Le projet de loi de Finances 2018 proposé par le gouvernement ne cesse de susciter des critiques et des controverses. Plusieurs partis, associations professionnelles et experts ont exprimé leurs reproches à ce projet et à ses principales orientations pour en faire probablement l’un des plus critiqués dans la période post-révolution. Ces critiques ont commencé bien avant le dépôt de ce texte et plusieurs ont fusé lors de son élaboration sur la base des informations qui ont fuité sur son contenu. Ces critiques vont redoubler d’intensité après la publication du document de la loi de Finances et son dépôt auprès de l’Assemblée. ses critiques et cet accueil plutôt mitigé, pourraient rendre les discussions parlementaires autour de ce projet complexes et difficiles.
La question qui se pose est de comprendre les origines de ces difficultés et d’expliquer ce tir croisé de critiques et de reproches face à ce projet.
De mon point de vue, cela se situe à quatre niveaux. Le premier est plutôt d’ordre politique et il est relatif à la fragilité de l’appui politique dont dispose le gouvernement de l’Union nationale dans ses dernières initiatives, notamment de nature économique. En effet, depuis la publication du projet de loi de Finances, peu de voix lui ont apporté leur appui. Au contraire, ce sont les voix discordantes et ouvertement critiques à ce projet qui ont marqué le débat. L’UTICA, l’UGTT et les partis de la majorité, notamment NIDA et AFEK, n’ont pas hésité à exprimer leurs désaccords avec la proposition du gouvernement, ce qui augure des négociations dures et complexes dans les prochains jours à l’Assemblée.
Le second niveau provient de l’absence d’une vision claire des choix de politique économique du gouvernement dans ce projet de loi de Finances. En effet, lors de l’examen des deux documents présentés jusque-là par le gouvernement, le premier concerne les mesures fiscales et le second est relatif au Rapport sur le budget. Ainsi, la vision de développement du gouvernement est le parent pauvre car le document semble opter pour une vision comptable de la loi de Finances qui la réduit à un équilibre entre les dépenses et les recettes. Cette vision ne facilite pas le débat et la discussion sur les grands choix et les grandes lignes de la politique économique du gouvernement mais le réduit à un échange entre techniciens qui n’incite pas à un grand débat public sur les grands choix de développement et les grandes aspirations qui peuvent susciter l’intérêt du grand public. Cette marginalisation des grandes questions d’orientation et de choix stratégiques et sa concentration sur les questions techniques ont contribué aux difficultés du projet de loi de Finances.
Le troisième niveau concerne sa focalisation et son orientation vers l’imposition de nouvelles taxes ou l’accroissement des taxes pour faire face au déficit croissant des finances publiques. Ce choix, même s’il est imposé par la dérive des finances publiques, est de moins en moins accepté par les acteurs économiques et par les citoyens. Pour les entreprises, il s’agit de taxes qui ne font que renforcer leurs difficultés financières et les soumettent à des charges qu’elles ne sont plus en mesure de supporter. Pour les citoyens, ces charges ne feront que réduire leur pouvoir d’achat et renforcent leurs difficultés économiques. Ce choix dans la lutte contre cette dérive des finances publiques est de plus en plus rejeté. Pourtant, il est au centre des grandes critiques au projet de loi de Finances. Ces réactions sont significatives d’une importante « fatigue fiscale » qui s’est installée dans notre pays et qui exige un changement radical d’optique de la part du gouvernement pour mettre beaucoup plus l’accent sur le contrôle et le recouvrement dans la mobilisation de ressources supplémentaires.
Enfin, la quatrième source de difficultés est un déficit de communication qui n’a pas aidé dans la compréhension des choix du gouvernement. Il faut dire que le gouvernement a opté pour la confidentialité et la discrétion dans l’élaboration de cette loi de Finances. Ainsi, peu d’informations ont circulé sur le contenu exact de ce projet. Ce choix pouvait trouver sa justification dans la volonté du gouvernement d’assurer les conditions de calme et de sérénité nécessaires pour ce processus et d’éviter toutes les polémiques qui peuvent peser sur le déroulement de ce processus. Or, l’absence d’informations a, au contraire, suscité de grandes rumeurs sur son contenu et a été au cœur de polémiques et de controverses avant même son dépôt officiel auprès de l’ARP, et en dépit des ajustements et des clarifications apportés par le gouvernement, les polémiques ont continué.
Ainsi, la fragilité du soutien politique, l’absence d’une vision stratégique claire, l’option fiscaliste et le déficit de communication, sont au cœur des difficultés rencontrées par la loi de Finances proposée par le gouvernement. Ces difficultés peuvent, en l’absence de correctifs, rendre les discussions à l’Assemblée plus difficiles et complexes.
35