Il vient de publier un ouvrage de référence en la matière ayant pour titre “Analyse économique et pilotage des régimes de retraite”. Selon M. Khaled Sdiri, comprendre notre système de sécurité sociale ne se réalise qu’à travers une documentation scientifique riche et diversifiée portant sur les mécanismes de sécurité sociale.
Le plus intéressant et le plus important dans cet ouvrage, c’est la proposition d’un modèle de réforme de la sécurité sociale validé par la Banque mondiale. Cet ouvrage comporte huit chapitres.
Une analyse du circuit économique
En premier lieu, une définition succincte a été présentée en vue de définir les différents agents économiques et de mettre en exergue la nature de la relation qui les lie avec le système de la sécurité sociale. En second lieu une présentation des agrégats économiques qui ont une relation directe ou indirecte avec la sécurité sociale.
A cet égard, il est important de souligner, que dans la plupart des pays, le financement du système de la sécurité sociale est assuré uniquement par le facteur travail, à travers une cotisation prélevée sur la masse salariale, malgré que, la réalisation de la production dépende de deux facteurs essentiels à savoir le facteur travail et le facteur capital.
Tout au long de cette partie l’analyse a porté notamment sur la nature des relations qui existent entre les indicateurs économiques et la sécurité sociale, à titre d’exemple, on remarquera que toute augmentation du taux de cotisation agit négativement sur le revenu disponible des assurés sociaux et donc sur leur pouvoir d’achat.
L’impact du marché du travail sur le système de la sécurité sociale
Ce chapitre commence par une présentation succincte des différents types de systèmes de sécurité sociale mis en place en Europe au cours du XXe siècle, essentiellement le système bismarckien et le système beveridgien avec une définition du marché de travail comme étant la principale source de financement du système de la sécurité sociale. L’auteur insiste par ailleurs sur les deux éléments servant de base pour financer le dit système à savoir le nombre de travailleurs et les salaires définis au sein de ce marché.
On apprend en outre que ce marché est régi entre autres, selon deux approches, l’une est inspirée de l’école néoclassique et qui stipule que la sécurité sociale constitue un frein à la croissance économique, l’autre keynésienne, défend la thèse selon laquelle la sécurité sociale constitue un facteur permettant d’instaurer la justice sociale et de développer la demande des biens qui est considérée par Keynes comme un moteur de développement économique. La relation entre le marché du travail et la sécurité sociale, est déterminée par les régimes en cours dans le seul secteur formel, les travailleurs de l’informel n’étant pas couverts. C‘est pourquoi on trouve dans l’ouvrage une définition de plusieurs concepts qui caractérisent ce secteur tel que, la flexibilité du travail, le coût du travail, les cotisations sociales etc.
Enfin, une bonne partie de ce chapitre, a été consacrée à la description du marché de capitaux qui constitue une source de financement importante surtout pour les régimes par capitalisation qui fournissent aux assurés sociaux une pension calculée en fonction des cotisations versées durant la carrière professionnelle et du revenu généré par le placement de ces dernières sur le marché financier.
Le financement de la sécurité sociale
Cette partie de l’ouvrage comporte une analyse détaillée des techniques de financement et des risques engendrés par l’application de ces techniques, qui se présentent soit sous la forme de la répartition soit sous la forme de la capitalisation.
Le mode de financement du système de couverture sociale dépend des risques couverts, ainsi un financement par l’impôt est appliqué lorsqu’on on opte pour l’instauration d’un socle de protection sociale ou un système de sécurité sociale universel, par contre un financement par les cotisations est appliqué lorsqu’on veut instaurer un système couvrant uniquement les travailleurs et leurs ayants droit.
Les régimes de retraite
Cette partie de l’ouvrage est consacrée à une analyse des différents régimes de retraite à savoir les régimes de retraite par répartition à prestations définies en annuités, les régimes par répartition à cotisations définies tels que le régime par point et le régime par compte notionnel et les régimes par capitalisation. On y découvre également les mécanismes et techniques permettant leur éventuel pilotage, dont le cadre juridique y afférent.
