Annulation de la grève ouverte des enseignants du secondaire: Les dessous du bras de fer UGTT/gouvernement

 

Par Ridha Lahmar

 

 

97.000 enseignants du secondaire ont choisi de déclencher une grève ouverte lundi 8 décembre empêchant 900.000 élèves de passer les examens du premier trimestre prévus dans le cadre de la semaine bloquée. Heureusement que cette grève a été suspendue, en attendant les négociations de la fin du mois. S’agit-il d’un premier round d’un bras de fer gouvernement-UGTT relatif à la revalorisation des rémunérations dans la fonction publique, ou bien d’un épisode dans le feuilleton des relations conflictuelles entre le ministère de l’Éducation et le syndicat général des enseignants du secondaire ?

 

 

 
Le droit de grève est reconnu par la Constitution et les salariés de tous les secteurs d’activité ont le droit de faire grève pour défendre leurs droits légitimes.

Cependant si les grèves légales donnent droit au salaire, celles illégales sont soumises à un prélèvement selon le ministère de tutelle. La base juridique de la décision du 4 décembre, de prélever la rémunération des deux jours de grève des 26 et 27 novembre est double. L’article 6 du Code du travail et l’article 13 du statut de la fonction publique stipulent que le droit à la rémunération se fait sur la base du travail accompli, ce qui suppose que le travail non accompli permet le prélèvement sur salaire.

Etant entendu que la grève légale est celle qui a fait l’objet d’un préavis de 15 jours et qui est fondée sur des revendications légitimes après avoir épuisé tous les recours à des négociations et tentatives à  l’amiable de trouver des solutions de compromis.

 

Suspension de la grève ouverte

La réussite de la grève ouverte déclenchée le lundi 8 décembre par le syndicat général de l’enseignement, qui compromet non seulement le déroulement des examens du 1er trimestre de l’année scolaire 2014-2015 mais risque d’engendrer une crise grave dans l’ensemble du secteur éducatif et de s’étendre à l’enseignement primaire. Cela mettrait en cause la fin de la mandature du gouvernement provisoire et donc risque d’entacher le bilan d’une année de travail à un moment historique décisif de la transition démocratique celui des élections législatives et présidentielle.

C’est pourquoi plusieurs ministres et membres du Bureau exécutif de l’UGTT ont négocié durant six heures, le 8 décembre, pour décider finalement de la suspension de la grève avec reprise des cours le 9 décembre, le non-prélèvement sur salaire des deux jours de grève des 26 et 27 novembre pour le moment en attendant que la commission dite 7+7 de négociations entre gouvernement et UGTT statue sur la question le 26 décembre. Chaque établissement scolaire doit faire son agenda pour le rattrapage et le remplacement des examens qui ont été occultés.

 

Pourquoi la grève ouverte a été déclenchée le 8 décembre ?

La grève ouverte déclenchée le 8 décembre a pour cause la décision prise le 4 décembre par le ministère de l’Éducation de prélever sur les salaires des enseignants, les deux jours de grève illégales du 26 et 27 novembre.

Même si ce prélèvement n’interviendrait que sur le salaire de fin janvier 2015, il a déclenché l’indignation du syndicat qui reproche au ministère son laxisme pour payer les heures supplémentaires et les primes dues aux enseignants et au contraire son empressement pour les retenues sur salaire.

 

Les bras de fer tournerait au règlement de comptes ?

Il y a lieu de reconnaître que le choix délibéré fait par le syndicat des enseignants du secondaire de faire grève d’une façon illimitée justement lors d’une semaine réservée aux examens qui doivent couronner tout un trimestre de cours, jalonné par trois fois deux jours de congés supplémentaires (pour motifs d’élections législatives et présidentielle) débouchant en final sur les vacances d’hiver, relève non seulement de la provocation mais aussi de l’escalade maximale.

 

Èlèves et parents pris en otages

Les grèves des enseignants sont devenus monnaie courante dans l’enseignement depuis le 14 janvier 2011, ce qui porte préjudicie à tous les partenaires. Conscients de leur « capacité de nuisance », les enseignants usent, ce qui est leur droit et parfois abusent de ce moyen de pression sur la tutelle et les parents.

En effet, chaque fois que les enseignants sont en grève, les parents sont furieux et dans l’embarras pour la garde des enfants et les élèves livrés à eux-mêmes, outre le nombre d’heures de cours, de semaines de cours perdus faudrait-il dire ?

Il faut reconnaître que l’année scolaire se rétrécit comme une peau de chagrin si on lui retire les grandes vacances, celles d’hiver et d’été et les jours fériés ? À cela il faudrait ajouter les grèves et absences de professeurs. Il s’agit là pour les syndicats d’un moyen de pression sur les autorités de tutelle et les parents d’élèves pour satisfaire les revendications légitimes et celles qui le sont moins.

 

Des revendications perpétuelles et illimitées

Les syndicats des enseignants n’ont pas cessé depuis plusieurs années de présenter des revendications, tantôt raisonnables et justifiées, tantôt irrecevables et obtenir de plus en plus de droits et d’avantages moraux et matériels suite à des négociations pénibles et des mouvements de grève. Le “hic”, c’est que les enseignants cumulent les avantages et droits communs à la fonction publique et spécifiques au secteur de l’éducation, cela pourrait faire beaucoup au final à supporter par la communauté nationale.

Vous-rendez-vous compte ? Revalorisation des salaires de base et des indemnités de pénibilité de  l’emploi et prime de rentrée scolaire ? Abaissement de l’âge de la retraite à 55 ans « alors que le choix obligé » et réduction du nombre d’heures de cours hebdomadaires ?

Il faudrait raison garder, notamment arrêter de rançonner les parents d’élèves en imposant des leçons particulières coûteuses et conditionnelles.

 

La sphère éducative : une crise aiguë et multiforme

Il faut dire que le secteur de l’éducation connaît des difficultés multiples dans notre pays dont la baisse ininterrompue du niveau de l’enseignement (voir classement PISA), la flambée des abandons scolaires, soit plus de 120.000 élèves qui quittent le système éducatif prématurément chaque année, la monté de la violence et de l’insécurité dans les établissements scolaires sans compter avec la progression de la consommation de drogue ainsi que la dégradation des infrastructures scolaires (écoles sans eau courante, vétusté). Il me faudrait ajouter des enseignants en manque de formation avec un appétit matériel insatiable.

Les prémices d’un face à facegouvernement/UGTT ?

Les observateurs avertis constatent que le ton monte dans les déclarations publiques faites par certains responsables de la Centrale syndicale à propos des revendications salariales dans le secteur public et par voie de conséquence de l’urgence des augmentations de salaire, malgré la situation économique difficile et l’impasse dans laquelle se trouvent les finances publiques.

Il n’hésitent pas a menacer de faire grève dans certains secteurs vitaux comme le transport public en commun.

Ils considèrent que le refus d’obtenir gain de cause par un gouvernement sur le point de départ est un obstacle à l’exercice du droit syndical.

Il semble que le secteur de l’éducation constitue un test et un essai destiné à l’UGTT de savoir à quel point elle pourrait aller dans sa tentative d’aboutir à ses fins dans la mobilisation de ses adhérents. Il ne faut pas perdre de vue que la fonction publique (500.000 fonctionnaires) 700.000 avec les collectivités publiques et les entreprises nationales constitue un bastion que l’UGTT ne peut pas se permettre de perdre.

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