La valeur des investissements agricoles déclarés aux pouvoirs publics (APIA) durant les cinq premiers mois ont atteint 137,6 millions de dinars contre 79 MD en 2016 pendant la même période, soit un bond prodigieux de 74%.
Il y a incontestablement l’effet d’annonce et l’impact positif du nouveau code de l’investissement, alors que celui-ci vient à peine d’être activé après promulgation des trois décrets d’application.
Il y a lieu d’espérer que le mouvement va aller en s’accélérant pour concrétiser les intentions et libérer les énergies avec la diffusion des nouvelles dispositions auprès des investisseurs potentiels par les responsables de l’UTAP et ceux des institutions en charge de la promotion des investissements.
Au-delà de la modestie des chiffres enregistrés, cette évolution mérite d’être soulignée et encouragée à la lumière de nos objectifs de sécurité alimentaire. Il faut dire que la flambée des prix des produits agricoles sur les marchés pourrait être à l’origine des premiers signaux avant-coureurs d’une relance de l’investissement agricole et d’un repositionnement stratégique de l’agriculture, dans notre processus de croissance économique, ou bien s’agit-il d’un feu de paille destiné à “ramasser le Jack-pot” des subventions très motivantes (50%) acordées par l’Etat en faveur des acquéreurs de tracteurs et de moissonneuses-batteuses.
Il y a lieu de constater une montée en puissance de l’agriculture en sa qualité de secteur d’activité économique générateur de valeur ajoutée, de création de la richesse sur le double plan national et à l’export de façon directe sous forme de fruits, légumes, céréales, plantes médicinales, produits bio, … mais aussi de façon indirecte en tant que matières premières transformables grâce à l’intervention enrichissante des industries agroalimentaires.
Il faut dire aussi que les retombées sociales ne sont pas moins valorisantes puisque il s’agit d’un secteur créateur intensif d’emplois, même s’ils sont saisonniers, et moins bien rémunérés que dans l’industrie ou les services.
En effet, le mérite de l’agriculture consiste à attacher les gens à la terre, de résister à l’exode rural et à la désertification des campagnes outre la participation active à la sécurité et à l’autosuffisance alimentaires.
Les exportations de légumes en primeurs et de fruits bio, notamment l’huile d’olive et les dattes Nour en raison de leurs spécificités et de leurs qualités organoleptiques sont en train de prouver que l’avenir appartient aux activités agricoles, car les préoccupations sanitaires et médicales engendrées par la nature de l’alimentation et de la nutrition des populations sont illimitées et n’ont pas de prix-plafond.
Il est inconcevable qu’un ministère de l’Agriculture hypertrophie disposant d’effectifs considérables de compétences techniques confirmées et de prérogatives illimitées en matière d’interventions pour la régulation du marché soit pris en flagrant délit de dysfonctionnement. En effet, cela est le cas lorsqu’il s’agit d’abondance de production (lait, dattes,…) génératrices de gaspillages et de pertes dramatiques pour les paysans et l’économie du pays.
Les responsables de notre agriculture doivent apprendre à gérer l’abondance, en coordination étroite avec les départements du commerce et de l’industrie.
Parmi les obstacles majeurs à la modernisation et au développement de l’agriculture, figurent en bonne place les difficultés du crédit bancaire qui revêtent un double aspect.
Le surendettement des petits exploitants doit rapidement être résolu pour focaliser les efforts sur l’investissement et la production.
Seulement 15% des agriculteurs accèdent au crédit bancaire, ce qui est aberrant : il faudrait assouplir les conditions pour que 40% au minimum de nos exploitants agricoles puissent en bénéficier.
Les catastrophes naturelles : inondations, grêle, tornades, sécheresse… provoquent des pertes considérables aux cultures et privent les paysans du fruit de leur labeur, ce qui est injuste.
Or le secteur ne bénéficie que faiblement de la couverture des assurances à cause de son coût prohibitif, c’est pourquoi, l’Etat est tenu d’activer la création et l’activation du fonds national d’indemnisation des catastrophes naturelles afin d’assurer une réparation équitable des dommages.
La modernisation de l’agriculture passe par l’intégration des ingénieurs agronomes en chômage technique dans les bureaux ou dans les cafés ainsi que l’intégration des techniciens dans le cycle de production est hautement bénéfique, à travers des circuits d’accès progressif à la propriété des lots de terrains à exploiter moyennant un accompagnement approprié pour l’obtention de crédits bancaires et d’assistance à la gestion.
Malheureusement, notre pays croule sous la lourdeur pesante de la paperasse administrative, car chaque fois que des avantages sont octroyés par une nouvelle loi, le bénéfice de cet avantage est soumis à tellement de conditions et de contraintes difficiles à remplir que le promoteur est découragé et renonce à son projet.
Exemple, selon la nouvelle loi sur l’investissement, l’autofinancement exigé est de 5% pour l’acquisition d’un lot de terre agricole et 10% pour l’aménagement du lot relatif aux jeunes promoteurs afin de réaliser un investissement en la matière (valeur 250.000 D maximum au lieu de 150.000 sur 25 ans avec 7 ans de grâce). Or il s’agit de jeunes désargentés.
Certes, les intentions du législateur sont tout à fait louables, mais la question brûlante qui s’impose en matière d’investissement est la suivante : l’Etat est-il en mesure de tenir ses engagements lorsqu’il s’agit de respecter les normes et les délais de traitement des dossiers, de déblocage des crédits et des subventions, de respect des normes de bonne gouvernance,… ?
Lorsqu’on connaît la nonchalance, la négligence, l’absentéisme et la faible productivité de nos fonctionnaires, sans évoquer d’autres tares peu recommandables mais courantes.