Ce n’est point ici le lieu de s’étendre sur l’utilité de l’Histoire, en général, et sur les avantages particuliers qu’elle nous présente. Mais il est toujours nécessaire de rappeler que l’une de ses grandes richesses est, en effet, de fournir un socle, la conviction que l’on est situé dans un ensemble où une foule d’ancêtres continuent de nous parler, pour autant qu’on veuille les écouter. C’est vrai que l’Histoire ne se répète pas, mais elle se pense en témoignant sans théoriser pour contribuer à assagir notre rapport au passé, à lui restituer toute sa capacité à renouveler ses leçons.
En ces temps de dérive radicale, de violence galopante et d’affolement, et devant le déluge de contre-vérités qui nous tombe dessus, il ne reste donc plus qu’à relire quelques épisodes marquants de l’Histoire des deux peuples iranien et israélien. «Díune lecture ‡ líautre, on ne saute jamais les mÍmes passages», rappelait Roland Barthes. C’est un exercice à la fois instructif, passionnant et, d’une certaine manière, réconfortant. C’est la conquête d’une vérité qui échappe.
On ne trouvera certainement aucun des commandements de cette guerre entre les Israéliens et les Iraniens dans des œuvres historiques écrites depuis plus de quinze siècles. Par ailleurs, on découvre que toute ressemblance de quelques événements historiques avec l’actualité n’est pas forcément un hasard, pourvu qu’on se montre lucide sur ses limites.
Il y a derrière cette guerre très périlleuse une lutte séculaire relancée comme jamais. On peut parler de guerre mentale, où l’on tire des missiles au lieu de messages.
Les Perses ont l’habitude, depuis l’aube des temps, de rendre de grands honneurs à leurs héros historiques, parce qu’ils respectent en eux le caractère de la divinité et se posent en incarnation suprême de leurs victoires.
Pour apporter un peu de clarté dans cette confusion générale, je conseille aux lecteurs intéressés de lire sans attendre le récit de Cyrus, le Conquérant le plus sage et le Prince le plus accompli dans le Royaume de Perse au sixième siècle. Ce récit se fond dans l’actualité la plus violente, mais il résonne d’échos mythologiques. On trouve beaucoup de similitudes dans les événements de l’an 558 et ceux d’aujourd’hui tant ils reflètent parfaitement la situation actuelle au Moyen-Orient.
Cyrus, dont la prudence égalait le courage, se mit à la tête de ses troupes, et marcha à la rencontre des Assyriens. Ceux-ci avaient fait venir à leurs secours tous leurs alliés et rassemblé une armée puissante financée entièrement par le très riche Roi de Lydie, le fameux Crésus.
Le premier usage que Cyrus fit de son armée, fut de défendre son peuple. Il publia, alors, un édit dans lequel il déclara que « le Seigneur, Dieu du ciel, lui a donné toute cette force pour libérer, en son honneur, la ville de Jérusalem». Composée de plusieurs soldats mercenaires, l’armée assyrienne d’«emprunt» n’avait pas pour la patrie le même attachement qu’aurait eu une armée nationale. Sa puissance, qui ne se soutenait que par des appuis extérieurs, se trouvait ébranlée jusque dans ses fondements. Victorieux, Cyrus n’a pas passé beaucoup de temps à chasser les colons assyriens de Jérusalem. Il a invité ensuite ses habitants à retourner dans leur ville en assurant de les protéger contre ceux «qui voudraient s’opposer à la volonté de Dieu du ciel».
Il va sans dire que ce récit ne détient pas toutes les réponses à nos questions. Mais cette exploration tous azimuts de ses enseignements montre qu’il est indispensable dans l’art de reformuler les questions les plus brûlantes et d’y voir plus clair. Voilà un récit qui parle de tous les temps, universellement, et demeure donc éternellement actuel.