L’Agence de promotion de l’investissement étranger (FIPA) vient de célébrer son 30e anniversaire. L’évènement a fait état des réalisations en matière d’attractivité pays au fil du temps. Trois décennies au service de l’investissement, l’Agence se vante de sa réussite.
Par Bechir Ben Mohamed
Certes, beaucoup de choses ont été faites pour rendre la Tunisie une destination attractive pour les investissements directs étrangers (IDE), mais la dynamique se doit de se perfectionner si l’on songe au fait que les flux actuels sont encore en deçà des niveaux enregistrés au cours de la deuxième moitié des années 2000, mais aussi à l’exacerbation de la concurrence mondiale sur les investissements extérieurs.
Des entreprises de renommée et fidèles au site Tunisie
Grâce aux efforts de promotion et d’accompagnement spécifiques de la FIPA aux investisseurs extérieurs, la Tunisie a pu se forger l’image de destination « privilégiée » pour les entreprises étrangères venues des différents coins du monde, à même de contribuer au développement socioéconomique du pays au travers du transfert technologique, des effets d’entraînement et de création d’emploi.
Les entreprises étrangères sont actives dans plusieurs secteurs stratégiques en Tunisie, tels que les industries aéronautique, automobile, électrique, électronique et mécanique. Un changement de structure s’est manifestement opéré au fil du temps en faveur des investissements industriels manufacturiers au regard de l’énergie. A elles seules, les entreprises étrangères implantées en Tunisie contribuent à plus de 80 % des exportations de produits industriels.
Nombre d’entreprises étrangères n’ont pas seulement maintenu leurs activités, mais ont accru leurs investissements au fil des années, a précisé le directeur général de la FIPA. Les derniers chiffres sur les investissements étrangers en Tunisie sont reluisants selon le même responsable.
En effet, les IDE ont atteint 3,2 milliards de dinars en 2024, représentant un accroissement de 26% par rapport à 2023 et permettant de créer plus de 15 mille postes d’emploi.
Faut-il souligner que cinq grands opérateurs du secteur automobile ont procédé à des extensions de leurs sites opérationnels en 2024, pour une valeur estimée à mille millions de dinars. La dynamique observée sur le premier semestre de 2025 semble très encourageante, en ce sens que la FIPA table sur des flux valant 4 milliards de dinars d’IDE pour toute l’année, soit le niveau enregistré il y a presque deux décennies.
Forte de ces acquis, l’Agence de promotion des investissements extérieurs a honoré nombre d’entreprises qui ont réussi leur « mission » en Tunisie depuis leur implantation à partir des années 70 pour certaines d’entre elles. Il est, entre autres, question des entreprises Draxlmaier et Leoni allemandes, Alsico et Demco textile belge, Opalia Recordati italienne, Lear corporation et Visteon electronics américaines, Yura corporation sud-coréenne, SE Bordnetze japonaise, Mecachrome et Selt marine colloids françaises, Ant precision chinoise, et Etilog suisse et Coficab tunisienne.
…pourtant, il reste beaucoup à faire
La Tunisie fait toujours partie des destinations les plus prisées du continent africain en matière d’investissements directs étrangers sur fond de proximité géographique, d’ouverture économique et de coûts salariaux relativement modérés associés à une main-d’œuvre qualifiée.
Ces avantages ne sauraient tout de même suffire à rendre la Tunisie un hub industriel et technologique du continent africain et de la région méditerranéenne. Tout d’abord, l’augmentation des incertitudes sur fond de fragmentation et de volatilité des flux d’investissement mondiaux et les risques « d’une forte baisse des investissements pour atteindre les objectifs de développement durable » pour les pays en développement, comme l’affirme la conférence des Nations unies pour le commerce et le développement. Ensuite, l’intensification de la concurrence entre les pays en développement et émergents quant à la mobilisation des investissements étrangers liés aux transitions numérique et écologique. Enfin, le manque de compétitivité du climat des affaires national par rapport à l’aisance offerte par d’autres pays concurrents.
L’ambition nationale exprimée en matière d’intégration des chaînes de valeur mondiales et de transformation économique et sociale appelle une stratégie active et multidimensionnelle axée sur l’attractivité des IDE.
Premièrement, persévérer dans l’amélioration du climat des affaires. Il s’agit surtout de stabiliser le cadre institutionnel et législatif régissant l’entrepreneuriat et l’investissement, renforcer la gouvernance, réduire la complexité administrative, moderniser l’infrastructure logistique et d’accueil, et rehausser la productivité globale des facteurs de production.
Deuxièmement, accélérer la mise en œuvre des projets structurants en mode partenariat public-privé liés notamment aux énergies renouvelables, aux infrastructures de transport, d’assainissement et de logistique. Accusant un retard, les projets relatifs aux centrales solaires, aux plateformes logistiques, aux liaisons multimodales, aux stations de dessalement, aux villes intelligentes et à l’ensemble des projets inscrits dans les stratégie nationales et sectorielles, ont besoin d’être réactivés à même de susciter l’engouement des opérateurs économiques étrangers.
Troisièmement, renforcer la promotion de la destination Tunisie. La diplomatie économique est, à cet égard, de mise. Il importe de fédérer les efforts des différentes structures publiques du pays et user des réseaux mondiaux afin de convaincre les entreprises étrangères et multinationales de venir investir en Tunisie. Toutes les entités nationales se doivent d’être déployées dans le cadre d’une stratégie unifiée de diplomatie économique dûment réfléchie et opérationnalisée, susceptible d’attirer plus d’importantes firmes étrangères dans les activités à forte valeur ajoutée à l’instar de l’industrie manufacturière, de l’infrastructure, des nouvelles technologies, des énergies renouvelables dont l’hydrogène vert, etc.
« Trop d’économies sont laissées pour compte, non pas parce qu’elles manquent de potentiel, mais parce que le système continue d’acheminer les capitaux là où c’est le plus facile, et non là où ils sont nécessaires », a bien précisé Rebecca Grynspan, la secrétaire générale de la conférence des Nations unies pour le commerce et développement lors de la présentation du dernier rapport sur les investissements étrangers dans le monde.
La facilitation des affaires en premier, c’est le message essentiel à apprendre et le défi à relever, si l’on veut réellement gagner le pari des IDE. Ce message s’adresse non seulement à la FIPA, mais à toutes les administrations chargées de l’investissement en Tunisie. Ces dernières doivent s’inscrire dans la nécessité, voire l’urgence de remodeler les dispositifs d’investissement à même de les rendre suffisamment attractifs et au servie d’un développement inclusif et durable.
La Tunisie est un pays à potentiel qui mérite d’être libéré. On peut toujours faire mieux !