Au royaume des démocrates hypocrites

 

Démocrate et progressiste, deux mots indissociables aujourd’hui dans le lexique de tout Tunisien fier de vivre cette étape historique et de participer à l’édification d’une nouvelle Tunisie, et pourtant…
Le démocrate progressiste tunisien a des spécificités propres à lui. Tout fier de la Tunisie, il citera Bourguiba, premier président de la Tunisie, dans tous ces appels pour la démocratie et rappels de l’histoire tunisienne progressiste. Il vous énumère tous les acquis en matières de libertés « accordées » par Bourguiba et omettra son côté despote et tyrannique, allant jusqu’à l’assassinat des opposés et le mandat à vie. Le démocrate progressiste, tout en militant pour une citoyenneté respectée et responsable, transforme Bourguiba d’un symbole à un mythe et votera à la recherche d’un père et non d’un dirigent de l’Etat.
Il est progressiste démocrate et pourtant, il rend hommage à Sadam Hussein, il regrette Kadhaffi et il soutient Bachar Assad. Tous despotes et tyrans, le premier gazant les Kurdes et bombardant les chiites, le deuxième anéantissant la notion de l’Etat et pillant les richesses et le troisième instaurant un régime policière répressif et tortionnaire. Certes, Sadam Hussein symbolise la résistance anti américaine, et pourtant, il a été leur allié et il a ouvert la brèche en envahissant le Kuweit, mais cela, le progressiste démocrate tunisien l’omet. Certes Kadhaffi a été tué par les mains de barbares et qu’aujourd’hui la Libye est proie aux milices et aux fondamentalistes armés, mais, ce n’est que la conséquence de sa politique et de ses choix. Et certes, aujourd’hui la Syrie fait face à une guerre civile ethnique et est dévorée par le terrorisme, mais au départ, Bachar Assad a paralysé toute révolution pacifiste en emprisonnant l’élite capable de canaliser les mouvements de protestation et s’est entêté à ne pas négocier avec l’opposition, livrant ainsi son pays aux djihadistes venus de tout le globe. Mais cela aussi le démocrate progressiste ne le voit pas.
Le progressiste démocrate tunisien, prêchera la priorité de la sécurité sur les mouvements sociaux, vous agitant la menace sécuritaire et terroriste à la moindre protestation. Il vous descendra à la moindre critique adressée à son parti ou à son dirigent, sous prétexte qu’il fait au moins rempart contre les islamistes et l’obscurantisme. Il milite contre la peine capitale, mais justifie que l’on torture des djihadistes dans les prisons ou qu’on les agresse à leur arrestation. Il se révolte contre la chevrotine du temps de la Troïka, mais légitime les balles réelles tirées par la police du gouvernement Essid.
Et sous prétexte de défendre le progressisme, il combat les libertés, il exige la fermeture des écoles coraniques au lieu de demander que les programmes soient simplement surveillés, car le démocrate progressiste ne croit pas que le choix d’apprendre à ses enfants le coran fait partie des libertés individuelles. Il demande la fermeture des mosquées entre les prières, car cela est aussi pour le démocrate progressiste une menace, alors qu’un citoyen est censé être libre de rester dans un bar, un café ou la mosquée… le démocrate progressiste milite justement pour une société et pour un régime semblable à celui qu’il a délogé, celui de Ben Ali, progressiste peut-être, mais nullement démocrate.
Le progressiste démocrate rêve peut-être d’une société moderne à l’image de celle du Suède, de la Suisse ou de la France etc. C’est peut-être pour cela, qu’il se bat pour ce qu’il croit être laïcité. Néanmoins, ce même progressiste rejette l’efféminé, menace de mort ou d’agression l’homosexuel ou du moins, exige qu’il ne soit point apparent, mais légué à l’ombre, car il ne pourrait le tolérer. Ce même progressiste, n’aura guère de scrupule à filmer un politique, une femme connue, un ou une artiste dans un pub, devant une bière ou entrain de danser pour anéantir sa réputation, le traitant de tous les adjectifs l’entachant. Ce sont d’ailleurs ces mêmes progressistes qui, il y a deux ans, ont partagé sur le web la vidéo d’un ancien prisonnier politique, à l’époque ministre de la Troïka, le dévoilant dans l’intimité et l’insultant…
Démocratie et progressisme, se sont vidés de leur sens, devenus paroles de frime alors que la pratique en est encore loin, peut-on du moins, cesser de s’en targuer le temps que l’on finisse notre apprentissage en la matière ?

Related posts

Le danger et la désinvolture 

Changer de paradigmes

El Amra et Jebeniana