Alliance algéro-tuniso-libyenne : Qu’attendre du sommet de Tripoli ?

Les élections présidentielles en Algérie (septembre 2024) et en Tunisie (octobre 2024) actées, le travail peut commencer et le projet de mise en place d’une alliance maghrébine tripartite regroupant l’Algérie, la Tunisie et la Libye, redémarrer.

En instance depuis avril 2024, date de la première réunion consultative tripartite tenue à Tunis, l’initiative va être relancée prochainement dans le cadre d’un deuxième sommet en Libye. L’annonce a été faite le 16 octobre par le président algérien à la suite d’un entretien avec le président du Conseil présidentiel libyen, Younes El Menfi, en visite à Alger. Un sommet très attendu en raison de l’urgence et de l’interconnectivité des dossiers, dont celui de la migration irrégulière subsaharienne. Sur la table des consultations trilatérales, d’autres questions non moins urgentes méritent d’être sérieusement examinées par les trois présidents et définitivement résolues. La volonté politique des trois présidents ne fait aucun doute, reste la mobilisation rapide et efficace des gouvernements et des institutions des trois pays pour transformer les promesses en projets et les discours en actes.
L’initiative concernant la création d’une alliance maghrébine algéro-tuniso-libyennes aurait été (au mieux) renvoyée aux calendes grecques si Kaïs Saïed et Abdelmajid Tebboune n’avaient pas été réélus pour un second mandat présidentiel. L’idée de mettre en place un bloc maghrébin restreint à la place de l’UMA, sans le Maroc et la Mauritanie, avait tant irrité dans la région et ailleurs et provoqué un tel tollé qu’elle n’aurait eu aucune chance de survie sans la présence de ses instigateurs aux commandes de leurs pays respectifs. Pourtant, les assurances officielles ont été apportées dès le départ, indiquant que l’alliance n’a pas l’intention de remplacer l’UMA, qu’elle n’est hostile à aucun pays, que ses portes restent ouvertes aux voisins de l’Ouest et que ses objectifs sont purement d’ordre économique et sécuritaire, tout en sachant que la Mauritanie n’a aucun différend territorial ou hégémonique avec ses voisins maghrébins.
Malgré sa situation géographique stratégique et ses ressources naturelles importantes, le Maghreb souffre d’un déficit de croissance économique et d’une progression de la pauvreté qui n’ont plus besoin d’être démontrés. Le « Non-Maghreb » a fait perdre aux pays maghrébins un temps économique précieux, d’importantes opportunités de développement dans tous les domaines et l’occasion de s’inscrire dans la dynamique mondiale basée sur les regroupements économiques et/ou politiques régionaux et continentaux, à l’instar de l’Union européenne, des BRICS, du Conseil de coopération du Golfe, de la ZLECAF, de la COMESA, de la CEDEAO et d’autres. Le Maghreb arabe est la seule région qui reste éclatée et, par conséquent, la plus vulnérable. Si l’UMA n’a pas pu être ressuscitée pour les raisons que tout le monde connaît – la question du Sahara occidental -, il n’empêche que des unions trilatérales ou bilatérales, selon affinités, peuvent être envisagées dans l’intérêt urgent des peuples de la région qui ont perdu espoir et confiance en leurs dirigeants et qui ont fini par aller les chercher ailleurs, sous d’autres cieux, au péril de leurs vies.

 Des décennies de retard et des dossiers urgents
L’alliance tripartite entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye s’inscrit dans cette vision et doit être appréhendée sous le signe du pragmatisme politique, avec des décennies de retard. Il s’agit de rapprocher des États frontaliers, de canaliser les atouts naturels, humains, économiques, culturels de chacun des trois pays, de renforcer les échanges de tout genre et de faciliter les conditions de résidence et de mobilité des personnes et des biens. Ses objectifs, officiellement affichés, sont, également, d’ordre géopolitique en ce sens qu’il conviendra d’élaborer des positions communes concernant les questions régionales et internationales qui engagent la souveraineté des trois pays, telle que la question palestinienne.
Le principe d’une rencontre tripartite tous les trois mois avait été décidé par les trois dirigeants lors d’une réunion en marge du 7e Sommet du forum des pays exportateurs de gaz tenu en mars 2024 à Alger. Dans un communiqué, les trois présidents avaient souligné, à l’occasion, « la nécessité d’unifier et d’intensifier les efforts pour relever les défis économiques et sécuritaires dans l’intérêt des peuples des trois pays ».
La première réunion consultative a eu lieu le 22 avril 2024 à Tunis à l’invitation du Président Kaïs Saïed, au cours de laquelle les trois dirigeants ont décidé la formation de groupes de travail conjoints qui seront chargés de coordonner les idées, les projets et les actions dans le domaine de la sécurité des frontières communes contre les flux migratoires irréguliers et la criminalité organisée et dans l’élaboration d’une approche participative de développement, notamment des zones frontalières.
Depuis, six mois sont passés et deux élections présidentielles, respectivement en Algérie et en Tunisie. Y aura-t-il un prochain sommet ? Oui. « Le sommet tripartite Algérie-Tunisie-Libye aura lieu prochainement à Tripoli », a annoncé le président algérien, le 16 octobre courant, à la suite d’un entretien avec le président du Conseil présidentiel libyen, Younès El Menfi, en visite à Alger, qui a affirmé à son tour : « Nous voulons parachever la mise en place de ce cadre tripartite et en faire une plateforme d’actions à l’échelle du Sommet et au niveau des groupes de travail ». Ceux qui ont douté de la viabilité et de l’aboutissement de cette initiative ont, là, la réponse. Les difficultés seront, certes, nombreuses à la mesure des attentes internes de chacun des trois pays et des enjeux géopolitiques régionaux et internationaux, mais les intérêts économiques et sécuritaires des trois pays voisins sont urgents et ne souffrent plus aucun retard. La question migratoire se place au-devant de toutes les priorités tant ses conséquences ont été désastreuses. Les exemples d’Al Amra et de Jebeniana dans le gouvernorat de Sfax sont éloquents et témoignent de la souffrance des populations locales, d’une part, et de l’errance des migrants subsahariens, d’autre part, victimes des réseaux mafieux de traite des personnes. La tenue d’un prochain sommet à Tripoli est une nouvelle rassurante qui indique que les relations entre les trois pays sont au beau fixe et que la Tunisie n’a pas été abandonnée à son sort par ses voisins dans l’affaire des flux migratoires. Selon des rapports médiatiques, la crise migratoire serait en train d’être résolue, les tensions ont baissé, les flux régressent et des opérations de rapatriement volontaire sont en cours. Autres dossiers, autres priorités : la situation socioéconomique dans les zones frontalières, les grands projets communs (industriels, agricoles, énergétiques, touristiques, culturels), la facilitation du transit des voyageurs et des marchandises par les passages frontaliers des trois pays.
La viabilité de cette Alliance tripartite et son aboutissement dépendent de son impact sur les économies nationales des trois pays et sur leur sécurité respective intérieure et aux frontières. Ils dépendront aussi de leurs conséquences sur l’amélioration des conditions de vie des trois peuples et sur celle des droits économiques, sociaux et juridiques dans chacun des trois pays de l’Alliance. Il faudra des usines, des entreprises, des routes, des ponts, de l’emploi, de la création de richesses, des échanges sans obstacles, de la fluidité dans la mobilité, faire renaître l’espoir qu’il y a un avenir pour les jeunes de ces trois pays, chez eux. Et fournir de bonnes raisons aux compétences maghrébines qui ont fui par milliers leurs pays, d’y revenir.

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