Le rapport de la CNUCED souligne le degré exceptionnel de destruction économique à Gaza, nécessitant des dizaines de milliards de dollars et des décennies pour sa reconstruction.
La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a publié hier un nouveau rapport évaluant l’impact économique et social à Gaza depuis le début de l’opération militaire le 7 octobre 2023. Ce rapport évalue la perte de PIB, les échéances de rétablissement, ainsi que les répercussions à long terme sur la pauvreté et les dépenses des ménages, mettant en lumière les défis majeurs qui attendent le processus de développement à venir.
Des répercussions financières seront profondes et durables
Dans son rapport intitulé “Preliminary assessment of the economic impact of the destruction in Gaza and prospects for economic recovery”, la CNUCED indique que l’opération militaire en cours à Gaza aura des répercussions économiques désastreuses, dont l’ampleur et la durée dépassent largement les précédentes confrontations. L’impact financier de cette guerre se fait sentir sur plusieurs fronts.
Premièrement, les dommages aux infrastructures civiles, notamment aux habitations, aux routes, aux écoles et aux hôpitaux, sont considérables. Des milliers de bâtiments ont été endommagés ou détruits, ce qui entraînera des coûts de reconstruction colossaux.
Deuxièmement, l’interruption des activités économiques normales a provoqué une paralysie presque totale des secteurs productifs à Gaza. Les entreprises ont été contraintes de suspendre leurs opérations en raison de la violence et de l’instabilité, entraînant des pertes de revenus massives pour les commerçants, les agriculteurs et les travailleurs locaux.
Troisièmement, le chômage a atteint des niveaux sans précédent. Avant le conflit, Gaza faisait déjà face à un taux de chômage élevé, mais la situation s’est considérablement aggravée avec la destruction d’entreprises et la fermeture d’usines. Des centaines de milliers de personnes se retrouvent sans emploi et dépendent désormais de l’aide humanitaire pour survivre.
Quatrièmement, les coûts liés à la santé et à l’assistance sociale ont explosé. Les hôpitaux et les centres de soins sont débordés par l’afflux de blessés et de personnes nécessitant une aide médicale d’urgence. Les ressources médicales et les fournitures sont épuisées, et les coûts pour fournir des soins adéquats aux victimes continuent d’augmenter.
Cinquièmement, l’impact sur le secteur agricole est également dévastateur. De nombreuses terres cultivables ont été détruites par les bombardements, ce qui réduit les capacités de production alimentaire de la région et entraîne une dépendance accrue à l’égard de l’aide alimentaire internationale.
Enfin, les effets psychologiques et sociaux à long terme de cette guerre auront également un coût économique important. Les traumatismes causés par la violence et la perte de proches auront un impact sur la productivité et le bien-être des habitants de Gaza pendant de nombreuses années à venir.
Dans l’ensemble, l’estimation du coût économique de cette guerre sur Gaza est encore difficile à quantifier, mais il est clair que les répercussions financières seront profondes et durables. La reconstruction et la relance économique nécessiteront un soutien massif de la part de la communauté internationale et des investissements à long terme pour restaurer la stabilité et le développement dans la région.
Chômage : Un taux de 79,3 % en décembre 2023
Parlons chiffres, les données les plus récentes montrent qu’au cours du premier semestre de 2023, le Produit Intérieur Brut (PIB) de Gaza a connu une baisse de 4,5 %. Pour estimer le PIB pour l’année entière, il a été extrapolé que la tendance observée au premier semestre se poursuivrait jusqu’au troisième trimestre. Cependant, afin de prendre en compte l’impact additionnel de l’opération militaire au quatrième trimestre, il a été supposé que cet impact serait similaire à la perte de PIB observée trimestriellement lors de l’opération militaire israélienne de 2014 (38 %), en considérant la durée et la gravité de l’opération. Il est estimé qu’en 2023, le PIB annuel de Gaza a diminué de 655 millions de dollars (en dollars constants de 2015), ce qui représente une contraction équivalente à 24 % du PIB total, avec une diminution légèrement plus marquée (26,1 %) du PIB par habitant, qui est maintenant à un peu plus d’un tiers de son pic en 2005.
À la fin du troisième trimestre de 2023, le taux de chômage à Gaza était de 45,1 %. Selon les estimations de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), cela représente une perte de 61 % des emplois par rapport aux niveaux d’avant le conflit, soit l’équivalent de 182.000 emplois perdus. En décembre 2023, le taux de chômage a atteint 79,3 %.
Les conséquences à moyen terme de l’opération militaire sur la pauvreté et les dépenses des ménages peuvent être appréhendées en se référant aux effets observés lors de l’opération de 2014. Le rapport suppose ainsi que l’opération actuelle a un impact similaire sur la pauvreté et les dépenses, à travers des mécanismes comparables. Selon les estimations de la CNUCED, durant l’opération militaire israélienne de 2014, une augmentation de 1 % de l’intensité des bombardements, mesurée par le nombre de structures endommagées par kilomètre carré, était associée à une réduction de 6,2 % des dépenses par adulte équivalent et à une augmentation de 6,3 % du taux de pauvreté.
Ces coefficients peuvent être appliqués à l’intensité actuelle des dommages par kilomètre carré, tel que relevé par l’UNOSAT pour l’opération militaire en cours. L’UNOSAT a publié trois évaluations des dommages pour les périodes du 7 au 15 octobre, du 7 octobre au 7 novembre et du 7 octobre au 26 novembre 2023. Ces données révèlent une augmentation significative de l’intensité des dommages : le 15 octobre, 10.548 bâtiments étaient endommagés, le 7 novembre, le nombre de bâtiments endommagés était passé à 25.050, et le 26 novembre, ce nombre atteignait 37.379 bâtiments, soit 18 % des structures totales de la bande de Gaza. Entre le 15 octobre et le 26 novembre 2023, le nombre de bâtiments endommagés a augmenté d’environ 355 %.
Alors que l’impact immédiat de l’opération militaire sur le bien-être des ménages est estimé entre 16,3 % et 19,3 %, l’impact à moyen terme sera plus significatif si la récupération et la reconstruction suivent le rythme observé après l’opération de 2014. La CNUCED estime que si l’opération militaire s’était achevée le 15 octobre 2023, d’ici 2026, les dépenses par adulte équivalent auraient été inférieures de 17,6 % au niveau pré-crise, de 24,5 % si l’opération s’était terminée le 7 novembre 2023, et de 37,1 % si elle s’était terminée le 26 novembre 2023. De la même manière, la CNUCED estime qu’en 2026, les taux de pauvreté auraient été respectivement supérieurs de 17,8 %, 24,8 % et 37,7 % si l’opération militaire avait pris fin aux dates mentionnées précédemment.
M.BB