En marge de la Journée Mondiale de la Santé, les dernières données d’Afrobarometer et de la Banque mondiale révèlent une Afrique à deux vitesses en matière d’assurance maladie. Alors que cinq nations dépassent les 50% de couverture, la majorité du continent reste à la traîne, avec seulement 23% des citoyens protégés dans 28 pays étudiés. Un fossé qui souligne l’urgence de réformes structurelles.
Un continent sous tension sanitaire
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 75% des Africains redoutent de ne pouvoir accéder ou payer des soins. Au Lesotho, Malawi et Ouganda, moins de 5% de la population bénéficie d’une assurance maladie. Pourtant, 70% des citoyens soutiennent une hausse des impôts pour financer un système de santé universel, selon Afrobarometer.
La Banque mondiale note des progrès globaux : 4,7 milliards de personnes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont désormais couvertes. Mais 1,6 milliard restent en marge, dont une large part en Afrique subsaharienne.
Le top 5 des modèles inspirants
Le classement des cinq pays africains les plus performants en matière de couverture maladie révèle des approches diversifiées mais efficaces. En tête, le Gabon affiche un taux exceptionnel de 83%, résultat d’une politique sociale ambitieuse financée par ses revenus pétroliers. Vient ensuite le Ghana avec 72% de couverture, grâce à son NHIS lancé en 2003, qui combine intelligemment contributions individuelles, subventions publiques et exemptions pour les plus vulnérables. Tout juste derrière, le Maroc se positionne à 71% grâce à l’élargissement progressif de son AMO aux travailleurs informels, avec l’objectif affiché d’atteindre la couverture universelle d’ici 2025. Quant à la Tunisie, elle maintient un taux de 70% malgré un contexte économique difficile, s’appuyant sur un système de santé historiquement solide. Enfin, le Cap-Vert complète ce top 5 avec 63% de couverture, combinant stabilité politique et ciblage efficace des populations rurales et du secteur touristique. Si ces performances résultent de réformes structurelles audacieuses incluant assurances obligatoires, extension aux populations vulnérables et partenariats internationaux, il convient de noter que des vulnérabilités persistent, comme en témoigne le récent piratage de la CNSS marocaine, rappelant la nécessité de renforcer les systèmes de protection des données.
Les laissés-pour-compte du système
Alors que certains pays africains parviennent à assurer une couverture maladie satisfaisante, d’autres se heurtent à des obstacles structurels majeurs. Ainsi, le Kenya, avec un taux de 39%, voit son NHIF (National Hospital Insurance Fund) limité par le poids de l’économie informelle, qui concerne 80% des travailleurs. De même, la Côte d’Ivoire, à 31%, peine à unifier son système fragmenté entre mutuelles communautaires et régimes sectoriels, laissant de côté les populations les plus démunies. Paradoxalement, Maurice, malgré un PIB élevé, n’atteint que 25% de couverture, son système hybride public-privé excluant notamment les jeunes et les travailleurs précaires. Enfin, la Tanzanie (16%) et la Zambie (15%) illustrent les difficultés spécifiques de l’Afrique rurale, où les infrastructures sanitaires insuffisantes et les régimes fragmentés ne parviennent pas à répondre aux besoins des populations. Ces exemples montrent que malgré des efforts certains, les systèmes de santé africains restent confrontés à des défis majeurs liés à l’informalité économique, aux disparités régionales et aux difficultés d’inclusion des populations vulnérables.
L’urgence d’agir
Face au constat alarmant que 77% des Africains restent sans couverture maladie adéquate, plusieurs axes d’intervention s’imposent aux gouvernements. Premièrement, le renforcement des registres sociaux numériques apparaît comme une nécessité pour mieux cibler et atteindre les populations vulnérables. Dans le même temps, le développement de partenariats public-communautaire permettrait de concevoir des solutions adaptées aux spécificités locales. Enfin, une priorisation des financements vers les zones rurales, souvent les plus délaissées, s’avère cruciale pour réduire les disparités d’accès aux soins.
Si l’exemple des pays leaders comme le Gabon, le Ghana et le Maroc démontre que des solutions efficaces existent, il convient cependant de les adapter méticuleusement aux contextes nationaux pour garantir leur succès. Ainsi repensée, la politique de santé pourrait se transformer en véritable moteur de développement économique, tout en renforçant la résilience des populations face aux chocs sanitaires et climatiques à venir. Il s’agit donc d’un investissement d’avenir dont les retombées dépasseraient largement le seul secteur médical.
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