Dans un post publié sur sa page facebook, Hosni Nemsia, expert, d’habitude très discret, est venu remettre de l’ordre dans les chiffres que « certains ministres respectables » eavancent à tort et à travers. Le post méritait le détour pour éclairer certains esprits notamment certains animateurs qui s’amusent avec tout et et avec rien et tout cela pour amuser la galerie. Voici les précisions de l’expert :
Hosni Nemsia
« Le taux d’analphabétisme de la population âgée de 10 ans et plus se situait à 22,4% en 2004 et 19,3% en 2014, selon les recensements de la population. Ce qui correspond à 1,890 millions et 1,755 millions de personnes recensées analphabètes respectivement en 2004 et 2014. Soit une baisse du nombre de personnes analphabètes d’environ 140 mille en dix ans, ce qui prolonge la tendance entamée depuis les années 60 où ce phénomène touchait 67% de la population tunisienne âgées de 10 ans et plus.
La déclaration du Ministre des Affaires Sociales relative à la hausse de l’analphabétisme depuis 2011 repose sur le chiffre publié dans l’enquête emploi et qui a situé le taux d’analphabétisme à 18,6%, une estimation que le recensement de la population de 2014 est venu corriger. La comparaison entre 2011 et 2014 ne semble pas valable. Le nombre de personnes analphabètes n’est pas en train d’augmenter. En revanche, c’est honteux pour un pays comme la Tunisie, qui se targue d’avoir consacré son premier emprunt au lendemain de l’indépendance, à l’éducation, d’afficher un nombre aussi important : 1,7 millions d’analphabètes parmi lesquels 40% sont âgés de moins de 50 ans.
Concernant la déclaration du ministre de l’Education et sa surprise de l’augmentation du nombre des nouveaux inscrits à l’école de 42 mille, il faut noter que cette situation s’explique par l’évolution de la structure de la population et que l’augmentation du nombre de naissances depuis 6 ans était prévue dans les projections démographiques de l’INS. Elle résulte essentiellement de l’augmentation du nombre de mariages qui est passé de 62 mille en 2006 à environ 110 mille annuellement entre 2012 et 2015. L’augmentation des naissances qui est passée de 173 mille en 2006 à 222 mille en 2015 n’est pas la conséquence de la baisse du taux de contraception ou du changement du comportement procréateur des femmes, contrairement à ce qui a été déclaré. Cette augmentation résulte d’une évolution de la structure ou de la pyramide des âges de la population tunisienne. Au cours des années 80, le nombre de naissances dépassait 230 mille par an, il a même atteint le pic de 235 mille en 1986 pour redescendre jusqu’à 160 mille en 1999. Les jeunes, nés dans les années 80, arrivent depuis quelques années de plus en plus nombreux sur « le marché nuptial » et se marient à un âge assez avancé. Pour conclure, on ne doit pas être surpris par l’augmentation du nombre d’enfants inscrits en première année de l’école primaire et on ne doit surtout pas prolonger cette tendance qui devra connaitre un retournement, d’ailleurs le nombre de mariages a baissé de 10 mille entre 2015 et 2016. »
Le post n’a pas laissé indifférent et suscité plusieurs commentaires dont on citera celui de Boujemaa Remil qui, tout en remerciant l’auteur pour ces précisions souligne qu’il « reste toutefois inquiétant que des ministres balancent des « à-peu-près » statistiques à forte résonance sociopolitique sans revenir à leurs experts ou à ceux de l’INS pour mieux cadrer leurs sorties« , et d’ajouter qu’il avait écouté sur une station radio, « un grand dirigeant » déclarer que « la Tunisie enregistre pour la première fois depuis l’indépendance l’augmentation de l’ignorance! « Et on continue à appeler cet immense cirque débat national!« , conclut-il.
Second commentaire, celui de Lamia Boujenah Zribi, ancienne ministre des Finances qui salue ces précisions en soulignant « qu’encore une fois les divergences entre les estimations de l’enquête emploi et les résultats du recensement qui faussent les analyses »…
Nous terminerons avec ce commentaire de Ali Ben Brahim, directeur de recherche qui pense que « le taux d’analphabétisme devrait être analysé et comparer son évolution selon les structures de la population par âge et par sexe. En Tunisie ce taux demeure relativement élevé notamment pour les personnes de 50 ans et plus » .
Morale de l’histoire, certains ministres devraient réviser leurs cours avant de déclarer quoi que ce soit ou s’aventurer dans les dédales des chiffres au risque que cela leur revienne sur la gueule.