Au travail !  

 
Dans le numéro 1518 de Réalités, à la suite des derniers évènements à la Mosquée de la Zitouna, je posais la question : “Quand réussira-t-on à libérer la Zitouna” ? A cet effet, le ministère des Affaires religieuses a publié le 30 janvier un communiqué annonçant le retrait du document datant du 12 mais 2012, relatif à la reprise de l’Enseignement zeitounien, pour non conformité avec les lois tunisiennes. Je rappelle que ce document avait été établi à la suite d’interventions musclées des partisans du Cheikh Houcine Laabidi. Cette décision a été prise par trois ministères : ceux des Affaires religieuses, de l’Education et de l’Enseignement supérieur, après avoir pris de la Présidence du gouvernement, en effet un document émis le 7 septembre 2012 par ces trois ministères confirmait que “le texte relatif à la reprise de l’Enseignement zeitounien n’a qu’une valeur symbolique et doit être appuyé par un programme global sur cet enseignement et son organisation ». Par ailleurs, le ministère des Affaires religieuses rappelle que les bases des programmes de cet enseignement doivent être compatibles avec le système d’éducation nationale.

On est loin de la liberté et de l’indépendance dont se targuait le Cheikh Laabidi ! Et on vient d’apprendre que le ministre des Affaires religieuses a nommé trois cheikhs pour diriger la prière à la Mosquée Zitouna.

 

La deuxième mouture du Gouvernement Essid a été révélée lundi 3 février. Il est composé de 25 ministres et 15 secrétaires d’Etat et compte seulement 8 femmes, et à ce sujet, je regrette l’absence de Khadija Chérif, nominée au minisètre de la Femme dans la première mouture du gouvernement Essid — Celui qui a soulevé un tel tollé qu’il a fallu en préparer un autre !— et qui a été remplacée par Semia Meraï Friaa, d’Afek Tounes. Je n’ai rien contre cette dame, médecin de son état, mais je pense que Khadija, une militante éprouvée et ancienne présidente de l’Association des femmes démocrates, ne méritait pas cet affront, qu’elle a expliqué sur les ondes de Shems FM par “une collusion Ennahdha-Afek Tounes” qui aurait exigé son départ de la première liste gouvernementale…

Les nouveaux nominés appartiennent à 5 partis (Nidaa Tounes, l’UPL, Ennahdha, Afek Tounes et le Front national de Salut) ou sont des indépendants. On remarque l’absence d’Al Moubadara qui a pourtant voté pour Béji Caïd Essebsi et qui —compte dans ses rangs plusieurs compétences — ce qui entraîne la disparition totale de la famille destouriene. Est-ce une initiative d’Habib Essid ou une recommandation du président de la République ? C’est, en tout cas, dommage pour Kamel Morjane…

Le ministère de l’Intérieur, que je trouvais “un peu faible” dans mon dernier article a été renforcé par la nomination comme S.E de Rafik Chelli qui a déjà occupé d’importantes fonctions au sein de ce ministère dans le passé et me paraît plus apte à impulser la lutte contre le terrorisme et son complément, la contrebande, qui a pris des proportions exponentielles.

Sans doute, pour répondre à une critique assez répandue dans la société civile, plusieurs ministres ou SE sont originaires du sud tunisien et des régions “déshéritées”, ce qui devrait garantir une distribution plus équitables des projets économiques qui devraient permettre à ces régions de rattraper leur retard par rapport aux autres, plus favorisées par les régimes précédents.

 

C’est mercredi 4 février que s’est tenue la séance qui devait permettre à l’ARP de décider de la confiance à accorder au gouvernement Essid. Ouverte à 10h, elle a débuté par le discours de présentation du Chef du gouvernement, visiblement fatigué après ce marathon de quelques jours, il a évoqué les défis auxquels est confronté le pays et les priorités qui s’imposent : lutte contre le terrorisme, remise à niveau de la santé publique (soins de base et hôpitaux), enseignement et formation professionnelle, maîtrise des prix et lutte contre la contrebande et le commerce parallèle, rétablissement de la propreté des villes et entretien des routes et du circuit de l’eau potable pour éviter la propagation de maladies. Il a enfin annoncé la prise de deux mesures urgentes : l’aide aux familles nécessiteuses passe de 120 à 150 D/mois (autant dire une misère) et le gel des dettes des petits agriculteurs jusqu’à 2.000 dinars.

Visiblement ces promesses ont paru insuffisantes aux députés et 120 d’entre eux ont demandé la parole, d’où la tenue d’un débat qui s’était poursuivi toute une journée pour reprendre le lendemain. Les élus du peuple ont représenté, sous la coupole, les besoins et les craintes de leurs électeurs, insistant, eux aussi, sur la sécurité, les conditions de vie parfois misérables des  habitants des régions déshéritées, avec des écoles sans eau potable, des routes défoncées et inondées qui empêchent les enfants d’aller à l’école une partie de l’année, voire, empêchent taxis, ambulances et transport de marchandises et de gaz butane de remplir régulièrement leur fonction. Les villes ne sont pas mieux servies, avec les ordures qui ne sont pas ramassées et sont des sources de maladie à cause des dysfonctionnements des municipalités et les grèves incessantes des services municipaux.

On a appris avec étonnement que des palmeraies de Gabès et de Gafsa sont parsemées de maisons en construction sauvage au détriment des cultures traditionnelles ; cette anarchie ne nous étonne pas, nous, qui dans nos villes, souffrons de la disparition de plus en plus fréquente des trottoirs, sur lesquels sont bâtis des kiosques, où se sont installées des terrasses de café ou de gargotes.

Parmi les élus qui se sont plaints de tous ces dépassements, un bon nombre étaient des “redoublants” qui ont oublié que l’ANC et les gouvernements qui se sont succédé pendant trois ans portent une grande responsabilité dans la situation dont héritent aujourd’hui l’ARP et le gouvernement Essid ! Espérons que tous ces défauts qui remontent à la surface pourront être corrigés dans les cinq ans qui viennent…

Le “provisoire” et la transition se sont achevés.

Mehdi Jomâa a fait part de “sa fierté de l’opportunité qui leur a été offerte, à lui et à son gouvernement, de servir (leur) pays dans une situation de grandes difficultés” et a souhaité bonne chance à son successeur et ses ministres. Habib Essid  a promis que lui lui et ses ministres allaient se mettre immédiatement au travail.

Il n’y a pas de temps à perdre !

Raouf Bahri

 

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