend de 1982 à 1987. Le principal responsable de la déconfiture de la banque, comme l’a indiqué Jeune Afrique dans un dossier consacré à cette affaire, est Mansour Moalla qui avait remis en cause l’agrément d’investissement qu’il avait pourtant signé lui-même, en représailles contre ABCI, cette dernière ayant refusé de se laisser absorber par la BIAT dont il était l’un des principaux actionnaires en même temps qu’il était ministre des Finances.
Par ce fait, Moalla a bloqué la réalisation de l’investissement, opéré la ponction de l’ensemble des fonds propres de la BFT au profit de la STB et bloqué le développement de la BFT qui, par l’augmentation de son capital de 500% (passant de 1 à 5 MD en 1982), allait changer d’échelle et de taille.
Ce préjudice que l’Etat doit réparer a été causé par ce grand argentier en toute impunité.
L’Etat peut se retourner contre lui, ainsi que ses principaux collaborateurs, notamment Tahar Sioud, 1er vice-gouverneur de la BCT à l’époque.
Bénéficiaire de ce préjudice, la STB, qui a reçu par enrichissement sans cause, les fonds propres de la BFT et un échange de créances non remboursables d’un montant de 17,5 MD au détriment de la BFT. L’ensemble donnerait un montant de 20 MD, soit l’équivalent du capital de la STB à l’époque.
De surcroît, la STB a gardé sous son contrôle la BFT et l’avait gérée à son profit et au détriment d’ABCI, en prélevant divers montants et frais aux dépens de la BFT. Le total est estimé à 30 MD ( valeur 82-87). Ces détournements ont continué pendant 37 années, c’est-à-dire de 1982 à nos jours.
Cette organisation systémique de mise en faillite a été couronnée par l’expropriation illicite de la banque en 1989.

Nouvel épisode de la mise en faillite
Entre 1987 et 1989, Magid Bouden a été désigné président du conseil d’administration de la BFT et avait exigé le remboursement de toutes les créances en souffrance, ce qui a déclenché la cabale pour l’expropriation de la BFT en 1989 et accéléré sa faillite.
En mettant la main sur la banque, il avait obligation de la gérer en bon père de famille à l’instar des autres banques de la place.
Mais tout le monde savait que la banque devait être restituée un jour ou l’autre. Aussi, a-t-elle été considérée comme une banque sans propriétaire, donc un bien vacant où chacun pouvait se servir comme il le voulait, impunément, d’où le déclenchement du processus de distribution de crédits sans garanties avec la certitude de non remboursement.
A plusieurs reprises, l’Etat a fauté par la non protection de la banque contre ses prédateurs.
Aujourd’hui, il peut se retourner légitimement contre les débiteurs solvables pour, non seulement rembourser les crédits contractés, mais aussi compenser tout le préjudice subi par la BFT et qui l’a empêchée de se développer pour être au minimum au même niveau que la BIAT, l’ATB et Amen Bank aujourd’hui.
Les responsables de la faillite de la banque, à cette époque, n’étaient autres que Ben Ali lui-même, Hédi Baccouche, Ismaïl Khelil, ministre des Finances, Hamed Karoui, ministre de la Justice, Mustapha Bouaziz, ministre des Domaines de l’Etat, Mohamed Ghannouchi, ministre du Plan et des Finances, Néji Sekhiri et Béji Hamda de la STB, Mohamed Ghenima, Mohamed Béji Hamda, Ismaïl Khelil et Hammadi Skhiri, gouverneurs de la BCT, tous ayant pris la décision de poursuites judiciaires à l’encontre du président d’ABCI, à l’époque, Magid Bouden.
Il faut dire que ces responsables étaient soutenus par Mourad Guellati, commissaire aux comptes, qui a introduit une plainte qu’il savait fabriquée et qui a été soutenu par Moncef Bousennouga, Abdeljalil Mouakher, Faycel Derbal, Mohamed Affès, Yahia Chaâbouni et Youssef Nouri, tous experts comptables.
En 1989, la DTB continuait toujours à gérer la BFT à son profit et la BCT a empêché la BFT d’ouvrir des agences, de recueillir des dépôts et d’avoir les moyens financiers pour développer ses activités. Ces différentes mesures avaient accéléré encore plus le processus de faillite de la BFT.
Il faut rappeler, toutefois, que les principaux bénéficiaires de ces crédits sans garanties étaient deux grandes entreprises de travaux publics.
Ces dernières ont fait du lobbiyng auprès de Ben Ali pour bloquer les recouvrements. Par ailleurs, les principaux débiteurs ont poussé Ben Ali à accélérer la mise à l’écart d’ABCI en lançant des poursuites judiciaires fabriquées contre son président, Magid Bouden.
L’expropriation a eu lieu en 1989 sur décision personnelle de Ben Ali. Ce qui a rendu irréversible le processus de faillite de la BFT et en a fait une proie facile à ses prédateurs.
Plusieurs tentatives de vente de la BFT aux proches, avec l’objectif de faire baisser la valeur de la BFT par l’hémorragie de crédits et la céder à très bas prix et une fois acquise par les proches, la renflouer avec les dépôts des entreprises publiques.
Les tentatives de privatisation ont eu lieu en 89 et 93 et les prétendants à l’acquisition étaient le Groupe M’zabi et la SFBT. En 2006 et 2008, les prétendants étaient la SFBT, le Groupe Wided Bouchemmaoui, le Groupe Faouzi Elloumi,  (bien que tous ces prétendants, quand ils se sont aperçus des déboires de la banque, se sont retirés et n’avaient présenté aucune offre ).
Ces opérations de cession étaient pilotées par Habib Karaouli, PDG de la Banque d’Affaires de Tunisie (BAT), devenue Cap Bank filiale de la STB et qui avait échoué dans le cadre de la procédure d’arbitrage du CIRDI.
Pendant cette période, la Banque, qui était bénéficiaire, a camouflé toutes ses pertes en maquillant ses comptes.

