Le récent décaissement du Fonds monétaire international de la troisième tranche de 257.3 millions de dollars après l’achèvement de la deuxième revue de l’accord en faveur de la Tunisie au titre du mécanisme élargi de crédit, a été favorablement accueilli par les autorités tunisiennes. Il s’agit en effet d’une ressource de financement additionnelle qui va permettre de desserrer la contrainte extérieure et budgétaire mais surtout une expression de « satisfaction » de l’institution de Bretton Woods et par-là de confiance des bailleurs de fonds en la capacité de développement de l’économie nationale.
En revanche, l’attitude « flexible » du Conseil d’administration du FMI à propos du dossier Tunisie d’un côté, et la teneur de ses recommandations sur la nécessité de renforcer l’exécution des politiques économiques de l’autre côté, laissent croire qu’il y a une nouvelle orientation vers un durcissement de la conditionnalité de l’institution de Breton Woods pour la conclusion des prochaines revues.
Des « waivers » du FMI
Outre son approbation de la troisième tranche relative au programme économique et financier avec la Tunisie, le FMI a également approuvé un ensemble de dérogations, de dispenses ou de renonciations connues en anglais par «waivers». Ces dérogations consistent à reporter un certain nombre de critères devant normalement être remplis pour assurer la mobilisation des fonds, ce qui dénote d’un tempérament d’indulgence à l’égard de la Tunisie.
Les renonciations demandées par la Tunisie pour non-observation des critères de réalisation à fin décembre de l’année écoulée et approuvées, portent sur le relèvement des « réserves internationales nettes, les avoirs intérieurs nets, le déficit budgétaire primaire et les dépenses primaires courantes ». Le conseil d’administration a approuvé aussi le maintien d’une restriction de change qui interdit les crédits commerciaux pour certaines importations non essentielles jusqu’au 31 décembre 2018, selon le communiqué de presse du FMI en date du 27 mars 2018.
L’effort de l’institution de Bretton Woods paraît conséquent. S’agit-il d’une réelle compréhension par le FMI des contraintes macroéconomiques de la Tunisie ? Ou s’agit-il de la bonne intention du FMI de réussir une fois de plus l’expérience avec la Tunisie ? Ou s’agit-il encore d’une « autre manière » de négocier les engagements futurs de la Tunisie pour achever son programme de stabilisation et de réforme ?
Des recommandations qui présagent un « vent violent »
Le FMI a loué les avancements de la Tunisie sur le front de la réduction du déficit budgétaire prévu en 2018, du resserrement de la politique monétaire, du renouvellement des engagements en faveur de la flexibilité de change, de la mise en œuvre de réformes pour améliorer la gouvernance, le climat des affaires, la modernisation de la fonction publique et le système des retraites, ainsi que la restructuration des banques publiques.
Par contre, en analysant la persistance des vulnérabilités macroéconomiques du pays et la hausse du niveau de chômage, le FMI prône l’impératif de mettre en œuvre de manière décisive les mesures figurant dans le programme pour maintenir la stabilité macroéconomique.
A cet égard, selon le FMI, «il est prioritaire pour 2018 de renforcer le recouvrement des impôts, de mettre en œuvre les départs volontaires de fonctionnaires, de ne pas accorder de nouvelles augmentations salariales sauf si la croissance s’avère supérieure aux prévisions et de relever les prix des carburants chaque trimestre ». Il est également prioritaire que « dans la continuité de la dépréciation du taux de change réel en 2017, la flexibilité du taux de change demeurera essentielle afin de corriger la surévaluation restante du taux de change réel, de réduire le déficit des transactions courantes et de reconstituer les réserves de change », et que « de nouvelles hausses seront nécessaires pour ramener les taux d’intérêt réels en territoire positif à moins que l’inflation ne recule rapidement ».
Une politique monétaire plus restrictive et un taux de change de dinar plus flexible, c’est ce que demande solennellement le FMI aux autorités tunisiennes. Et c’est là que le bât blesse.
Est-ce que le contexte économique s’apprête à de telles actions ? Où est passé l’objectif de la nécessité de renforcer la croissance pour réduire le chômage ? Dans quelle mesure le contexte socio-politique est réellement pris en compte pour formuler ce genre de politiques de stabilisation ? Ce sont des questions qui méritent réponse.
Certes, la thérapeutique du FMI est un mal nécessaire. Contexte oblige, la quête de financement pour le budget de l’Etat et la balance des paiements sont des points névralgiques. Certes aussi, du concours du FMI dépend l’appui des autres bailleurs, mais la question qui fait toujours débat est celle du dosage macroéconomique associant retour à l’équilibre et reprise de la croissance.
Les effets préjudiciables certains en termes de reprise économique du resserrement monétaire d’une part et en termes de détérioration de l’équilibre externe et d’inflation de la flexibilisation du taux de change de dinar de l’autre, méritent considération, attention particulière et minutie.
Dans ces conditions, il faut savoir négocier pour rationaliser au mieux la conditionnalité. Il faut de même que les recommandations du programme du FMI soient mieux adaptées aux capacités techniques et aux réalités politiques et sociales du pays. Certains experts ont vivement conseillé de ne pas « céder » à la pression de l’institution de Breton Woods sur un nombre de questions notamment d’ordre monétaire.
Mais en même temps, il est question de reconnaître que le plus important est de veiller à remettre de l’ordre dans la maison avant d’accuser les autres et jeter la responsabilité sur le dos de l’extérieur!
Alaya Becheikh