Tard dans la nuit du lundi 17 juillet 2017, le CIRDI, tribunal arbitral de la Banque mondiale, a rendu son verdict dans l’affaire opposant le groupe londonien ABCI à l’Etat tunisien à propos de la propriété de la BFT.
Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDi), a décidé que l’Etat tunisien est coupable de l’expropriation de l’investissement d’ABCI en Tunisie dans la BFT et que cette expropriation a été maquillée sous la forme d’un règlement amiable, conclu sous la contrainte, à l’encontre de Majid Bouden alors président d’ABCI. De fait, l’Etat tunisien s’est rendu, à travers cette expropriation coupable de violation du droit de propriété d’ABCI sur la Banque franco-tunisienne (BFT), qu’elle a acheté en 1983 mais empêchée d’en prendre possession par l’Etat tunisien.
Il s’agit, désormais, d’un déni de justice et l’Etat tunisien est coupable, non seulement de violation des droits de propriété d’ABCI, mais, également, de violation de l’ordre public international, ce qui en soit n’est pas une mince affaire, de violation du droit international et du droit tunisien.
Il faut rappeler, et on l’a maintes fois souligné ici même, que les décisions du CIRDI sont irrévocables et ont une forte résonance auprès des milieux des investisseurs internationaux.
Par conséquent, et suite à cette décision, l’Etat tunisien doit réparer les préjudices occasionnés par cette expropriation et les violations de ses obligations internationales. La facture va être lourde voire très lourde.
ET c’est la deuxième phase de cette affaire qui s’annonce. Celle de la réparation des préjudices et c’est aux experts d’évaluer les pertes occasionnées à l’ABCI et de définir le montant des dédommagements que va devoir payer l’Etat tunisien avec les intérêts en sus.
Pour mémoire, nous avions avancé le chiffre de 1 milliard de dinars, il y a quelques temps et c’était sans compter le facteur temps. Certains médias avaient estimé cette somme à 1,6 milliards de dinars. Dieu préserve la Tunisie.
Il est légitime de se demander, alors que tous les indicateurs des finances publiques sont au rouge, où est-ce que l’Etat va trouver cet argent pour payer ces dédommagements. Ce qui est certain c’est que le trésor public n’est pas nanti pour supporter cela.
Quand on avait attiré l’attention sur la gravité d’une décision du CIRDI et son impact sur les finances publiques on nous a taxé de parti pris.
Aujourd’hui on découvre l’effet de l’entêtement dont ont fait preuve tous les responsables gouvernementaux successifs sous Bourguiba, sous Ben Ali et particulièrement sous la Troïka conduite par Ennahdha – on ne parlera pas de Slim Ben Hamidane, qui était en charge des domaines de l’Etat car cela ne mène plus à rien – ou encore sous la coalition Nidaa-Ennahdha, tous se sont fourvoyés dans les démarches dont le seul but a été finalement de protéger une poignée de corrompus, proches des familles régnantes aux dépens de l’Etat, des tunisiens et de la Tunisie même.
Qui va payer maintenant les pots cassés ? Attendons voir.
Entre temps, il faut espérer que certains révisent leur façon de voir les choses et ouvrent les yeux sur la réalité des faits.
La décision du CIRDI est en réalité dans l’intérêt de la Tunisie car elle va permettre à l’Etat de réviser ses positions pour corriger les erreurs passées et entrer de plain pied dans un monde civilisé qui respecte ses engagements et les droits de ses partenaires.
Ceux qui étaient à l’origine de cette affaire et qui, aveuglés par méconnaissances du droit ont aidé à une telle conclusion, vont comprendre que les violations ne restent jamais impunies.
L’affaire de la BFT n’était pas qu’une question d’un litige entre l’Etat tunisien et la société ABCI portant sur un investissement. Il s’agissait, au niveau intérieur, d’une grosse affaire de corruption impliquant plusieurs parties et plusieurs personnes. Certaines parties voulaient faire main basse sur cette banque.
Il était indispensable de traiter l’affaire de la BFT sous l’angle de la lutte contre la corruption pour faire sauter les verrous qui la bloquaient.
Contrairement à ce que pensaient certains qui attendaient la décision du CIRDI pour entrer en négociation avec la partie adverse,
il est quasi certain que ABCI, ayant eu gain de cause,n’a plus rien à négocier.
Les carottes sont cuites et il ne reste plus que le montant des dédommagements que l’Etat devra payer à ABCI à fixer.
Il n’y a ni « tapis » ni « mosquée » et c’est peut être la mosquée qui a précédé les tapis.
F.B