Des bénéficiaires bien connus
Les principaux bénéficiaires des crédits à cette époque et non remboursés à ce jour, sont entre autres Chafik Jarraya et les Trabelsi. Ce qui est aussi important, c’est que la centrale des listes de la BCT a révélé que certaines entreprises de travaux publics avaient pour plus de 120 MD de crédits, le groupe Jarraya, 100 MD et bien d’autres encore. S’ajoutent à ceux-là le clan Imed, Belhassen et autres Trabelsi dont les biens sont confisqués et qu’il suffit de restituer à la BFT pour la renflouer.
Un autre bénéficiaire, Tarak Fourati avec 35 MD et le grand manipulateur de cette affaire, Belhassen Fekih, à l’origine de l’affaire pénale, qui a bénéficié d’un crédit de 500 mille dinars. Bouden avait été condamné pour le dossier de Fekih de façon orchestrée selon les attendus de la Cour de Cassation.
A partir de 2011, et suite à la décision du CIRDI du 18 février 2011, retenant sa compétence pour juger l’affaire au fond, les autorités ont commencé à dévoiler, petit à petit, le déficit de la BFT, reconnaissant à ce jour environ 400 MD de pertes. En réalité, ce montant dépasse les 900 MD.
La BFT perd, selon Chedly Ayari, ex-gouverneur de la BCT, environ 100 mille dinars par jour et aucun des gouvernements successifs n’a voulu régler le problème. Cette omission d’agir constitue une faute de laquelle résulte un préjudice à l’Etat qui est en droit de réclamer à ceux qui l’ont représenté et agi en son nom de 2011 à 2018, notamment Slim Ben Hamidane, Noureddine Bhiri, Nedhir Ben Ammou, Slim Besbès, Elyes Fakhfakh, Mustapha Kamel Ennabli et Chedly Ayari, ainsi que Mohamed Ben Salem, Lotfi Zitoun, Ali Larayedh, Ridha Saïdi, Taoufik Rajhi, Kacem Ferchichi… et qui se sont retournés sur l’accord amiable initié par Béji Caïd Essebsi, alors premier ministre et signé par les mêmes termes par la Troïka au 31 août 2012. Ce revirement de position du CPR et d’Ennahdha a fait perdre à la Tunisie l’opportunité de reconvertir la réparation en investissement et en volume à peu près 40% en conséquence de la dépréciation du dinar.
Si l’accord avait été mis en œuvre, l’indemnisation convertie de dollars en dinars en 2012, la somme aurait représenté 40% de moins en termes de valeur en dollars.
Les gouvernements de Mehdi Jomaâ, d’Essid 1 et 2 et les ministres concernés, Farhat Horchani, Hafedh Ben salah, Mohamed Slah Ben Aissa, (Justice), Hédi Mejdoub, (Intérieur), Elyes Fakhfakh, Slim Besbes, Slim Chaker, Lamia Zribi, Fadhel Abdelkefi, Ridha Chalghoum (Finances) et le PDG de la STB, Samir Saïed, vont laisser pourrir la situation en aggravant la responsabilité de l’Etat et par conséquent, les réparations dues. A ces ministres, il faut ajouter tous ceux qui avaient en charge le dossier, c’est-à-dire ceux qui détenaient le portefeuille des Domaines de l’Etat, dont dépend le chef du contentieux de l’Etat et notamment Mabrouk Korchid, actuel ministre.