Dans ce chapitre, on trouve également une comparaison entre les pensions fournies par les différents régimes, pour connaitre le régime le plus généreux et le plus avantageux pour l’assuré social. De même, on y trouve des analyses des mécanismes des différents régimes de retraite afin de comprendre les éventuels scénarii présentés dans le cadre des réformes engagées, de connaître les caractéristiques de l’ensemble des régimes de retraite gérés par les deux caisses de sécurité sociale et de maîtriser les techniques présentées et servant de base pour calculer les différentes pensions et les différents indicateurs. Le tout est illustré par une série d’exemples chiffrés.
A noter que les différentes formules mathématiques contenues dans ce chapitre sont inspirées de la réalité de la sécurité sociale et sont conçues en vue de faciliter la maîtrise du pilotage des régimes de retraite énumérés ci-dessus.
L’équilibre des régimes de retraite
Ce chapitre comporte une analyse du problème de l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale qui se pose en termes d’équilibre entre les ressources et les dépenses des dits régimes. L’analyse de cet équilibre a porté aussi bien sur les régimes de retraite à prestations définies en annuités que sur les régimes par répartition à cotisation définie.
Le régime du capital décès
Dans cette partie de l’ouvrage, on apprend que par opposition aux régimes de retraite, les régimes du capital décès sont excédentaires et leur financement est assuré par une cotisation payée par les assurés sociaux. Dans ce chapitre, on trouve une description des spécificités des régimes du capital décès géré par les deux caisses des deux secteurs, public et privé accompagnée d’une explication chiffrée, de la formule principale utilisée pour calculer le montant du capital décès octroyé aux ayants droit des actifs et retraités décédés.
La fructification des réserves
Dans cette partie de l’ouvrage, on découvre que les techniques de financement permettent d’une part, de constituer des réserves formées par l’accumulation des excédents réalisés dans le cadre des régimes par répartition lesquels seront placés en général sur le marché monétaire et d’autre part, de placer les cotisations versées aux organismes de sécurité sociale, dans le cadre des régimes par capitalisation sur le marché financier, sachant que la pension calculée dans le cadre de ce régime dépend de la cotisation versée tout au long de la carrière professionnelle et du revenu généré par le placement de ces dernières par le biais des fonds de pension.
La table de mortalité et étude actuarielle
Dans cette huitième et dernière partie de l’ouvrage, l’auteur préconise des pistes de sortie aux déficits des caisses de sécurité sociale en développant un modèle qui porte son nom en l’occurrence ‘’le modèle SDIRI’’ un modèle validé par la Banque mondiale. C’est un modèle qui a le mérite d’être souple, facile d’utilisation et dont le principal intérêt est de permettre une actualisation automatique du système suite à tout changement au niveau des indicateurs.
L’ouvrage se termine par une série de recommandations réparties sur le court et le long termes, dont :
* L’élargissement de l’assiette de cotisation par l’introduction d’autres facteurs tel que le prélèvement d’une cotisation sur la valeur ajoutée.
* L’affectation d’une fraction des recettes des banques provenant des transactions financières au financement de la sécurité sociale.
* L’affectation d’une fraction des recettes provenant de la vente des biens confisqués…
* Et la création d’un fonds, pour assurer avec une dose de capitalisation la pérennité du système de retraite par répartition. C’est un fonds d’investissement, financé par les recettes additionnelles provenant de la réforme du système de l’impôt. Ceci pour dire en conclusion, que l’application d’une seule mesure comme par exemple l’augmentation uniquement de l’âge de départ à la retraite, ne pourra pas résoudre les déficits des caisses de sécurité sociale. Toute réforme de la sécurité sociale en Tunisie impose une approche globale et surtout consensuelle en ouvrant un débat national sur la question.
R.L.