La prison pour Hadj Smaïn !

Mohamed Smaïn alias Hadj Smaïn  est aujourd’hui en prison. Il a été reconnu coupable de «diffamation», «outrage» et «dénonciation de crimes imaginaires». Depuis de nombreuses années, l’ancien vice-président de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH) ne cesse de militer pour que vérité soit faite sur les massacres de civils perpétrés dans la région de Relizane.

 

Finalement, Mohamed Smaïn purgera sa peine de prison de deux mois. Pourtant, l’homme est affaibli. Agé de  69 ans, il avait  subi un triple pontage coronarien en 2006 et soigne depuis un an un cancer de la prostate. Figure nationale de la lutte pour la vérité sur les disparitions forcées en Algérie durant les années 1990, Hadj Smaïn, avait été condamné pour «dénonciation de crimes imaginaires», à la suite d’une plainte déposée par d’anciens miliciens, responsables d’exactions pendant la guerre civile. Et son arrestation est pour le moins troublante… Selon de nombreuses ONG, le 19 juin 2012, des éléments des brigades mobiles de la police judiciaire de la Sûreté de la wilaya de Relizane, sont venus le chercher à son domicile «sans mandat d’amener ni d’arrêt». La version des autorités est différente. Il aurait ignoré les deux convocations du parquet général de Relizane pour se soumette à une contre-expertise médicale. Or, d’après Mohamed Smaïn, lesdites convocations ne lui ont jamais été transmises.

 

Une longue affaire

Auteur d’un livre-témoignage* sur les crimes commis à Relizane, Mohamed Smaïn n’est pas inconnu en Algérie. Dans son ouvrage, comme dans les médias, le militant des Droits de l’Homme avait accusé Mohamed Ferguène, ancien maire de Relizane et surtout, ancien chef de la milice d’avoir fait disparaître par dizaines des sympathisants islamistes et de les avoir enterrés dans des charniers entre 1993 et 1997. Située au nord-ouest de l’Algérie, la wilaya de Relizane est tristement célèbre pour avoir été le théâtre de nombreux massacres de civils perpétrés par des groupes armés islamistes. En février 2001, une plainte est déposée par Mohamed Ferguène (contre Mohamed Smaïn) pour «dénonciation calomnieuse» après que l’activiste eut alerté la presse algérienne sur «l’exhumation, par les services de gendarmerie et la milice de Fergane, d’un charnier qu’il avait découvert et sur le déplacement de ce dernier vers un lieu inconnu». Reconnu coupable en 2002, il est condamné à une sentence de 2 mois de prison ferme assortie d’une amende, une peine confirmée cinq années plus tard en appel. Mais, jusqu’à ce jour, l’homme est resté en liberté. Il avait formulé une demande de surseoir à l’exécution de sa peine pour raisons de santé.

 

La colère des ONG

Aussitôt le placement en détention de Mohamed Smaïn su et connu, nombreuses ont  été les associations à réagir. Parmi les premières à s’exprimer figurent la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), le Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme (Remdh), le Collectif des familles de disparus (CFDA) et bien entendu la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (Laddh). Toutes dénoncent «l’arrestation et le placement en détention de Mohamed Smaïn qui n’a jamais cessé de se battre aux côtés des familles de victimes du conflit civil des années 1990». «Nos organisations appellent les autorités à libérer immédiatement et inconditionnellement Mohamed Smaïn et mettre fin au harcèlement judiciaire dont il est victime, qui ne vise qu’à sanctionner son rôle dans la lutte contre l’impunité en Algérie», ont-elles indiqué dans un communiqué conjoint. Le cas de Mohammed Smaïn est loin d’être un cas isolé en Algérie, et cela suscite l’inquiétude. Le 19 juin, alors que ce dernier était arrêté à son domicile à Relizane, à Alger (au tribunal de Bab El Oued), quatre autres militants également comparaissaient suite à leur participation à une manifestation droit-de-l’hommiste.

A.T

* Relizane, silence on tue ! Editions Bouchène, 2004.

 

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