Le vent des réformes n’est pas du goût de tout le monde
Avec sa réélection le 17 avril dernier, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a entamé son quatrième mandat dans un contexte régional périlleux. Conscient de la situation, Bouteflika a très rapidement annoncé la mise en chantier de trois grands projets durant toute la durée de son quinquennat : le lancement d’un plan d’investissements publics, la mise en place d’un découpage territorial et la création d’un Dialogue national afin de remanier la Constitution. C’est d’ailleurs sur ce dernier que se concentre toute l’attention, car Bouteflika sait que sa légitimité dépend de la réussite de ces réformes tant attendues.
L'ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, chef de cabinet de Bouteflika, a été chargé de lancer des consultations en recevant divers hommes politiques de tout bord afin de mettre au point cette loi fondamentale que le Président veut «consensuelle». Parmi les textes clés, un retour de la limitation à deux mandats présidentiels, levée en 2008 pour permettre à Bouteflika de briguer un troisième mandat, puis désormais un quatrième. Pour autant, cette initiative est loin de faire l’unanimité.
Refus de l’opposition à prendre part au dialogue
De nombreux partis politiques et associations doivent participer à ces consultations, mais beaucoup ont choisi de les boycotter. Ce boycott ne semble guère déranger le pouvoir qui annonce la participation d’au moins cinquante partis et de trente personnalités politiques à ces consultations. Une façon de minimiser l’ampleur du scepticisme qui entoure le projet en cours.
Le Front des forces socialistes (FFS) a estimé que «réviser la Constitution avant la construction d’un consensus national, c’est mettre la charrue avant les bœufs», avant de finalement accepter la proposition d’Ahmed Ouyahia. Dans le même sens, Ali Benflis, adversaire de Bouteflika à l’élection présidentielle du 17 avril, a refusé de prendre part au débat. «Le principe, l’opportunité et l’utilité de cette révision posent problème. (…) Est-elle appelée à mettre fin au régime personnel et autoritaire imposé au pays ?», a argué Benflis.
Parmi les partis qui ont refusé de participer, on retrouve le Mouvement de la société pour la paix (MSP, islamiste) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, laïc). Il semblerait donc que, pour une fois, islamistes et laïcs soient sur la même longueur d’onde. En ce qui concerne les personnalités politiques, quatre anciens chefs de gouvernement — Sid Ahmed Ghozali, Mouloud Hamrouche, Ali Benflis et Ahmed Benbitour —, ainsi que le Général à la retraite Khaled Nezzar et l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmed Taleb Ibrahimi, ont eux aussi décliné l’invitation.
Un gouvernement qui fait la sourde oreille
Bon nombre de partis et de personnalités demandent une refonte totale du système politique actuel qui ne peut plus perdurer en vue des nombreuses contestations qu’a traversées le pays. Une des réformes que tout le monde attend est sans nul doute celle qui concerne la nomination du Premier ministre. En effet, il est actuellement nommé par le chef de l’État et des voix s’élèvent pour demander qu’il soit issu des rangs du parti majoritaire à l’Assemblée. En outre, le retour à une limitation du cumul des mandats présidentiels qui avait été levée pour permettre à Bouteflika de briguer son troisième puis quatrième mandat est de retour sur la table des négociations afin de tempérer les ardeurs des détracteurs de Bouteflika.
En somme, si Bouteflika peine à fédérer autour de ses projets de réformes, c’est sûrement, d’après ses détracteurs, pour la simple raison que les réformes promises vont dans le sens du régime qui a besoin de se maintenir en place coûte que coûte et non dans le sens du désir de changement attendu par le peuple. Si la révision constitutionnelle aboutit, elle devra passer par une Assemblée constituante une fois l’actuel Parlement dissous. Ce qui n’est guère avantageux pour l’actuel gouvernement puisque, dans son projet de révision, de nombreux points devraient obtenir l’adhésion de la quasi totalité de la classe politique. Dans les faits, tout le monde s’accorde à dire que le gouvernement fera passer comme une lettre à la poste ses propres desideratas dans le but de calmer le jeu politique, mais jusqu’à quand ?
Inès Aloui