Le temps d’agir pour Chahed
Si l’on se référait aux dernières déclarations du Chef du gouvernement, le 25 février sur ElWatanya 1, affirmant qu’une instruction pénale avait été engagée pour poursuivre ceux qui ont provoqué la faillite de la BFT —les éléments existent— toutes les personnes impliquées dans cette affaire depuis 1982, devraient être concernées par cette instruction.
Le Chef du gouvernement ne doit en aucune manière reculer devant ces personnes, quels que soient leur profil, leur influence ou leur poids. Il y va de l’intérêt supérieur du pays et le peuple n’a pas à payer à leur place.
Youssef Chahed le sait et il est conscient de ce qui l’attend et il a même affirmé qu’il allait être la cible de violentes attaques qui ne tarderont pas d’arriver.
La riposte a été immédiate à deux niveaux : la fausse querelle entre deux parties, les débiteurs solvables qui veulent couvrir en faisant diversion en désignant Ben Hamidane comme seul responsable sur la base d’une fausse accusation, celle d’avoir nié être au courant d’un accord amiable. Or il s’agit d’un épiphénomène sans incidence et qui va arranger Ben Hamidane lui-même en occultant sa responsabilité d’avoir fait capoter l’accord amiable.
De l’autre côté, le duo Daïmi- Ben Hamidane attaque les débiteurs solvables en sachant qu’ils n’avaient pas de preuves entre les mains, donnant l’occasion ainsi à ces mêmes personnes de les défier et d’apporter la preuve, alors que cette dernière est entre les mains du gouvernement. Cette stratégie de diversion, nourrie des deux côtés, bénéficie au clan Daïmi- Ben Hamidane, soutenus par les islamistes avec à leur tête Rached Ghannouchi et par Moncef Marzouki pour détourner l’attention de leur reniement de leur carence dans la gestion du conflit et leur responsabilité dans le préjudice subi par l’Etat.
Les débiteurs solvables, en orientant toute l’affaire de la faillte de la BFT depuis 1982 à ce jour vers le seul Ben Hamidane, trouvent dans ce va-t-en guerre un allié objectif qui leur permet de paraître innocents. Alors que le principe réalité exige d’eux d’expliquer où se sont évaporés les 900 MD et la faillite de la banque par conséquent.
Les personnes citées comme bénéficiaires des crédits et responsables de la faillite sont sorties du bois, ce qui est déjà une victoire pour Youssef Chahed et ont avancé des arguties de forme pour échapper à l’instruction judiciaire.
Les uns prétendent n’avoir aucun rapport avec cette affaire, les autres soutiennent qu’ils ont payé. Selon leur version, les 900 MD de la BFT s’étaient évaporés dans la nature. Or, toute enquête judiciaire pourra établir, en comparant les ressources des personnes concernées et leur train de vie, au-delà des apparences juridiques de forme, la réalité de l’interférence dans la faillite de la BFT et les bénéfices qu’ils ont tirés au détriment de l’Etat.

