Cette semaine, je présente ma contribution sous forme de journal, car chaque jour a apporté quelque chose de nouveau. J’aurais aimé développer certains points, mais c’est la place qui manque (déjà, je suis conscient d’en prendre trop !).
*Mardi 23 juillet : LPR versus LPCP ? Le Ramadan se déroule jusqu’à présent dans le calme. Le peuple tunisien a retrouvé avec joie les festivals d’été (Carthage, Hammamet, El Adbellia, la Médina, Le Kef et d’autres moins connus), les veillées religieuses dans les mausolées des Saints, les animations ramadanesques comme celle de Bizerte et tout cela sans manifestation intempestive des membres des Ligues de protection de la Révolution, ces “pères la vertu” qui se croient investis d’une mission (divine) contre tout ce qui peut leur paraître “haram” ou “bedaa” dans la vie quotidienne des citoyens. Il est vrai qu’apparemment les LPR ont reçu de leurs dirigeants occultes l’ordre de “se faire oublier” en se mettant en veille. Or voici qu’apparaît un phénomène nouveau, dirigé par un certain Marouane Mestiri, à savoir la création d’autres ligues : les Ligues de protection du citoyen et du pays (LPCP) dont le but serait de “combattre les abus des LPR”. Personnellement, je les trouverais, d’emblée, plus sympathiques. Mais je suis un peu étonné de la rapidité avec laquelle se sont créées des sections locales dans les 24 gouvernorats de la République, il ne faudrait pas qu’elles aussi se transforment en véritables milices et que l’on se retrouve dans la situation égyptienne des pro et anti-Morsi qui ont mené à des combats fratricides féroces.
À cela, une seule solution, laisser aux forces de la sécurité publique le monopole de l’ordre public et interdire par une loi tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à une milice, qu’elle soit d’une tendance ou d’une autre, sinon on va droit à la catastrophe.
*Jeudi 25 : assez de crimes ! J’étais trop optimiste avant-hier : les tueurs sont encore à l’œuvre ! À peine éteinte la télé, qui venait de rendre compte de la séance de l’ANC consacrée (du bout des lèves) à la Fête de la République, que Business news annonçait la terrible nouvelle : le lâche assassinat du député Mohamed Brahmi, le “frère” et l’alter ego du martyr Chokri Belaïd, comme lui abattu devant chez son domicile par des balles tirées par deux tueurs à moto, conformément “aux ordres de la Réaction”. Deux combattants exemplaires sont tombés, victimes de leur courage et de leur intransigeance, alors que ni l’un ni l’autre n’ont jamais proféré de paroles de haine ni de menaces. Ainsi “ils” ont osé renouveler leur crime alors que l’assassinat de Chokri Belaïd n’a pas été élucidé même si Noureddine Bhiri, dans les quotidiens de ce matin, a promis “toute la vérité… sur cet attentat, ainsi que sur ses commanditaires”. Je n’ai pas le courage de poursuivre, je vais passer ma journée à rester scotché entre TV et ordinateur…
*Samedi 27 juillet : le miroir aux alouettes ! On attendait beaucoup de la conférence de presse du ministre des l’Intérieur, hier, mais on n’a “appris” que ce que l’on savait déjà, même les photos des présumés coupables ont déjà été publiées. Seul est apparu le nom de Boubaker Hakim, qui se révèle aussi difficile à trouver que l’a été son compère Abou Iyadh au temps où on le recherchait… là où il n’était plus !
Aujourd’hui auront lieu les obsèques du martyr Mohamed Brahmi, j’en parlerai demain. En attendant, la dégringolade des opposants continue, plus d’une centaine de membres ont démissionné d’Al Joumhouri, suite à la défection la semaine dernière d’Afek Tounes : le camp démocratique s’affaiblit au moment où l’unité s’avère de plus en plus indispensable !
*Dimanche 28 : et maintenant, que faire ? Les obsèques (“nationales” peut-on dire, car organisées et encadrées par l’Armée nationale) se sont déroulées hier : des dizaines de milliers de citoyens (et de citoyennes, n’en déplaise à certains réactionnaires !), ont accompagné le martyr Mohamed Brahmi dans sa dernière demeure : le Carré des Martyrs. Il faudrait un livre pour décrire le courage et l’endurance de ces hommes et femmes qui ont supporté pendant des heures une température de 40°. Je ne veux en retenir que l’image émouvante du fils aîné de la victime aspergeant d’eau le voile qui recouvrait la tête de sa mère, debout malgré sa fatigue et sa douleur… et des milliers de poitrines criant leur dégoût des assassins. Paix à son âme.
Il faut maintenant tirer la leçon de ces deux drames, et envisager l’avenir, mais sans “jeter le bébé avec l’eau du bain”. Il faut bien noter que ces élus n’ont pas démissionné de leur poste, mais ont “gelé leur activité” et à mon avis l’ANC ne doit pas être dissoute, mais rester en activité. Ce qu’il faut, c’est que la Troïka (et Ettakatol n’est pas contre cette idée) accepte la création d’un gouvernement élargi, dirigé par une personnalité indépendante, qui chargera un comité d’experts (ce que l’on a refusé jusqu’à présent) de terminer la Constitution et la création de l’ISIE et mènera aux élections. La condition sine qua non est la dissolution de toutes les milices (voir le début de mon papier) sans laquelle rien ne peut se faire. Le plus tôt possible, l’UGTT doit réunir tous les chefs des partis “qui comptent” et rester en contact avec l’ANC et la présidence de la République, les deux pôles qui peuvent encore sauver la paix dans notre pays. Sinon, ce sera la chute dans le précipice…
Raouf Bahri