Depuis 2011, les discours politiques à propos de «l’exemplarité» et les lois dites de «moralisation» se sont multipliés sans empêcher les dérives collectives et les malversations individuelles qui, lorsqu’elles se produisent, jettent l’opprobre sur l’ensemble de la classe politique. Ce fléau est devenu la première obsession des Tunisiens. Comme englués dans une crise existentielle, ils semblent à fleur de peau. Ils tirent sur le collier, le fil casse et les mensonges politiques, jusqu’ici impeccablement alignés, s’éparpillent et rebondissent dans toutes les directions !
Au pied du mur, le pouvoir qui craint que le pays ne s’embrase de nouveau, n’a pas cessé de mobiliser, dans ses discours officiels, la figure du vampirisme pour symboliser celles des prédateurs, des spéculateurs et des «ennemis du peuple» ! Mais, puisqu’on dit que ce n’est pas le discours populiste qui compte en politique, nul besoin d’exhiber le gros réservoir lexique pour prouver que vous en avez «la culture politique» nécessaire. D’autant qu’un riche lexique populiste cache souvent une absence totale de solutions. La question, aujourd’hui, n’est pas de mêler les voix officielles au chœur pleurnicheur du «c’est la faute aux chambres noires», mais plutôt, de savoir comment empêcher que le pays devienne une machine à fabriquer de l’inégalité, des privilèges, des castes et des mafias de toutes sortes. Il ne fait pas de doute qu’il existe un lien entre le populisme et l’endossement de ce type de théorie du complot. Tous ceux qui cèdent à ce fameux et terrible mélange d’arrogance et de provocation verbale seraient bien avertis de réfléchir plusieurs fois aux risques qu’il y a, pour eux, de scier la branche sur laquelle ils sont perchés.
Nous sommes dans un champ de ruines, que fait-on maintenant ? Le pouvoir est-il capable de relever le défi ?
Après le déluge de sornettes déversé par les faux sachants qui adorent donner, en levant un index vertueux, des leçons dans tous les domaines, inutile de rajouter sa pierre. On ne s’interdira cependant pas de tirer quelques enseignements de ce désastre. Comment avons-nous pu laisser faire cela ? Par faiblesse, incompétence ou lâcheté ? Il n’est pas besoin d’avoir lu les rapports des institutions financières internationales pour savoir qu’on ne peut indéfiniment compter sur les idéologies islamistes et populistes mortifères pour casser les structures du vampirisme et empêcher que les prédateurs pillent sans scrupules les caisses de l’État. En ignorant certains principes économiques et sociaux de base, les gouvernements successifs se sont obstinés dans des escalades populistes qui n’ont réglé aucun des problèmes du pays, et… s’il y avait un prix de la plus mauvaise gestion du monde ces dernières années, la Tunisie du «printemps arabe» concourrait dans les premières places. Son économie est un gruyère dévoré par la malversation, la corruption, le népotisme, le vampirisme et l’idéologie anti-travail. Cette évidence est terrible, car elle risque de fracturer encore plus notre société
Il faut reconnaître qu’une chape de plomb est tombée sur notre pays. L’apparent rafistolage et les petits ravalements de façade ne sauraient cacher la réalité d’une dangereuse dérive des finances publiques. Les derniers rapports des institutions internationales le confirment en tirant la sonnette d’alarme.
Crise, poudrière, désastre, enlisement… les qualificatifs décrivant la situation actuelle dans le pays n’ont rien de rassurant.
En ce temps dominé par les adeptes de la gesticulation religieuse et populiste musclée, les plus à plaindre après le pauvre peuple, qui a fini par s’habituer au pire, sont les lanceurs d’alerte, qui ont été systématiquement bâillonnés, ostracisés, calomniés.
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