Le gouvernement sortira par le haut
L’expertise en cours des réparations conduite par l’Etat, devra être approfondie en faisant l’audit des comptes de la BFT de 1982 à nos jours et vérifier toutes les écritures de passation des crédits par perte, les rééchelonnements et abandons d’intérêts, les suppressions de garanties, les restructurations des sociétés et leur corollaire en privation des moyens financiers dans les décisions pour empêcher le remboursement des crédits et ainsi établir les interférences occultes érigées en système afin d’amener l’Etat à ne pas régler le différend et, à chaque fois, prendre de mauvaises décisions pour finir par être condamné à payer des réparations qui s’alourdissent de jour en jour et qui auraient pu être évitées ou au moins limitées.
Youssef Chahed a franchi le Rubicon comme il l’a dit lui-même, il est, et le sera encore plus, la cible des attaques de ceux qui ont mis la banque en faillite et causé un aussi lourd préjudice à l’Etat, en ce que ce dernier va devoir payer des dédommagements à hauteur de 1000 milliards de dinars sinon plus à la société ABCI.
Paradoxalement, le déclenchement de la lutte contre la corruption dans cette affaire va constituer un bouclier pour le gouvernement, à condition que les résultats soient atteints et que le parapluie qui couvre les lobbies politico-financiers impliqués dans cette affaire soit levé.
Si l’opération s’annonce difficile, il va falloir agir vite par une action rapide et beaucoup de courage pour empêcher toute mesure dilatoire et dans le respect des droits de la défense des accusés dans des procès justes et équitables engagés contre la corruption.
La Tunisie sortirait, à coup sûr, de cette affaire grandie, en agissant vite contre la corruption dans les délais fixés par le calendrier du tribunal arbitral international afin d’apporter au CIRDI une nouvelle BFT, renflouée par les remboursements de ceux qui ont causé sa perte et en la restituant, ainsi régénérée, à son propriétaire illicitement exproprié, ABCI. Ceci ne manquera pas de rétablir la confiance et de renouer de nouvelles relations pour de nouveaux investissements dans l’intérêt de la Tunisie et de l’investisseur étranger.
Le gouvernement sortira de ce conflit par le haut.

