12 selfies et une stratégie de réforme du secteur touristique déterrés de l’un des placards d’un bureau du ministère, tel est le bilan d’Amel Karboul à la tête du ministère du Tourisme, six mois après sa nomination.
C'était lors d’un déjeuner en présence de nombreux journalistes, que la ministre a présenté fièrement sa stratégie de réforme du tourisme tunisien baptisée « Vision 3+1 ». Rattrapée par les événements, la ministre sort du déni et finit par joindre les professionnels du domaine et donne un bilan négatif de la situation du secteur.
Aujourd’hui la ministre reconnait que le fait d’avancer le chiffre de 7 millions de touristes comme prévision pour la saison touristique, était « débile » de sa part. Ce chiffre n’était basé sur aucune donnée réelle selon la ministre et pourtant. Six mois après sa nomination, la ministre annonce que gérer les affaires courantes du secteur n’est pas prioritaire.
«Intervenir pour aider une Tour Opérateur ou un hôtelier n’est pas le rôle essentiel du ministère » a-t-elle précisé. Mme Karboul qui ne gardera que pour quelques mois seulement sa fonction à la tête du ministère du tourisme, déclare qu’elle est désormais ministre des stratégies et projets à long termes, dont l’objectif est de restructurer le secteur du tourisme.
De toute façon selon les professionnels, notamment ceux de la FTH et de la FTAV, la ministre n’a jamais été là où on l’attendait. Rappelons la « crise des ordures » à Djerba, toujours en suspens. La ministre fait la sourde oreille aux critiques des professionnels, sans fondements, selon elle.
Durant la conférence, la ministre semble avancer à contre courant des professionnels. Au sujet du projet de création d’une société de gestion des actifs des hôtels tant critiqué par les hôteliers, la ministre se dit totalement pour. « C’est inéluctable pour lutter contre le bradage des prix et pour une qualité de service meilleure », déclare la ministre.
D’autres pays ont réussi à relancer le tourisme grâce à cette mesure. La ministre semble ignorer ainsi les revendications des professionnels. Ceux-ci qualifient cette mesure à prérogatives illimitées d’anticonstitutionnelle et pourrait atteindre la souveraineté du secteur qui représente 7% du PIB, procure 400.000 emplois directs et c’est le premier pourvoyeur en devises pour l’État (3.500 milliards de dinars).
La Vision 3+1, la stratégie de trop ?
La conférence avait pour objectif de présenter la nouvelle stratégie du tourisme tunisien. Pour les mois qui lui restent à la tête du ministère du Tourisme, la ministre réfléchit à l’avenir du tourisme. Amel Karboul se trouve dans l’obligation de procéder à long terme. « Mieux aller le plutôt possible sachant que la stratégie s’étale sur sept ou dix ans. J’ai peur si on ne s’attaque pas aujourd’hui, on aurait moins de touristes d’ici quelques années ». Cette fois-ci, la stratégie pour la réforme du secteur, selon Amel Karboul, est basée sur des indicateurs réels et inédits.
En effet, selon la ministre, l’Administration n’a jamais fait de statistiques approfondies relatant les caractéristiques des touristes qui choisissent notre destination. En effet le ministère outre « une étude d’impact auprès de 4 pays émetteurs pour mesurer l’image de la Tunisie qui s’est révélée nettement négative, des enquêtes se font actuellement auprès des touristes dans nos aéroports. Chaque touriste remplira un formulaire de deux pages sur le tourisme en Tunisie.
Toujours selon la ministre, réaliser cette stratégie n’était pas facile. « Il y avait de la résistance de la part des fonctionnaires du ministère et d’hôteliers formant un lobbying contre la restructuration du secteur. Nous voulons sauver un secteur et pas des personnes » la ministre ajoute que ces hôteliers qui refusent la réforme n’ont pas alloué un dinar pour payer leurs dettes depuis des années » Par ailleurs sur le fond, « la vision 3+1 » se base sur quatre axes : la qualité, l’image de la Tunisie, la diversification des marchés et des produits et la gouvernance ». C’est la quatrième stratégie conçue pour le secteur depuis dix ans. Car chaque ministre met la stratégie de son prédécesseur au placard et conçoit la sienne. Le prochain ministre du tourisme assurera-t-il la continuité de l’État et poursuivra-t-il la réalisation de cette stratégie ?
NajehJaouadi
