Au lendemain de l’annonce, mardi 24 août, de la décision de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc, la majorité des unes de la presse à Alger revenaient sur cette « décision difficile et qui marque l’Histoire de tout le Maghreb », pour reprendre l’éditorial du quotidien L’Expression. Les médias, publics (sans surprise) et privés sont unanimes, en ce mercredi, à adhérer à la décision d’Alger. Pour le journal gouvernemental El Moudjahid, la manchette est sans équivoque : « Le faux frère démasqué » !
« Rabat fomente des crises en œuvrant à leur aggravation. Orchestre des campagnes de presse haineuses contre le peuple algérien et ses dirigeants. Colonise le Sahara occidental, bloque son droit à l’autodétermination, au mépris du droit international. Manœuvre pour introduire l’entité sioniste au sein de l’UA [Union africaine]. L’Algérie refuse les faits accomplis unilatéraux aux conséquences funestes pour les peuples maghrébins », lit-on dans le très offensif éditorial d’El Moudjahid, intitulé « Fini la fausse normalité ».
*« Frères marocains, ce n’est qu’un au revoir ! »
Le quotidien privé Liberté ne dit pas autre chose dans son éditorial : « Comportement agressif, provocateur, hostile, belliqueux, inamical… et d’autres qualificatifs peuvent être accolés à l’attitude du Maroc qui a plus qu’exaspéré l’Algérie pour opter pour cette solution extrême de la rupture des relations diplomatiques. »
Pour le billettiste du Soir d’Algérie, « le Makhzen [pouvoir marocain], qui défend la monarchie et rarement le peuple, a dépassé toutes les limites dans les attaques multiformes contre [leur] pays. La rupture des relations diplomatiques n’est donc qu’un acte de défense face à une guerre non déclarée ». Mais l’auteur nuance son propos en évoquant le peuple marocain : « Le peuple marocain est une partie de nous-mêmes se trouvant de l’autre côté d’une frontière tracée par la colonisation. Les liens qui nous unissent dépassent le simple bon voisinage […] Nous nous rencontrerons un jour quand le Maroc se sera débarrassé des traîtres et des lâches […] Frères marocains, ce n’est qu’un au revoir ! »
Réagissant, de son côté, au communiqué des Affaires étrangères marocain regrettant la décision d’Alger, le site Algérie Patriotique attaque : « Les autorités marocaines tentent de jouer sur la division. Singeant le président français, Emmanuel Macron [dans son tweet annonçant l’aide contre les incendies], le communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères, en réaction à chaud à l’annonce du chef de la diplomatie algérienne, a ignoré les institutions de l’État algérien et s’est adressé au peuple algérien frère dans une vaine tentative de faire réagir les Algériens contre cette rupture qui n’arrange pas les affaires du régime de Rabat. »
Le ministère des Affaires étrangères marocain avait réagi, quelques heures après l’annonce algérienne : « Le Maroc regrette cette décision complètement injustifiée mais attendue – au regard de la logique d’escalade constatée ces dernières semaines – ainsi que son impact sur le peuple algérien. »
*Sortir de la « fragile normalité »
« L’Algérie a fait preuve de retenue et de responsabilité en ne rompant pas ses relations diplomatiques avec le Maroc le jour même où son représentant à New York appelait officiellement à la sédition en Algérie », considère, pour sa part, l’ancien diplomate et ex-ministre Abdelaziz Rahabi. Dans sa déclaration, hier, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, avait évoqué l’acte du représentant du Maroc à l’ONU qui « s’est illustré par une dérive particulièrement dangereuse et irresponsable en invoquant un prétendu droit à l’autodétermination du vaillant peuple kabyle ».
« Face à une provocation qui atteint son paroxysme, l’Algérie a fait preuve de retenue en demandant publiquement une clarification de la part d’une autorité marocaine compétente. Le silence assourdissant de la partie marocaine à ce propos qui persiste depuis le 16 juillet dernier traduit clairement la marque d’une caution politique de la plus haute autorité marocaine », a ajouté le chef de la diplomatie algérienne.
Sur les réseaux sociaux, les commentaires vont bon train. Pour un internaute, « il n’y a pas de raisons de se réjouir d’un divorce, mais quand la liste des reproches est correctement exprimée, sans sous-entendus belliqueux, qu’on n’oublie pas l’intérêt des enfants communs, on peut aussi espérer que ça serve à éviter la guerre ».
Pour le journaliste et analyste Nadjib Belhimer : « Beaucoup ignorent que la rupture des relations avec un pays voisin est un événement important qui exprime l’échec des deux pays à solutionner le conflit ou le gérer de manière à garantir les intérêts des deux parties. » « Dans les moments d’ardeur patriotique, nous oublions que les relations stables avec notre voisinage est un intérêt stratégique », ajoute le journaliste.
« Je ne suis pas particulièrement heureux après cette décision, commente pour Le Point Afrique un éditorialiste algérois. Mais il faudrait peut-être passer par là pour aplanir les choses et imposer de rebâtir les relations sur de meilleures bases au lieu de rester dans cette fragile normalité. »
(Le Point)