La Tunisie est traditionnellement un pays à vocation agricole, mais l’agriculture a été délaissée et marginalisée depuis le début des années 70 et des choix ont été faits au profit d’autres secteurs économiques comme l’industrie et le tourisme.
Cependant les déboires des activités minières et extractives, de certaines industries lourdes comme la sidérurgie, la cellulose, le sucre et les pneumatiques ainsi que la crise du tourisme devenue endémique depuis six ans ainsi que l’impératif de la sécurité alimentaire, font que l’agriculture revient au premier rang de nos préoccupations et au centre des intérêts de la nation.
Il faut dire que les activités agricoles favorisent l’attachement des hommes à la terre plutôt que de favoriser l’exode rural et la surpopulation urbaine, créent des emplois massifs et permettent une autosuffisance alimentaire des paysans.
Une agriculture prospère permet non seulement de réduire les importations coûteuses en devises de produits alimentaires mais favorise les exportations. Cependant, notre agriculture souffre de plusieurs goulots d’étranglement majeurs, obstacles qui méritent d’être éliminés par des mesures adéquates si nous voulons réellement optimiser et récolter les dividendes de nos performances agricoles.
Les circuits de commercialisation des produits agricoles sont anarchiques et spéculatifs, aux dépens des intérêts légitimes des producteurs agricoles et des consommateurs et au profit des khadharas, spéculateurs et grossistes.
Même le Trésor public (fisc) ne trouve pas son compte puisque 60% de la production des fruits, légumes et céréales échappent aux circuits officiels.
La déperdition pour vols, gaspillages, négligences et manque de fraicheur avoisine les 10% car il s’agit de produits périssables.
Les paysans qui n’ont pas su ou pu s’organiser en sociétés ou coopératives pour commercialiser correctement leurs récoltes et disposer de camions pour s’approvisionner en matières premières, subissent des préjudices certains.
L’absence de marchés de gros de fruits et légumes bien conçus, correctement aménagés et équipés dans des villes comme Siliana, Jendouba, Sidi Bou Zid, Kasserine, Gabès et Bizerte sont à l’origine de pertes énormes, car il s’agit de produits sensibles à la chaleur et aux intempéries.
Mais aussi de manque à gagner au niveau de la faible valeur ajoutée des produits commercialisés, de l’absence d’activités de transformation et de la non-création d’emplois dans des régions où le taux de chômage est élevé.
Le marché de gros à vocation nationale de Bir Kassaa semble à la veille d’une transformation qualitative de grande envergure avec des investissements significatifs, dans le sens non seulement de la modernisation, mais aussi de la montée en gamme en matière de valeur ajoutée. Est-ce que l’encombrement des lieux, la vétuste et l’exiguïté des locaux le permettent ?
Nous devons voir grand et investir de façon à servir efficacement le pays dans les 20 à 30 ans qui viennent pour mériter l’estime de nos enfants et petits enfants.
Il s’agit d’implanter des stations de conditionnement de fruits et légumes, de chambres froides et hangars frigorifiques pour la conservation des produits agricoles, d’usines de conserves et entrepôts gérés par des privés et destinés à promouvoir les exportations. Le montant de l’investissement est évalué à 24 MD.
Ces marchés de gros doivent être desservis par la voie ferrée avec des accès routiers sur le réseau d’autoroutes.
Je crois savoir cependant qu’il y a un grand projet de marché de gros ultra-moderne conçu pour servir au mieux les intérêts de notre économie agroalimentaire notamment à l’export, avec implantation déjà retenue sur 50 hectares dans la plaine Sud-Ouest à 30 km de la capitale. L’étude existe, elle se trouve au ministère du Commerce.
La promotion des cultures biologiques et la valorisation des produits du terroir, qui permettent d’obtenir une valeur ajoutée considérable pour les produits made in Tunisia à l’export, sont nettement insuffisantes, alors que le marché européen en général et français en particulier sont demandeurs.
La transformation et la valorisation industrielle de nos produits agricoles sont médiocres : nos usines de conserves sont peu nombreuses (20) et ne fonctionnent que 3 à 4 mois par an essentiellement pour le concentré de tomate, alors qu’il y a un grand choix de fruits et légumes à transformer et à valoriser.
Nous devons nouer des partenariats extérieurs pour bénéficier du savoir-faire des grandes enseignes européennes en matière de compotes, gelées, jus de fruits, confitures et fruits confis.
Mais aussi tirer profit des circuits de commercialisation à l’export des partenaires européens.
La faible capacité de conditionnement de notre production d’huile d’olive (12%), même si elle a fait des progrès sensibles depuis quelques années, constitue une perte énorme de valeur ajoutée pour ce qui est de nos exportations. En effet, l’exportation de notre huile d’olive en vrac vers l’Espagne et l’Italie notamment, à des prix modérés, ne permet pas de valoriser le label Tunisia et l’image du pays sur les marchés export.
Nous devons porter le taux de 12% à 50% au cours des quatre années qui viennent en investissant massivement dans le conditionnement, car l’enjeu au niveau des prix en devises est énorme.
Le faible taux de pénétration du crédit agricole (11%) et le faible taux d’assurés dans le secteur contre les catastrophes naturelles (sécheresse, grêle, tempête) et les risques d’incendie, de vols des récoltes et du bétail engendrent des pertes énormes aux producteurs agricoles. Or, aucune mesure n’a été prise par les autorités allant dans le sens de l’incitation d’une meilleure couverture de ces risques, ni d’ailleurs dans le but de promouvoir le développement de l’agriculture : rendements plus élevés, intensification des systèmes de culture, meilleure rentabilité des activités agricoles.
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