F.B

Commandement de paiement et tergiversations inutiles
Dans son interview du 25 février  2018 sur El Watanya 1, le Chef du gouvernement avait confirmé que personne n’avait parlé de l’affaire BFT qui constitue , comme nous n’avons jamais cessé de le souligner, la plus grosse affaire de corruption que la Tunisie ait jamais connue. Youssef Chahed vient de confirmer, également, ce constat.
Mais cette confirmation du Chef du gouvernement veut-elle dire qu’il ne soit pas au courant de toutes les correspondances qui parviennent à ses conseillers et à ses ministres, voire à lui-même, au président de la République et au président de l’ARP ?
Youssef Chahed est-il au courant qu’un commandement de payer et de restituer a été adressé par ABCI depuis le 8 février dernier au Chef du contentieux de l’Etat, à la BCT, à la BFT et à la STB demandant le paiement de la sentence arbitrale CCI d’un montant de plus de 50 millions de dollars et la restitution du bloc de contrôle pour 500.139 actions dans la BFT, représentant le bloc majoritaire de contrôle de la BFT à assainir ?
Ce serait grave que le Chef du gouvernement ne soit pas au courant de ce commandement qui se trouve sur le bureau du Chef du contentieux de l’Etat chargé de cette affaire.
Or, Mabrouk Korchid, ministre des Domaines de l’Etat qui, à un certain moment, avait dit qu’il ne fallait pas « acheter le tapis avant la mosquée » et qu’il ne négocierait pas avant la décision sur la responsabilité, continue à tergiverser et à bloquer toute négociation alourdissant par là même les réparations que l’Etat doit payer et sans avoir pris aucune mesure pour recouvrer les créances de la BFT aggravant, ainsi, sa situation de faillite. Plus encore, il maintient l’illusion de continuer lui-même les poursuites pénales fabriquées que Slim Ben Hamidane a intentées contre Magid Bouden. Il faut souligner qu’en tant que chef de file du contentieux du gouvernement, il assume l’entière responsabilité de la gestion catastrophique de ce dossier.
En effet, dans une lettre datée du 27 décembre 2017, ABCI avait indiqué au gouvernement que la proposition de Mabrouk Korchid de régler l’affaire des poursuites pénales dans le cadre de négociations, était inacceptable du fait même que les poursuites étaient fabriquées.
Le chef du contentieux de l’Etat, sous l’autorité des ministres successifs de Ben Hamidane à Korchid, maintient une position trompeuse devant le juge d’instruction, en affirmant faussement que la signature de l’accord amiable du 31 août 2012 a été effectuée par Magid Bouden alors qu’en réalité, ce dernier n’était plus président d’ABCI depuis 1992 et que c’est l’actuel président de la société d’investissement qui en est le signataire. Mabrouk Korchid refuse toujours de corriger cette manipulation malgré plusieurs sommations par parquet diplomatique.
Il semble qu’il refuse de le faire afin de maintenir l’instruction en suspens. Sur ce point, Ghazi Jeribi, chef du parquet, adopte la même position.
Cette politique a été conçue pour maintenir la pression, alors que la Tunisie a été déjà condamnée pour déni de justice et doit payer réparation pour les motifs de responsabilité.
Le maintien du non-règlement de cette affaire ne fera qu’alourdir encore plus la facture pour les finances publiques. Korchid et Jeribi sont de ce fait responsables des conséquences financières de ce conflit.

10 occasions ratées pour un règlement
1 – 27 juillet 1982 : L’Etat refuse de revenir sur sa décision de ne pas mettre en œuvre  l’accord d’investissement et son argument datés du 23 avril 1982.
2 – 30 décembre 1982 : L’Etat refuse de revenir sur sa décision de transfert illicite des réserves et provisions de la BFT à la STB et maintient pendant 37 ans cet enrichissemet illicite de la STB.
3 – 27 juillet 1984 : Tout en restituant le bloc de contrôle majoritaire de la BFT à ABCI, l’Etat refuse de revenir sur sa décision illicite de ne pas remettre les pouvoirs de gestion de la BFT à ABCI.
4 – 19 février 1987 : L’Etat, tout en cédant la présidence non exécutive du conseil d’administration de la BFT à ABCI, refuse de revenir sur sa décision de ne pas remettre la direction générale et les pouvoirs de décision à ABCI.
5 – 23 juillet 1987 : L’Etat refuse l’exécution de la sentence arbitrale de CCI Paris.
6 – 11 novembre 1987 : L’Etat refuse de revenir sur les poursuites pénales fabriquées.
7 – 17 janvier 1989 : L’Etat refuse de revenir sur sa décision de nommer un administrateur judiciaire à la BFT et de mettre en œuvre l’accord de cession des actions minoritaires de la STB à ABCI dans la BFT.
8 – 3 juillet 1989 : L’Etat refuse de revenir sur les accords sur la contrainte et l’expropriation de la BFT.
9 – L’Etat refuse de mettre en œuvre  le plan de développement de la banque de 1982 à 2018 en exécution de l’augmentation de 500% du capital de la BFT.
10- L’Etat refuse tout accord amiable avec ABCI en 1993, 1998, 2001, 2003, 2006, 2008, 2010, 2013, 2014, 2015 et 2017.

