Notre patrimoine artisanal est particulièrement riche et varié, il exprime une partie des facettes de notre civilisation arabo-musulmane et recèle le cumul du savoir-faire de plusieurs générations d’artisans. Il connaît depuis quelques années des tentatives d’innovations réussies pour l’adapter au goût du jour et des besoins de la société moderne, sans qu’il ait pris pour autant des rides, malgré le temps qui passe et l’invasion des produits industriels.
Cependant, il est soumis à des menaces réelles et à des risques graves qui handicapent son développement, sinon la survivance même de certaines spécialités artisanales, alors qu’il devrait procurer des emplois par milliers aux jeunes, des revenus confortables aux artisans, des recettes massives en devises pour la balance des paiements, tout en véhiculant une image brillante pour une destination de vacances convoitée, tellement il est lié à notre produit touristique.
Il faut dire que plusieurs spécialités artisanales connaissent de grandes difficultés pour diverses raisons : il s’agit de l’artisanat du tapis, de l’orfèvrerie, du cuivre ciselé et de la chéchia.
Ces difficultés, essentiellement financières et commerciales ne sont pas étrangères aux défaillances du secteur touristique et de la recrudescence du commerce parallèle de produits en contrefaçon importés à bas pris d’Asie du Sud-Est. En somme, une concurrence déloyale par des produits de pacotille.
En effet, dans certaines zones touristiques comme Tozeur, Yasmine Hammamet, Kairouan, Gafsa, Djerba, et Tabarka, les artisans et les commerçants en produits artisanaux sont en détresse depuis quatre ans suite à la désaffection de la clientèle touristique. Ils méritent le soutien des pouvoirs publics sous diverses formes pour éviter la disparition de certaines spécialités impossibles à ressusciter plus tard, comme la chéchia, le cuivre ciselé ou la broderie de Nabeul.
Il y a d’abord un grand problème de main-d’œuvre, à la fois, la rareté des artisans qualifiés et la sous-qualification des artisans eux-mêmes. D’une part, les jeunes n’ont pas d’attirance ni d’engouement pour l’apprentissage artisanal et d’autre part, il n’y a presque pas de structures de formation professionnelle dans certaines spécialités artisanales. Tant et si bien que, lorsqu’on reçoit des commandes massives en provenance de certains pays étrangers, les entreprises artisanales ne sont pas en mesure de les honorer dans les délais encore moins en garantir la qualité faute de main-d’œuvre qualifiée suffisante. D’où la perte de certaines opportunités intéressantes à l’exportation.
Il y a ensuite un grand déficit en matière de structures de commercialisation des produits de l’artisanat depuis la disparition de la SOCOPA, société étatique qui gérait des points de vente et commercialisait la production des artisans. La plupart des artisans ne trouvent plus de débouchés à leurs produits, n’ayant pas de magasins et n’ayant pas la vocation, ni les moyens de commercialiser leurs produits par eux-mêmes.
Certes, il y a de riches commerçants connus à Djerba, Kairouan, Hammamet et ailleurs qui gèrent des ateliers de fabrication de tapis, exploitant des dizaines d’artisanes payées au rabais sans couverture sociale, impunément. Les ventes se font dans les boutiques des hôtels, une exploitation bien organisée.
Il y a également un problème de pénurie pour ce qui est de la disponibilité et de la qualité des matières premières qui sont à l’origine même du processus artisanal. Il y a surtout le prix élevé de ces matières premières qui pose un problème de fonds propres et de financement, mais aussi de coût final du produit confronté au pouvoir d’achat en chute libre du consommateur tunisien.
Il faut dire que l’Office de l’artisanat qui assure la tutelle du secteur déploie de gros efforts pour promouvoir la qualité du produit et l’innovation dans le secteur, en organisant le salon annuel de l’innovation et la pormotion de l’exportation des produits artisanaux.
C’est ainsi que l’Office participe à 9 salons internationaux où il expose les produits fabriqués par plusieurs artisans qui participent à ces salons et portent haut le pavillon de notre pays, ce qui favorise l’exportation.
Il organise un salon de l’innovation avec distribution de prix et défilé de mode. Mais cela ne suffit pas. Sur 350.000 artisans 150,000 seulement sont porteurs de la carte professionnelle.
Il faudrait une stratégie globale et intégrée pour le développement du secteur en l’associant étroitement à celui du tourisme, son frère aîné, sinon jumeau. Créer une structure nationale pour l’approvisionnement du secteur en matières premières qui doivent être exonérées de tous droits et taxes et chargée de commercialiser les produits finis.
Mettre en place des centres de formation professionnelle dans les spécialités les plus demandées : bijouterie, verre soufflé, sculpture sur bois et sur plâtre, mosaïque, stylisme-modélisme traditionnels, broderie,… Les artisans doivent pouvoir accéder à un financement adapté à leur activités avec des taux convenables. C’est un secteur où on peut créer des emplois en masse sans investissements lourds grâce à l’exportation qui a progressé de 14% en 2014.