Dans un communiqué rendu public ce jeudi 13 février, le Syndicat national des journalistes tunisiens a considéré que la décision de la Cour de cassation, qui approuve le renvoi du journaliste Mohamed Boughalleb devant la chambre criminelle du tribunal de première instance, représente un nouveau revers pour la liberté de la presse en Tunisie.
Cette décision intervient dans un contexte marqué par des contradictions apparentes dans la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, avant-hier, mardi 11 février 2025, la Cour a validé la décision de la chambre d’accusation de la Cour d’appel, laquelle avait renvoyé Boughalleb devant la chambre criminelle pour être jugé, en application de l’article 24 du décret 54 relatif à la lutte contre les crimes des systèmes d’information et de communication. Ce renvoi fait suite à une plainte déposée par une professeure universitaire, qui estime avoir été insultée par post publié sur le compte personnel Facebook du journaliste.
Il convient de rappeler que Boughalleb avait déjà fait l’objet d’un mandat de dépôt émis le 5 avril 2024, dans le cadre d’une affaire relative à une intervention radiophonique sur la gestion financière du ministère des Affaires religieuses, ayant conduit à une peine de huit mois prononcée par la Cour d’appel de Tunis. Aujourd’hui, le journaliste risque une peine pouvant atteindre 10 ans de prison, alors que son état de santé se détériore.
Le Syndicat déplore vivement cette nouvelle décision, qu’il qualifie de recul dans la jurisprudence judiciaire tunisienne, en contradiction avec une décision audacieuse du 3 février dernier, lorsque la 29ᵉ chambre de la Cour de cassation avait annulé le renvoi de l’avocate et journaliste Sonia Dahmani devant la chambre criminelle, estimant que le champ d’application du décret ne devait pas concerner les médias régis par le décret 115.
Par ailleurs, le Syndicat rappelle que le décret 115 englobe l’ensemble des formes de publication prévues par son article 50 – qu’il s’agisse de discours, d’illustrations, de publications dans les lieux publics ou sur les supports écrits, audios, visuels et électroniques. Il estime que l’application de l’article 24 dans la poursuite de Boughalleb porte atteinte au principe d’égalité devant la loi et criminalise de manière excessive la liberté d’expression, en violation des normes internationales relatives aux droits fondamentaux.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens réaffirme son soutien inconditionnel à Mohamed Boughalleb et à l’ensemble des journalistes incarcérés, appelant à leur libération immédiate et dénonçant la responsabilité juridique, politique et morale des autorités dans cette affaire.