L’INLUCC et l’IVD pas concernées ?
La récente déclaration du président de l’INLUCC concernant l’affaire de la BFT n’est pas passée inaperçue. Il semble, selon des sources proches de cette affaire, que Magid Bouden avait saisi l’INLUCC et l’IVD, le 15 juin 2016, pour enquêter sur la corruption et établir la vérité sur l’affaire de la BFT.
Chaouki Tabib a déclaré récemment qu’il ne se saissait pas de l’affaire, car depuis la déclaration de Chahed du 25 février, le dossier est entre les mains de la justice. En réalité, il semble que Chaouki Tabib avait refusé de s’occuper de ce dossier depuis le 15 juin 2016, date à laquelle Magid Bouden avait saisi l’INLUCC.
Le 1er septembre 2016, Chaouki Tabib avait signé une lettre dans laquelle il déclare que cette affaire ne relève pas de la compétence de l’Instance, ni de la lutte contre la corruption, prétextant que les faits étaient anciens, ignorant par là même en tant que juriste, la règle du fait accompli en droit qui permettait de considérer un fait ancien du moment qu’il dure jusqu’à maintenant.
Le président de l’INLUCC renvoya le dossier à l’IVD.
Il se trouve que l’une des personnes  qui s’est occupée du dossier au sein de l’Instance, n’est  autre que Afifa Nabli Bouzaidi, ancienne chef du contentieux de l’Etat sous Slim Ben Hamidane. Cette dernière avait porté plainte en 2013 avec constitution de partie civile, visant indirectement Magid Bouden sur décision d’un conseil interministériel présidé par Ryadh Bettaieb, ministre conseiller auprès du Chef du gouvernement – Ali Larayedh –  chargé des investissements. Cette décision a été signée par Nedhir Ben Ammou, ministre de la Justice et à la demande de Slim Ben Hamidane, ministre des Domaines de l’Etat et l’approbation de Slim Besbes secrétaire d’Etat qui assurait l’intérim du ministère des Finances.
Cette plainte court toujours, soutenue par Hamidane et Mabrouk Korchid et dans laquelle à la fois Afifa Bouzaidi et  Slim Ben Hamidane sont aujourd’hui inculpés.
La lettre de Chaouki Tabib du 1er septembre 2016 est sortie de son bureau avec un cachet daté du 29 septembre  2016, soit près d’un mois après sa signature. Le cachet de la poste, quant à lui, atteste que l’INLUCC ne l’a expédié que le 21 février 2017.
Quant à l’IVD, elle a de son côté enregistré la saisine de Bouden le même jour que l’INLUCC, soit le 15 juin 2016 et la lettre de l’INLUCC en 2017.
Sihem Ben Sedrine n’a pas voulu ouvrir le dossier.
Les deux instances avaient bloqué le dossier et par conséquent, la manifestation de la vérité pendant ces longues années.
Pourtant, Imed Trabelsi a parlé de l’affaire de la BFT, au cours de son audition à l’IVD, ainsi que les dépositions des héritiers de Amor Grech, ancien directeur général de la BFT qui a purgé 13 ans et 8 mois d’emprisonnement sur une peine de 15 ans et qui est décédé juste après sa libération pour raison de santé détériorée. Seul Magid Bouden n’a pas été entendu.

Que représentait ABCI dans le secteur bancaire tunisien en 1982 ?
L’investissement d’ABCI dans la BFT en 1982 a représenté :
– 41,17% de l’ensemble des besoins en augmentation de capital des banques étatiques.
– 8,6% de l’ensemble du secteur bancaire étatique, y compris les participations privées mixtes avec l’Etat.
– 20,33% de l’ensemble des participations de l’Etat dans l’ensemble du secteur bancaire.
– 15,9% de l’ensemble du secteur bancaire tunisien.
– 6,45% de l’ensemble des capitaux de toutes les banques tunisiennes.
ABCI avait une participation de 50% au capital de la BFT et 53,6% des droits de vote et compte tenu des ponctions sur les réserves et les provisions de la BFT, sa participation était de 69,28%.
La STB avait un capital de 20 millions de dinars et ABCI un capital de 20 millions de dollars US et avec sa filiale, 30 millions de dollars US en capital.

(Dossier publié par Réalités Magazine N°1680)

 

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