Botte secrète, la proposition de soumettre l’arsenal chimique au contrôle international exhale un parfum d’échec et mat eu égard à l’intervention donnée, peu avant, pour immédiate. Afin de sauver la face, les va-t-en guerre d’abord au visage glabre et fous de rage paraissent avoir découvert une voie de garage. Selon eux «la fermeté a payé». Mais ce pas en arrière après les bonds vers l’avant arbore une différenciation. À l’évidence Obama n’est pas George W. Bush. Celui-ci laisse à Saddam une seule perspective, reconnaître la détention des «armes de destruction massive». Même si elle dure, la guerre aura lieu dans tous les cas de figure. De cette évolution, quelle est donc la raison ? Certes, Bush fondait ses allures fermes et solennelles à l’affaire des tours jumelles. Mais cela ne suffit pas, car l’ample transformation du monde politique et militaire passa par là. D’abord isolés, nos deux principaux militaristes unilatéraux annoncent, à Moscou, une «large coalition» de huit signataires favorables à une «forte» sanction. Cependant quel sens donner à cette «largeur» où manquent la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil ? L’observation cligne vers deux appréciations. La première désigne l’univers de la critique sémantique. Une fois vidés de leur substance, les signifiants adoptent l’allure d’une «lune morte au firmament.»
Le Pape sans bataillon
Coquille vide en matière de poids démographique et, peu à peu, stratégique, la province occidentale renoue avec une joute métaphorique. Les maoïstes narguaient le «tigre de papier» et les impérialistes les plus cyniques lui assignaient quelques «dents atomiques». Aujourd’hui, n’en déplaise à ses canines acérées, le fauve semble commencer à douter. Les gendarmes de la planète autoproclamés, supra-étatiques, brandissaient leurs fusées avec ou sans l’avis des Nations unies. Le droit gambadait ainsi derrière la force, jusqu’à la combine de Poutine.
En outre, le Pape, indigné contre la guerre annoncée crie, pour la première fois, sa grande colère et, dans le sillage de ce boucan, dirige la plus longue prière jamais organisée au Vatican. Certes Staline à qui Churchill proposait de ménager le Pape répondait : «De combien de bataillons dispose-t-il ?».
À l’égard de la morale internationale sa logique d’hier est celle de l’Amérique d’aujourd’hui. Poutine, intéressé entre autres par l’unique accès à la Méditerranée, rue dans les brancards, foudroie les casseurs de l’Irak du regard, attribue le gazage aux rebelles presque matés, ignore, au passage, Obama esseulé, traite Kerry de «menteur» et envoie en mer trois canonnières. Soulagé, en son for intérieur, de pouvoir surseoir à la guerre, le premier président Noir et, paraît-il, pacifiste aux États Unis n’est pas Kennedy. Les temps changèrent, depuis. Maintenant l’astuce de Poutine lui retire, du pied, une épine. Lui et le poussin gaulois ne font plus le poids auprès de la Chine et de son taux de croissance à deux chiffes. Grâce à pareille aubaine, ce géant tient les ficelles des finances américaines. Au cas où la guerre n’aurait pas lieu, la France aura engrangé la part la plus certaine de la haine ressentie par les opposants à l’arrogance de l’ultime État-colon.
La crème des Hommes
Durant la guerre du Golfe, l’opération fut remise en cause par quelques noms. À la différence d’Alain Touraine, partisan de la guerre «menée jusqu’à son terme», Bourdieu prend position contre les effets dévastateurs de «l’intoxication belliciste». Entre les deux sociologues de grand renom, l’aptitude ou l’inaptitude à la décentration fut au principe de la différenciation. Touraine voit le Golfe à partir de son appartenance occidentale. Bourdieu opte pour le surplomb du national. L’inexistence du prétexte guerrier résout le combat d’idées. Touraine adopta un point de vue engagé dans une voie sans issue. Avec son écrit sur «la guerre immonde», Gilles Deleuze rejoint Bourdieu dans le rejet du tribalisme occidentaliste. Que signifie la décentration opérée par Deleuze et Bourdieu ? Il n’appartient guère à tout homme de ne naître qu’à un endroit et d’être la crème des hommes.
Khalil Zamiti