Le secteur de l’agriculture est en train de prouver, si besoin est, les grandes potentialités de production et d’exportation qu’il recèle mais aussi de fortes probabilités de développement, de création d’emplois et de valorisation du monde rural.
Les points forts du secteur agricole résident dans la production d’huile d’olive, de dattes, de lait, de viandes rouges, blanches et de fruits. Il est en train de prouver qu’il est capable d’assumer le rôle de moteur de croissance, en compensation des défaillances des secteurs de l’investissement et des exportations industrielles, grâce à son rôle au niveau de la promotion des exportations et des recettes en devises conséquentes, outre l’alimentation de la population et la dynamisation des industries alimentaires.
Malheureusement, il y a de graves dysfonctionnements récurrents qui portent soit sur les prix, soit sur l’approvisionnement régulier du marché, soit encore sur l’approbation ou le refus des exportations ou bien sûr l’autorisation des importations de régulation du marché. Autant dire, une grande partie de l’activité économique du pays.
Le désaccord oppose l’administration, qui défend en principe le maillon faible, à savoir le consommateur, aux acteurs économiques qui rejettent l’exportation et exigent la revalorisation des prix à la production. Les filières touchées régulièrement sont l’aviculture, le lait et les dérivés, les viandes rouges, les intrants relatifs aux grandes cultures, les semences sélectionnées et les engrais chimiques.
La cause principale des défaillances et des dysfonctionnements relatifs aux produits agro-alimentaires renvoie à la dispersion des responsabilités entre plusieurs ministères : Agriculture, Commerce, Industrie, Finances, etc.
Il y a effectivement des groupements interprofessionnels par filière qui doivent coordonner entre producteurs, industriels et exportateurs, mais ils sont dépouillés de tout pouvoir décisionnel et exécutif au profit des politiques.
Il faudrait corriger tout cela pour éviter les erreurs que nous subissons.
Il convient de mettre en place des mécanismes régulateurs, de façon automatique ou presque, relatifs à certaines filières : consommateurs, producteurs et distributeurs qui sont lésés de façon cyclique, donc pratiquement en permanence, les marchés sont perturbés et les intérêts majeurs du pays fragilisés.
Le Trésor public est également privé de recettes fiscales légitimes.
Le rapport récent de la cour des comptes relatif à la gestion des terres domaniales est éloquent quant à une partie des défaillances et des pertes constatées à propos des sociétés de mise en valeur et de développement agricole (SMDA).
En effet, 53% des SMDA ne respectent pas leurs engagements contractuels vis-à-vis de l’Etat. Sur un montant global de loyers de 315 millions de dinars, il y a 195 MD d’impayés à fin septembre 2017. 28% des SMDA ont fait l’objet de 274 avertissements relatifs à des défaillances en ce qui concerne les programmes à réaliser en matière d’élevage et de plantations.
Entre 2012 et 2017, des avertissements ont été adressés à 107 SMDA, soit la moitié de l’ensemble exploitant 56.000 ha, sans recours à l’annulation des contrats de location.
Il y a manifestement un laxisme de la part de l’Administration pour ne pas dire autrement, ce qui porte un préjudice grave aux intérêts du Trésor public et de l’économie nationale.
L’agriculture mérite des réformes structurelles audacieuses, dont les plus importantes portent sur la restructuration et la gouvernance des terres domaniales, ainsi que la réorganisation de la gestion des périmètres publics irrigués.
L’exploitation de ces périmètres est confiée souvent à des syndicats de propriétaires-exploitants qui ne disposent ni de compétences ni de moyens matériels pour assumer de telles responsabilités. La conséquence est qu’il y a des défaillances pour le paiement des factures STEG (pompage électrique), d’où les coupures fréquentes et la perte de récoltes.
Le plan de sauvetage du secteur de l’élevage, que ce soit la production du lait ou de la viande, n’est pas encore entré en application, alors qu’on en parle depuis plus de six mois.
Il s’agit d’importer par étapes près de 10.000 génisses pleines pour reconstituer le cheptel avec une subvention portant sur 50% du prix unitaire évalué à 8000 D l’unité.
Sans pour autant avoir révisé jusqu’à présent le problème des prix de vente des produits de l’élevage à chaque étape de la filière, en raison de la rigidité des prix administrés, alors que les aliments du cheptel sont importés et représentent 80% du prix de revient à cause de l’effondrement continu de la parité du dinar.
Le même problème, celui du prix de revient du litre de lait, se pose pour l’aviculture, que ce soit pour le prix des œufs ou celui du poulet de chair. Aucune solution n’a été mise au point à ce jour.
Il est urgent de procéder à des dispositions et des solutions durables comme par exemple l’extension des superficies consacrées aux fourrages irrigués et le développement des pâturages pour réduire notre dépendance vis-à-vis des importations de soja et de maïs et de leurs répercussions néfastes sur le prix de revient des viandes et du lait.
Il convient également de pratiquer de plus en plus la vérité des prix ou de s’en rapprocher, quitte à compenser le coût de la vie en accordant la compensation directement à ceux qui la méritent.
Il y a certes un compromis, difficile à trouver, mais tout à fait possible entre la subvention à accorder aux producteurs pour encourager le processus de production et faire en sorte que les excès de production alimentent des flux exportateurs puissants sans recours aux importations et la compensation dont ne doivent bénéficier que les consommateurs les plus méritants.