Amina Fakhet propose un vrai régal musical !

 La deuxième soirée donnée par la Diva Amina Fakhet au théâtre romain de Carthage, le 24 juillet 2018, a été un vrai régal du point de vue du registre de la musique populaire. En effet, après 8 années d’absence, notre grande artiste nationale a confirmé sa forme, la vivacité de sa voix, sa capacité à changer de rythme et même à monter en puissance pour faire sortir des sons opératiques allant droit au cœur d’un public désireux « vider son sac ». La Diva n’a épargné aucune dépense corporelle et cérébrale. Avec une énergie et une montée d’adrénaline rarement vues sur la scène arabe du chant qualifié « grand public », les spectateurs ont profité de purs moments de bonheur et de joie.

Le répertoire chanté par Amina était à 80 % tunisien avec quelques chansons portées par une mélodie égyptienne telle que sa chanson Dayman. En outre, la cantatrice avait mobilisé à la veille de la fête de la république une improvisation dans laquelle elle avait exprimé son amour pour la patrie. L’occasion valait la chandelle d’autant plus qu’il y avait une forte présence de députés et de commis de l’État à ce rendez-vous musical très attendu.

Amina en Transe

Prolongement de la scène via un podium
Par rapport aux anciens spectacles de Amina Fakhet, on peut dire que celui qui été donné le 24 juillet à Carthage peut être qualifié du concert de la maturité. En effet, l’orchestration sous la direction de Mohamed Lassoued était d’une rigueur et en même temps d’une souplesse qui dégagent la maîtrise et la tenue des ficelles de cette « fête de la musique et de la culture ». Accompagnée d’une trentaine de musiciens savamment entraînés à ses airs, la diva Amina Fakhet a bien préparé son retour avec un entrainement physique lui permettant de perdre 20 kilos en 6 mois. Pour les commodités de ce rendez-vous, la scène a été prolongée par le biais d’un podium pour que l’artiste aspire l’énergie de son public et fait fructifier ainsi sa propre performance scénique. En effet, Amina est réellement une bête de scène. Elle ne calcule pas quand elle est face à son public. Elle lui donne des moments de vie d’une rare intensité avec des mélodies et une sensibilité qui communiquent directement avec ses émotions.

Publics en symbiose totale
Les différents publics qui ont assisté au spectacle ont été scotchés durant les 2 h 30 du spectacle livrées par l’artiste au point qu’ils n’ont pas vu le temps passer. La plupart ne voulaient pas partir vers la fin de la prestation, même si l’artiste à tout donné. Ils dansaient, applaudissaient, riaient, la regardaient avec admiration, éblouissement et sourire notamment quand elle déborde sur scène, c’est la félicité de la retrouvaille. À vrai dire, Amina est très sincère avec eux. Entre deux chansons, elle disait : «  je n’ai jamais chanté pour être la meilleure, je chante juste pour l’amour de mon public avec lequel je passe sur scène les meilleurs moments de ma vie ». Entre deux autres chansons, «  je ne suis pas arrivée à cet amour du public par hasard, se confie-t-elle avec un pincement au cœur, j’ai versé mon sang pour en arriver-là ».

Amina Falkhet danse avec enfant

Amina : tu l’aimes ou tu la quittes
Il importe de signaler qu’Amina Fakhet dans son rapport au public est dans la même veine artistique et performative que le chanteur syrien Georges Wassouf. En effet, elle est souvent l’objet de critique virulent comme quoi elle « a dégradé le goût musical » ou encore « qu’elle a fait dégringoler la musique noble » voire qu’elle est une chanteuse de « cabaret ». On lui adresse souvent la critique consistant à dire qu’elle n’a pas géré à bien sa carrière ou encore qu’elle se fatigue trop sur scène au point de perdre sa voix. Les spécialistes musicologues disent en outre souvent qu’elle a perdu de la teneur et de la « qualité » de sa voix, ce qui rend sa prestation de plus en plus affaiblie.
Mais, les spectateurs qui assistent à ses rares concerts voient autre chose. Ils constatent une capacité de chant et un timbre qui a plus qu’un arc à ses cordes. Il n’est pas en réalité fortuit de comparer Amina Fakhet à Najet Essaghira ou encore à Warda. Sa marque vocale est magnifique, sa voix est très forte et elle remplit les différents recoins d’un grand amphithéâtre  comme celui de Carthage.  C’est une chanteuse charismatique qui a obnubilé le fameux Marcel Khalifa assis à la première rangée de son spectacle. Aussi, notre chanteur Belgith Sayadi  s’est déplacé, malgré la maladie, pour voir le merveilleux concert de la diva. Celle-ci quand elle s’est rendue compte qu’il était là, elle a interrompu l’orchestre pour lui rendre hommage et lui déclarer son amour voire son émerveillement quant à ses « beaux yeux bleus ».
La prestation de Amina Fakhet mardi soir a été d’une grande rigueur au point qu’elle n’a pas voulu fredonner davantage sa meilleure chanson de notre point de vue à savoir Isalou Albi. Lors de cette soirée, Amina a chanté et dansé avec une jeune fille qu’elle a fait monter sur scène pour signifier son éternelle jeunesse. Aussi, dans ce concert, il y a avait une place à la nouveauté notamment Soltanit Garam. En gros, sa singularité et sa force est que même si ses chansons sont populaires, elles donnent des frissons grâce à la sincérité du rendu et de l’élan créatifs de l’artiste. Aussi, dans ces moments de crise que vit notre pays, sa performance est un fort message d’espoir, d’amour de la vie et du sens de la dépense et du sacrifice pour la reconstruction du pays. Elle, dont le talent a été forgé par le grand chef d’orchestre, le défunt Abdelhamid Ben Algia, est habitée par l’art au point qu’elle ne se contrôle pas sur scène et peut paraitre, de ce fait, comme ne donnant pas assez d’importance aux convenances sociales. L’art n’est-il pas le fait de briser les normes tellement prégnantes dans nos sociétés arabes ?

Mohamed Ali Elhaou  

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